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Karlsefni donna le jour à un enfant mâle, le premierné de parents européens sur la terre américaine. Cet enfant, appelé « Snorre, devint le fondateur d'une famille illustre à laquelle appartint le célèbre sculpteur danois Thorwaldsen.

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Il faut rappeler ici que, de tout temps, les Danois, les Suédois et les Norwégiens ont été de grands et hardis marins, et il est encore rare à notre époque de rencontrer, lors d'une expédition quelque peu aventureuse, un équipage de navire qui ne compte pas un homme appartenant à l'une de ces nations.

Lorsque nous jetons les yeux sur une carte, la distance ne nous paraît pas énorme entre la Norwége et l'Islande, ni entre le Groënland et le Labrador. Il est donc naturel de penser qu'un marin ayant atteint ce dernier point, poussé par une juste curiosité de connaître les nouvelles terres qui se présentaient à lui, ait continué ses découvertes et exploré la côte de l'Amérique du Nord.

Cette supposition se présente si naturellement à l'esprit qu'on se sent forcé de l'admettre, d'autant plus que les Hommes du Nord, » comme on les appelait alors, avaient certainement connu l'Islande il y a un millier d'années et y avaient fondé des établissements.

Dans les annales de l'Islande, il est dit qu'une expédition fut envoyée au Groënland, qu'elle y séjourna quelque temps, et il est encore possible que quelques membres de cette expédition se soient détachés de leurs compagnons dirigeant leur entreprise vers le Nord, et

que, servis par un hasard heureux, ils aient atteint le Labrador.

En tout cas, les traditions islandaises rapportent que des

Hommes du Nord, » en voyageant vers l'ouest, arrivèrent en l'an 1000, dans une contrée située au delà du Groënland et qui ne peut être que l'Amérique.

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En outre, il a été publié quelques ouvrages cherchant à prouver que les Scandinaves ont connu et habité l'Amérique bien avant l'arrivée de Christophe Colomb, et le professeur Rafn, de la Société royale des Antiquités du Nord à Copenhague, a écrit un livre dans lequel il dit positivement que les « Hommes du Nord visitèrent le Nouveau Monde et en explorèrent les côtes vers l'an 1000, et très-probablement entrèrent dans la baie de Narragansett. S'il en était ainsi, cette affirmation viendrait confirmer la croyance généralement répandue aux États-Unis que la vieille tour ronde appelée « Vieux moulin de pierre, située dans la ville de Newport et dont la véritable origine a toujours été l'objet de nombreuses recherches, aurait été bâtie par ces premiers explorateurs de l'Amérique.

Cependant les «Hommes du Nord» oublièrent la nouvelle route qu'ils avaient comme tracée à travers l'Océan et jusqu'à l'existence de la terre que leurs ancêtres avaient découverte. Ils ne laissèrent derrière eux aucun vestige réel de leur occupation; on leur attribue, comme il est dit plus haut, la construction de la vieille tour de Newport, et plusieurs antiquaires

ont cru pouvoir déchiffrer l'inscription trouvée sur un rocher près de Dighton, dans l'État de Massachusetts: ils prétendaient y reconnaître le langage islandais. Mais, après de longs débats, cet argument dut être abandonné, quelques savants ayant fait remarquer que l'inscription en question avait beaucoup de ressemblance avec d'autres inscriptions trouvées sur des rochers dans l'intérieur des États-Unis et que les Indiens avaient gravées.

Les légendes scandinaves abondent en traditions de cette sorte, mais il n'en est aucune qui puisse nous donner un renseignement certain. Néanmoins, on ne saurait refuser de croire que les « Hommes du Nord » ont, à une époque très-reculée, et de beaucoup antérieure à la venue de Christophe Colomb, atteint les côtes de l'Amérique du Nord.

Pendant cinq siècles, aucun navire n'essaya de reprendre le passage oublié à travers l'immensité de l'Atlantique; toutes les possessions des « Hommes du Nord avaient été abandonnées, et nul au monde ne se souvenait plus de l'existence d'un autre continent. C'est tout au plus si quelques-uns des plus âgés parmi les Islandais se rappelaient les contes fantastiques que leur avaient transmis leurs aïeux sur une contrée située à l'ouest, bien au loin, et évoquaient, durant les longues soirées d'hiver, ces légendes merveilleuses auxquelles d'ailleurs ils n'attachaient aucune créance.

Puis, peu à peu le nom de ce pays s'effaça des

mémoires, le voile qui avait été un instant soulevé entre l'ancien monde et le nouveau était retombé, et ce dernier demeurait caché dans l'ombre de l'inconnu.

Si l'on s'en rapporte à une tradition dieppoise qui offre un certain caractère d'authenticité, on pourrait attribuer à un Français l'honneur d'avoir le premier, dans les temps modernes, mis le pied sur le sol américain.

A la fin du quinzième siècle, Dieppe était à la fois notre grand port de commerce et notre grand port militaire; ses marins, braves et hardis, se laissaient souvent, dans leur fiévreuse ardeur, emporter par la tempête à d'énormes distances. L'un des pilotes les plus en renom à cette époque était un nommé Jean Cousin, élève de l'abbé Descaliers, savant astronome et mathématicien. Tour à tour soldat et négociant, il s'était distingué dans un combat contre les Anglais, et avait fait ses preuves dans plusieurs voyages au long cours. Au bruit des découvertes que venaient de faire les Portugais en Afrique, quelques gros marchands dieppois s'associèrent et proposèrent à Jean Cousin de partir pour un voyage d'explorations. Cousin accepta, et en 1488 il mit à la voile. Arrivé à la hauteur des Açores, Cousin fut entraîné à l'ouest par un courant marin et aborda sur une terre inconnue qui devait être le Brésil, près de l'embouchure d'un fleuve immense, le fleuve des Amazones très-probablement. Il prit possession de ce continent, mais,

comme il n'avait ni un équipage assez nombreux, ni des ressources matérielles suffisantes pour fonder un établissement,'il se rembarqua, et continua ses explorations pour ne revenir à Dieppe qu'en 1489.

M. Paul Gaffarel, auteur de l'article auquel nous empruntons ces détails, fait remarquer avec raison que la tradition dieppoise se fonde uniquement sur le hasard du courant qui aurait porté Cousin sur le continent américain. Or, ce courant existe; c'est le fameux Gulf-Stream. Ses eaux sont animées par un mouvement constant de translation, et leur force est tellement bien connue aujourd'hui que les navires, mème à vapeur, qui font le trajet d'Europe au Brésil, s'engagent volontiers dans ce courant qui leur épargne une grande dépense de combustible et de temps. » — Nous ne nous occuperons pas de discuter la validité ou la fausseté de la tradition dieppoise, cependant on peut admettre que Cousin rencontra le Gulf-Stream et se laissa conduire, se fiant au hasard qui le servit admirablement.

Sans chercher à modifier une opinion établie, nous avions relaté quelles étaient les prétentions des Suédois et des Norwégiens au sujet de la première découverte du Nouveau Monde; c'est un juste sentiment d'amour-propre national qui nous a fait rapporter le sujet de la tradition dieppoise, et nous y appesantir plus longuement '.

1 La découverte de l'Amérique avant Christophe Colomb, par Paul Gaffarel. (Revue politique et littéraire, 2 mai 1874.)

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