CHAPITRE XX Causes principales. Prétention de la Grande-Bretagne d'imposer ses . colonies. Lois qui les régissaient. Restrictions apportées à leur commerce. Sentiments des colons à l'égard de la mère-patrie. Ils demandent à être représentés au parlement anglais. Ce droit leur est refusé. Premières hostilités. Mesures de répression adoptées par le gouvernement anglais. Loi du timbre. Réclamations des colonies. La Virginie donne le signal de la révolte. Réunion d'un congrès américain. Déclaration des droits des colonies. La résistance s'organise. Ligue contre le commerce de la Grande-Bretagne. Arrivée du papier timbré. Fureur de la population. Les magistrats ne peuvent exécuter la loi. Discussions soulevées par ces inci. dents au sein du parlement anglais. Retrait de la loi du timbre. joie des colons. Ils demandent le rappel des lois régissant le commerce. Nouvelles taxes votées par le parlement. Troubles qu'elles provoquent. Envoi de troupes aux colonies. Rixes entre les soldats et le peuple. Progrès de la révolte. Refus des colons d'acquitter la taxe sur le thé. Bill du port de Boston. Réunion du premier congrès continental. Il approuve la résistance à l'Angleterre. Les « tories. Les colonies se préparent à la guerre. La cause la plus générale à laquelle on peut attribuer la révolution américaine est la prétention que manifesta la Grande-Bretagne d'exercer sur ses colonies d'Amérique un gouvernement arbitraire. Tant que cette prétention resta théorique, le conflit fut retardé; mais le jour où le gouvernement anglais voulut mettre ce principe en pratique, les colonies résistèrent énergiquement. La question commença à être ouvertement débattue à l'époque de la signature du second traité d'Aix-la-Chapelle, en 1748, et depuis cé moment, jusqu'aux premières hostilités de 1775, chaque année vit de nouvelles agitations causées par les abus d'autorité des gouverneurs ånglais et par les impôts que l'Angleterre entendait tirer de ses colonies. Une seconde cause, subordonnée à la première, fut le caractère personnel du roi d'Angleterre George III, qui monta sur le trône en 1760. Pendant soixante ans, ce monarque entèté fit indignement souffrir les habitants de ses colonies d'Amérique, par la forme de gouvernement despotique et autoritaire qu'il avait adoptée pour elles, ainsi que par des vexations de tout genre. La majorité des hommes qui avaient fondé les treize colonies de New-Hamphire, Massachusetts, Rhode Island, Connecticut, New-York, New-Jersey, Pennsylvanie, Delaware, Maryland, Virginie, la Caroline du Nord, la Caroline du Sud et la Géorgie dont nous avons raconté l'histoire primitive, étaient venus en Amérique pour fuir les persécutions religieuses dont l'Angleterre avait été le théâtre, et avaient apporté avec eux des principes de liberté qui grandirent avec leurs établissements. Provoquer ces hommes par l'injustice, c'était rompre les liens qui les attachaient à la mère-patrie. C'est précisément ce que l'Angleterre fit sans cesse et comme de propos délibéré. Le gouvernement anglais sembla toujours traiter les colons comme les membres d'une classe très-infé rieure. Son intention était de maintenir les colonies sous sa dépendance absolue, et les lois étaient faites de manière à favoriser le fabricant anglais au détriment du colon. Par l'acte de navigation, les habitants des colonies étaient tenus d'envoyer tous leurs produits en Angleterre et de n'acheter de marchandises que sur les marchés anglais. Toute fabrication d'articles de toilette, d'ustensiles de ménage, d'outils pour la culture ou autres, était rigoureusement interdite dans les colonies. Pitt, le premier ministre du roi George III, qui pourtant se disait « l'ami de l'Amérique, » déclara à la Chambre des communes « qu'elle n'avait pas le droit de fabriquer même un clou pour un fer à cheval. » L'exportation de chapeaux d'une colonie à l'autre était prohibée, et un chapelier ne pouvait avoir plus de deux apprentis à la fois, « car, ( disaient les défenseurs de ces lois vexatoires et « impolitiques, si les colons sont laissés libres, ils « fourniront des chapeaux au monde entier. » II était aussi défendu de s'établir chapelier, si l'on n'avait pas fait un apprentissage de sept ans. Il était permis d'exporter le fer en gueuse ou en barre, mais on ne pouvait posséder de forges et les gouverneurs avaient ordre de les détruire. - L'importation du sucre, de la mélasse, du rhum, était frappée de droits exorbitants; les Caroliniens ne pouvaient abattre de pins dans leurs immenses forêts, afin de se servir du bois pour leurs constructions, ou de convertir la séve en résine et en goudron. Les colons devaient naturellement chercher à éluder des lois aussi odieuses; la contrebande se fit sur une vaste échelle, et sur la quantité de thé consommée annuellement dans les colonies, et qui représentait une valeur d'environ un million et demi de dollars (7,500,000 francs), c'est à peine si quelques caisses passaient par la douane et acquittaient les taxes. Les gouverneurs nommés par le roi pour administrer les provinces avaient souvent blessé les sentiments du peuple par les mesures arbitraires qu'ils avaient prises. Des essais avaient même été faits pour retirer les chartes octroyées aux colonies de Massachusetts, de Rhode-Island et de Connecticut, lors de leur création. Quoique cette manière d'agir envers les colonies semblât faite pour détruire l'affection qui les attachait à la mère-patrie, elles conservèrent néanmoins, pendant les premiers temps de leur rébellion, la même vénération pour l'Angleterre. Au commencement, lorsque le peuple refusa de payer les impôts fixés par le gouvernement anglais, les habitants ne crurent pas manquer à leur devoir, et pour peu ils eussent crié : Vive le roi George! Après que des armées eurent été levées, et eurent commencé à combattre les troupes régulières, le congrès qui avait été réuni fit la déclaration suivante : « Nous n'avons pas formé des armées dans le a but ambitieux de nous séparer de la Grande-Bre« tagne et de nous proclamer États indépendants! » A ce moment encore, les habitants auraient été parfaitement satisfaits si le gouvernement anglais leur eût permis d'être représentés au parlement, lors de la discussion des impôts qu'on proposait d'établir sur eux. Ceux de la Nouvelle-Angleterre, dont les sentiments républicains les prédisposaient plus particulièrement à repousser toute tentative de ce genre, et dont le caractère hardi et intelligent était le plus porté à la résistance, furent les premiers à étudier le nouveau projet du gouvernement anglais et à en découvrir les tendances. Ils s'aperçurent vite que, si la prétention de l'Angleterre de taxer ses colonies à son propre bénéfice et suivant son plaisir lui était, une fois, reconnue, un système d'oppression pourrait être introduit, qui, par la suite, deviendrait graduellement intolérable, et qu'il ne serait plus possible de renverser. Puisqu'ils n'étaient pas représentés au parlement anglais, qu'est-ce qui empêcherait la Chambre des coinmunes de continuer à alléger les impôts de l’Angleterre à leur détriment? et quelle attention cette assemblée prêterait-elle à l'examen de taxes dont ses membres seraient exempts? Telles sont les considérations qui amenèrent les colons américains à dénier au parlement anglais le droit de lever aucune taxe sur les colonies, déclarant que toute tentative de les imposer serait la violation de leurs priviléges à un double titre; car, comme colons, ils possédaient, par chartes royales, le droit de se taxer eux-mêmes pour leurs besoins, et, comme |