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protestant, de telle sorte que la question religieuse alimenta encore la jalousie innée des deux puissances rivales. Puis, lorsque l'Angleterre constata les progrès faits par les Français en Amérique, et vit qu'ils allaient avoir le monopole du commerce des fourrures avec les Indiens, sa rage et son ressentiment ne connurent plus de bornes.

Il faut se rappeler qu'à l'époque où se place notre récit, soit vers le milieu du dix-huitième siècle, les colonies anglaises occupaient seulement une étroite bande de terre d'une longueur d'un millier de milles, située sur les rives de l'Atlantique. Les Français, au contraire, tenaient sous leur domination tout le Canada et la Nouvelle-Ecosse, et prétendaient même à la possession de toute la région intérieure s'étendant du fleuve Saint-Laurent à l'embouchure du Mississipi. Ils avaient hautement déclaré leur ferme intention de défendre ces territoires contre toute invasion anglaise, et avaient, à cet effet, construit soixante forts sur la ligne entre Québec et la Nouvelle-Orléans. Ils avaient descendu l'Ohio, « la belle rivière, » et commençaient à en coloniser la vallée, qui est un des plus beaux pays de l'Amérique. « Il est indubi

table, disait Franklin, qu'en moins d'un siècle peut« être, il y aura là un Etat populeux et puissant : « grand accroissement de pouvoir soit pour l'Angle« terre, soit pour la France. » La lutte était donc engagée, et jusqu'ici c'était la France qui semblait l'emporter.

L'émigration anglaise continuait cependant, et par suite les anciennes colonies, acquérant tous les jours une plus grande importance, les nouveaux arrivants cherchèrent à en fonder d'autres et ils se répandirent vers l'ouest. A un moment donné, ils se rencontrèrent sur les bords de l'Ohio avec les trappeurs et les soldats français descendant du nord, et les rixes qui devaient résulter de cet état de choses ne tardèrent pas à éclater. Les Français repoussèrent les colons anglais, et avec eux les inspecteurs qu'ils avaient emmenés. Un poste à Monongahela fut détruit, et le chef des Indiens Miami, qui combattaient avec les Anglais, fut tué et mangé par les Indiens alliés des Français.

Pendant ces querelles, les réclamations des Indiens, premiers et véritables propriétaires du sol, étaient méprisées. Pressentant qu'un jour il leur serait contesté jusqu'au droit d'exister sur ces terres que leurs ancêtres avaient habitées bien longtemps avant la venue des Européens, ils transmirent, par un messager, à l'agent de la Compagnie de l'Ohio, cette question polie et que les circonstances motivaient : « Où est la « terre de l'Indien? Les Anglais veulent tout un côté « de la rivière, les Français tout l'autre. Où donc est « notre terre? »

Ces conflits quotidiens entre les habitants des frontières des colonies rivales firent éclater, en 1749, la guerre qui couvait depuis longtemps, et dont la déclaration satisfit les aspirations secrètes de la majeure partie des colons en dispute. Les Français construi

sirent immédiatement trois nouveaux forts: l'un à Presqu'île, à l'endroit où est aujourd'hui la ville d'Erie, dans l'Etat de Pennsylvanie; un second, le fort Le Bœuf, sur l'emplacement occupé actuellement par la ville de Waterford, et un troisième qu'ils appelèrent a fort Venango. »

En 1753, le gouverneur de New-York écrivit au gouvernement anglais que, si on laissait les Français en possession de toutes les terres qu'ils avaient découvertes ou explorées, les rois d'Angleterre n'auraient pas une seule colonie distante de plus de cent milles de la mer. Tourmentées par cette observation, les autorités supérieures anglaises décidèrent d'envoyer un représentant auprès des Français pour leur demander une explication. George Washington, jeune homme de vingt et un ans, et qui faisait concevoir par son esprit et son instruction de brillantes espérances, fut choisi par le lieutenant-gouverneur de la Virginie, Dinwiddie, pour aller trouver les commandants des forts français et en demander l'abandon.

Le jour même qu'il reçut ses lettres de créance, Washington se mit en route. Il alla d'abord s'adresser au commandant du fort Venango, qui le reçut trèsmal, puis il vint au fort Le Bœuf, dont le commandant Saint-Pierre le traita avec égards, mais, comme un vrai et franc soldat qu'il était, refusa absolument de discuter sur des théories, et déclara, à la fin, qu'il avait reçu des ordres qu'il était de son devoir d'exécuter.

Cette réponse montrait que la France était déterminée à ne point se dessaisir du territoire exploré par les héroïques missionnaires jésuites, les pères La Salle et Marquette, et que la force des armes, seule, viendrait à bout de sa résistance.

Washington se mit alors en devoir de retourner auprès de ses compatriotes; on était au milieu de l'hiver; les torrents avaient été grossis par les dernières pluies; la neige tombait et recouvrait la terre d'une croûte durcie et glissante sur laquelle les chevaux ne pouvaient se tenir. Après quelques journées de marche à travers d'immenses solitudes, Washington se décida à continuer sa route à pied. Laissant de côté le chemin tracé, suivi d'un seul compagnon et sans autre guide qu'une petite boussole, il s'engagea hardiment dans la forêt. La distance qu'il avait à parcourir était longue plus de quatre cents milles le séparaient des postes anglais les plus avancés, mais aucun des périls auxquels il savait qu'il serait exposé ne le fit hésiter un instant. Pendant une grande partie de la route, il dut traverser des forêts qu'avant lui aucun homme de sa couleur n'avait visitées; un jour, un Indien, caché dans des broussailles, tira sur lui presque à bout portant, mais il le manqua et fut tué par le compagnon de Washington. Souvent les cours d'eau qui se trouvaient sur son passage étaient gelés; il les franchissait en marchant sur une glace dont le peu d'épaisseur lui faisait concevoir de légitimes appréhensions. En essayant de traverser la rivière Alleghany,

sur un radeau qu'il avait construit avec l'aide de son compagnon, la perche dont il se servait lui fut arrachée par la rapidité du courant, et son radeau fut submergé; les deux amis réussirent à gagner à la nage une petite île, où ils restèrent toute la journée transis de froid, n'ayant aucun moyen de faire sécher leurs vêtements. Pendant la nuit suivante, heureusement, un froid plus intense gela complétement le bras de la rivière qui les séparait de la terre, et Washington arriva enfin auprès du lieutenant-gouverneur de la Virginie, et lui rendit compte de sa mission.

Au printemps suivant, un régiment de soldats de la Virginie, commandé par le colonel Frye, qui avait sous ses ordres George Washington, fut envoyé pour occuper la pointe formée par la jonction des rivières Alleghany et Monongahela. Chemin faisant, ils apprirent que les Français les avaient prévenus dans leur dessein, et avaient déjà érigé un fort appelé Duquesne à ce même endroit. Aussitôt Washington partit en reconnaissance avec un petit détachement, rencontra une compagnie de soldats français, sous les ordres d'un officier, Jumonville, qui attendait l'occasion de l'attaquer, et la défit. Quelques jours après, le colonel Frye étant venu à mourir, Washington lui succéda dans son commandement. Il construisit dans les Great Meadows (Grandes Prairies) un retranchement entouré de pieux, qu'il appela « Fort Nécessité, et s'y enferma avec les forces dont il disposait. Les Français vinrent l'y attaquer, aidés par un grand nombre de

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