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mémoires, le voile qui avait été un instant soulevé entre l'ancien monde et le nouveau était retombé, et ce dernier demeurait caché dans l'ombre de l'inconnu.

Si l'on s'en rapporte à une tradition dieppoise qui offre un certain caractère d'authenticité, on pourrait attribuer à un Français l'honneur d'avoir le premier, dans les temps modernes, mis le pied sur le sol américain.

A la fin du quinzième siècle, Dieppe était à la fois notre grand port de commerce et notre grand port militaire ; ses marins, braves et hardis, se laissaient souvent, dans leur fiévreuse ardeur, emporter par la tempète à d'énormes distances. — L'un des pilotes les plus en renom à cette époque était un nommé Jean Cousin, élève de l'abbé Descaliers, savant astronome et mathématicien. Tour à tour soldat et négociant, il s'était distingué dans un combat contre les Anglais, et avait fait ses preuves dans plusieurs voyages au long cours. Au bruit des découvertes que venaient de faire les Portugais en Afrique, quelques gros marchands dieppois s'associèrent et proposèrent à Jean Cousin de partir pour un voyage d'explorations. Cousin accepta, et en 1488 il mit à la voile. Arrivé à la hauteur des Açores, Cousin fut entraîné à l'ouest par un courant marin et aborda sur une terre inconnue qui devait être le Brésil, près de l'embouchure d'un fleuve immense, le fleuve des Amazones très-probablement. Il prit possession de ce continent, mais,

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comme il n'avait ni un équipage assez nombreux, ni des ressources matérielles suffisantes pour fonder un établissement, il se rembarqua, et continua ses esplorations pour ne revenir à Dieppe qu'en 1489.

M. Paul Gaffarel, auteur de l'article auquel nous empruntons ces détails, fait remarquer avec raison que « la tradition dieppoise se fonde uniquement sur le hasard du courant qui aurait porté Cousin sur le continent américain. Or, ce courant existe; c'est le fameux Gulf-Stream. Ses eaux sont animées par un mouvement constant de translation, et leur force est tellement bien connue aujourd'hui que les navires, mème à vapeur, qui font le trajet d'Europe au Brésil,

. s'engagent volontiers dans ce courant qui leur épargne une grande dépense de combustible et de temps. ) Nous ne nous occuperons pas de discuter la validité ou la fausseté de la tradition dieppoise, cependant on peut admettre que Cousin rencontra le Gulf-Stream et se laissa conduire, se fiant au hasard qui le servit admirablement.

Sans chercher à modifier une opinion établie, nous avions relaté quelles étaient les prétentions des Suédois et des Norwégiens au sujet de la première découverte du Nouveau Monde; c'est un juste sentiment d'amour-propre national qui nous a fait rapporter le sujet de la tradition dieppoise, et nous y appesantir plus longuement'.

1 La découverte de l'Amérique arnnt Christophe Colomb, par Paul Gaffarel. (Revue politique et littéraire, 2 mai 1874.)

Si les Islandais et les Norwégiens ont véritablement les premiers découvert le Nouveau Monde, il était réservé à un autre peuple de faire connaître à l'Europe l'existence d'un second continent. L'Espagne devait être le pays dont le bienveillant patronage allait ajouter un nouveau monde à l'ancien.

CHAPITRE III

Disposition des esprits au quinzième siècle. Croyances répandues au

sujet de la terre. Christophe Colomb. Incertitude sur le lieu et la date de sa naissance. Ses premières années. Son mariage. Colomb conçoit le projet de rechercher de nouvelles terres. Il fait part de son dessein à la ville de Gênes, qui le repousse. Il le présente au roi de Portugal et ne réussit pas mieux. Il retourne à Gênes, renouvelle sa proposition et essuie les mêmes dédains. Il veut faire connaître son projet au roi d'Angleterre, qui refuse de l'écouter., Venise rejette les offres que Colomb lui fait. Colomb trouve un protecteur. Il obtient une audience des souverains de l'Espagne. Rejet de la proposition de Colomb. Colomb se décide à quitter l'Espagne; ses offres sont acceptées. Première expédition. Découverte des Iles San-Salvador, Santa-Maria, de la Conception, Fernandina, Isabella, Cuba et Haïti. Colomb retourne en Espagne. Il dirige successivement une deuxième et une troisième expédition. Découverte du nouveau continent. Après un quatrième voyage, il revient en Espagne et meurt. Remarques sur son caractère.

Cinq cents ans s'étaient écoulés depuis l'époque où l'Amérique avait été entrevue pour la première fois. Les ténèbres du moyen âge s'étaient dissipées et l'Europe semblait avoir acquis une nouvelle vigueur. Une grande activité commerciale reliait entre elles les nations européennes ; des voyages étaient entrepris dans toutes les directions ; les croisades, enfin, avaient développé l'importance maritime de certaines villes italiennes telles que Pise, Gènes et Venise; le goût du luxe dominait partout, et de grandes relations commerciales s'étaient établies entre toutes les nations de l'Europe méridionale d'une part, et les Indes et la Perse de l'autre. Les châles, les soieries, les pierres précieuses et les épices qui arrivaient de ces pays étaient fort recherchés, et chacun prenait un vif intérêt à la lecture des livres de voyages. Marco Polo venait d'écrire le récit de ses courses; d'autres racontaient les merveilles que renfermaient le Japon et la Chine dont le sol, disaientils, scintillait de l'éclat des rubis et des diamants qui le recouvraient et où les perles étaient aussi abondantes que les cailloux en Europe.

Tous ces récits devaient forcément enflammer l'imagination, et l'on ne songeait plus alors qu'à trouver les moyens d'arriver aux Indes

par
la

mer, afin d'éviter des transports et des voyages longs et pénibles. D'Italie, en effet, il fallait aller à travers la Méditerranée jusqu'à la mer Rouge, puis par caravanes sur le dos des chameaux par l'intérieur des terres jusqu'au pays des épices et des pierreries.

La terre était généralement considérée comme une vaste plaine dont tous les bords étaient entourés par un Océan immense. Quelques géographes, mieux instruits, avaient déjà conçu l'idée de sa rotondité, mais, d'après leurs calculs, ils croyaient le globe infiniment plus petit qu'il n'est en réalité. Ils pensaient, en outre, que l'Asie s'étendait beaucoup plus loin à l'est, de sorte qu'en partant d'Europe et en suivant une route occidentale, on devait, après un très-court voyage, arriver à la côte orientale du seul continent connu.

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