Washington Irving, parlant de la découverte de l'Amérique, dit : « Il est singulier combien le succès de cette grande entreprise a été la conséquence de deux hasards heureux: 1° l'extension imaginaire de l'Asie à l'extrême est, et 2° la petitesse supposée de la terre. Ces deux erreurs étaient l'opinion des plus érudits et plus profonds philosophes du temps, et certainement si Colomb n'y avait attaché pleine croyance, il ne se serait pas lancé dans son entreprise. » CHRISTOPHE COLOMB 1 « Fou sublime insulté par des sages vulgaires. » (Casimir DELAVIGNE.) Le lieu et l'époque de la naissance de ce grand homme ont soulevé de longues et vives controverses. Plus de dix endroits différents se sont disputé la gloire de lui avoir donné le jour. Certains auteurs le font naître à Nervi ou à Bugiasco, petits bourgs des environs de Gênes, d'autres à Savone ou à Plaisance, et enfin des savants tels que Augustino Giustiniani, Antonio Gallo, Muratori, Washington Irving et le baron de Humboldt affirment qu'il naquit dans la ville de Gênes même. Christophe Colomb, dans son testament, semble trancher la difficulté : il dit positivement qu'il est né dans la ville de Gênes *. Quant à la date précise de sa naissance, elle reste, comme tous les autres événements de sa vie qui sont · Colomb, en italien, Colombo; en espagnol, Colon ou Colomo; en latin, en anglais et en allemand, Columbus. · Biographie générale, t. X1. antérieurs à sa correspondance avec Toscanelli (1474), enveloppée d'une profonde obscurité. Les différentes hypothèses relatives à l'âge de Colomb, dit le baron de Humboldt, laissent une incertitude de vingt-cinq ans. Ainsi, tandis que quelques auteurs donnent les dates de 1430, 1436, 1441, 1445, 1446, 1447, 1449, Willard, dans son Histoire des États-Unis, croit être sûr de l'année 1455. Son père, Dominique Colomb, était fabricant d'étoffes de laine, « olim textor pannorum, » à Gênes; une de ses sœurs se maria avec un charcutier, ce qui indique, bien qu'on en ait dit, que Christophe Colomb n'était point gentilhomme, mais appartenait, au contraire, à une des familles les plus pauvres d'Italie. D'ailleurs, son instruction fut tout élémentaire, car il n'apprit, dans son enfance, qu'à lire et à écrire. Plus tard, il acquit quelques notions d'arithmétique, de dessin et, vers l'âge de dix ans, il fut envoyé à l'université de Pavie, où il étudia la géométrie, la géographie et l'astronomie, alors appelée science de la navigation. A quatorze ans, il quitta l'université, se sentant pris d'un irrésistible penchant pour la mer, et s'embar , qua. Il fit partie de plusieurs expéditions, soit sur la côte de Guinée, soit sur les vaisseaux de Gênes alors en guerre contre Venise. Entre ce moment et l'époque où il vint en Espagne, il est difficile de dire avec précision ce qu'il fit. On sait toutefois qu'en 1470, Colomb épousa une jeune de moiselle noble dont le père avait été l'un des navigateurs au service de l'infant Don Henri de Portugal. Sa belle-mère, devenue veuve peu de temps après cette union, pria Colomb et sa femme de venir habiter avec elle et les entretint souvent des voyages et des découvertes de leur père; enfin, elle remit à son gendre les -cartes, les mémoires et les instruments nautiques dont s'était servi son mari. L'imagination de Colomb fut tellement enflammée par ces entretiens qu'il conçut des idées de découvertes et commença à nourrir le projet qui, par la suite, ne fit que grandir, de rechercher de nouvelles terres. D'après les écrits laissés par de précédents navigateurs et les récits de quelques marins entraînés par des tempêtes, il supposait qu'il en existait sur la route entre l'Europe et les Indes occidentales et il croyait devoir forcément y arriver en se dirigeant de l'est à l'ouest. De plus, la passion des voyages et des découvertes qui régnait alors sur l'Europe ne pouvait qu'exciter Colomb et entretenir son enthousiasme. Il faut remarquer ici que Colomb mèla toujours à ses méditations un sentiment éminemment religieux; il se croyait même, dit-il, dans une de ses lettres, comme choisi par le ciel pour l'accomplissement de grands desseins. Colomb fit part de son projet à la ville de Gênes, son pays natal, et demanda qu'on lui fournît les moyens de l'exécuter, mais sa proposition, traitée de chimérique, fut rejetée. C'est sous l'impression de ce refus qu'il fut appelé à la cour du roi de Portugal, Jean II, auquel il exposa ses vues. Le roi, peu convaincu d'abord, consentit ensuite; pourtant on ne put s'entendre sur la récompense à accorder à Colomb en cas de réussite. Pendant le temps de cette négociation, le roi, sur le conseil que lui en donnèrent quelques courtisans peu scrupuleux, organisa secrètement une expédition et une caravelle fut envoyée sur la route qu'avait indiquée Colomb. Après une navigation assez longue, le pilote, ne voyant devant lui que l'immensité de la mer et n'ayant aperçu aucune terre, revint à Lisbonne ; puis, afin de détourner de lui tout blâme pour n'avoir pas persévéré et poussé plus loin ses recherches, il s'efforça de tourner en ridicule l'entreprise de Christophe Colomb. Sur ces entrefaites, la femme de Colomb étant morte, celui-ci quitta le Portugal avec son fils Diego, vers l'année 1484. Enfin, désireux de faire rejaillir sur la ville où il était né la gloire qu'il devait retirer de sa découverte, il retourna à Gênes, renouvela ses offres aux magistrats, mais n'essuya que de nouveaux dédains. De là, Colomb alla en Espagne et dépêcha son frère au roi d'Angleterre, Henri VII, qui refusa de l’écouter et même de le recevoir. Il communiqua aussi son projet aux Vénitiens; là encore il échoua. Malgré tous ces insuccès, il ne se laissait pas abattre et, loin d'abandonner ses idées, il puisait, pour ainsi dire, une nouvelle force dans sa mauvaise fortune. « Non fregit eum, sed erexit, , comme dit Népos, de Thémistocle. Enfin, un jour, en se rendant à Huelva, Colomb, dénué de tout, frappa à la porte d'un couvent de franciscains dédié à Santa Maria de la Rabida, et pria le portier de lui donner un peu de pain et de l'eau pour son fils Diego qui l'accompagnait. Le prieur du couvent, Juan Perez de Marchena, homme fort instruit surtout en géographie et en science nautique, survint à ce moment et fut frappé de la noble fierté et de l'intelligence qu'exprimaient les traits de Colomb. Il lui fit raconter sa vie et ses projets, et s'intéressa tant à lui qu'il le persuada de rester quelques jours au couvent. Au printemps de l'année 1486, Colomb se rendait à la cour d'Espagne, muni d'une lettre de recommandation que lui avait donnée son bon ami le prieur du couvent de la Rabida pour Fernando de Talavera; ce personnage, prieur du Prado et confesseur de la reine Isabelle, jouissait d'une grande autorité auprès de cette princesse. Néanmoins, comme la politique et les guerres contre les Maures absorbaient l'attention des deux souverains des royaumes de Castille et de Léon, Colomb ne put se faire entendre d'eux, et, se trouvant sans ressources, il dut gagner son pain en copiant des cartes de géographie. |