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même chambre. Enfin, le 25 décembre 1795, il fut échangé, avec ses collégues, contre la fille de Louis XVI; et M. Barthelemy, ambassadeur de la république, les reçut à Bâle. Le 12 nivôse an 4 (2 janvier 1795), il entra au conseil des cinq cents, où sa place avait été réservée, et dont il fut élu président le 1er frimaire an 5 (21 novembre 1796). Membre du comité chargé de faire un rapport sur les réclamations des enfans des émigrés, Quinette leur donna tout son appui. Le 1er prairial an 5 (10 mai 1797), il se retira dans son département, et bientôt il prit place parmi ses administrateurs. Après le 18 fructidor, il fut nommé membre de la régie de l'enregistrement et des domaines. A la suite de la révolution directoriale du 30 prairial an 7 (18 juin 1799), le portefeuille de l'intérieur lui fut confié. Sieyes venait d'entrer au directoire; Cambacéres, Talleyrand, Bernadotte et Fouché occupaient les divers ministères. Au milieu de l'effervescence des opinions politiques qui régnaient à cette époque, il n'appartint, par ses habitudes et par son caractère, à aucune coterie, mais sa conduite fut calomniée par des journalistes accoutumés à traiter de factieux et de révolutionnaires les amis de la liberté et les magistrats fidèles à leurs devoirs. Après le 18 brumaire, le 1er consul, Bonaparte, ayant appelé M. Delaplace au ministère de l'intérieur, confia à M. Qui nette la préfecture du département de la Somme. Il s'y rendit recommandable par sa modération, son esprit conciliant, son impartialité, et son activité dans les affaires. Il fit entrer dans le conseil-général les hommes les plus honorables du département, sans distinction d'opinions. Designé par la reconnaissance des habitans, le collége électoral le nomma

candidat au sénat conservateur. Son administration dura dix années consécutives. Le 5 octobre 1810, M. Quinette fut nommé conseiller d'état et charge immédiatement de la direction générale des communes et des hospices. Plus administrateur que courtisan, il se livra tel. lement au travail, que dès la 3e année, il présenta le tableau général, par la natare de recettes et de dépenses, de la comptabilité des grandes villes de l'empire, et le résumé dans le même ordre et par départemens des budjets de toutes les communes. Le 11 avril 1814, M. Qui

nette adhéra à la déchéance de l'empereur, et se retira dans son domaine de Rochemont, près de Soissons, où il résidait à l'époque du 20 mars 1815. II ne se rendit à Paris que le 26; rentra au conseil-détat, et fut nommé commissaire extraordinaire dans les dépar→ temens de l'Eure, de la Seine-Inferieure et de la Somme. Dans sa mission, il calma les esprits, prévint les réactions et maintint l'empire de la loi. Créé membre de la chambre des pairs, il s'y montra, par l'indépendance de ses opinions, non le sujet du pouvoir, mais le représentant de la nation. Après la deuxième abdication de Napoléon, la chambre des pairs le nomma membre du gouvernement provisoire. Il concourut à faire ressortir le calme et la grandeur de la France au milieu de ses malheurs, afin d'assurer l'exécution des promesses solennelles, faites par les souverains alliés, de la laisser libre dans le choix de ses institutions et de son chef. La convention du 3 juillet maintint le statu quo si désiré par les chambres et la nation. Paris fut confié à la vigilance et à la sagesse de sa garde nationale; mais bientôt la force des armes trancha toutes les questions; la charte même ne fut point respectée. On publia des listes de proscription et unc nouvelle terreur commença. Étranger à celle de 1793, pendant laquelle il était dans les prisons de l'Autriche, M. Quinette fut victime de celle de 1815. Le 2 février 1816, il mit à la voile au Havre pour les Etats-Unis. Après avoir parcouru les principaux états del'Union etuneresidence de deux ans à New-York, il s'embarqua pour Liverpool; traversa l'Angleterre, et vint se fixer à Bruxelles. Livré entièrement à l'éducation de ses trois fils, il porte souvent ses regards vers la France, se confiant dans la charte qui défend toute * recherche des opinions et des voles émis dans le cours de la révolution, et dans le sentiment national qui rappelle tous les proscrits sur le sol de la patrie.

QUIROT (JEAN-BAPTISTE), député du Doubs à la convention nationale, y montra tout à la fois un grand courage et une extrême franchise à défendre les opinions républicaines, et à s'opposer à toutes les tyrannies qui opprimerent tour-à-tour cette assemblée. Ils'exprima de la manière suivante dans le procès de Louis XVI sur la question de la pine à infliger à ce

prince: «J'ai voté contre l'appel au peuple, parce qu'il m'a paru avoir des effets dangereux pour la liberté. J'ai déclaré Louis, coupable. Je ne le condamne pas à la mort, qu'il a méritée, parce qu'en ouvrant le code pénal. je vois qu'il aurait fallu d'autres formes, d'autres juges, d'autres principes. Je vote pour la réclusion. » Il se prononça ensuite en faveur du sursis. Il suppléa dans toutes les circonstan ces aux grands talens dont la nature ne l'a pas doué, par une grande force de caractère et une grande perseverance de volonté. Peu d'entre ses collègues opposèrent une résistance plus énergique aux crimes des 31 mai, 1er et 2 juin. Etranger à tous les partis, à toutes les intrigues qui, depuis, divisèrent la convention nationale, il échappa aux proscriptions qui furent la suite de ces funestes journées; concourut puissamment au 9 'thermidor; et ensuite à la répression des insurrections anarchiques qui éclatèrent dans les journées des 12 germinal et 1r prairial an 3 (1er avril et 20 mai 1795). Nommé, en juin 1795, membre de la commission des 21, chargée de l'examen de la conduite de Joseph Lebon, ce fut lui qui fit le rapport de cette affaire, et proposa le décret d'accusation contre ce monstre. Le 15 fructidor an 3 (1er septembre 1795), il fut nommé membre du comité de sûreté générale, et s'y prononça, avec une extrême energic, contre la faction royaliste qui s'était emparée du mouvement sectionnaire qui éclata un mois après (13 vendémiaire an 4). Réélu au conseil des cinq-cents, lors de la mise en activité de

en

RABAUT-SAINT-ÉTIENNE (J.-P.), député à la convention nationale, né 1744, à Nîmes, province de Languedoc, descendait d'une des familles protestantes les plus honorables de ce pays. Il était avocat et ministre de la religion réformée à Nîmes, lorsqu'en 1789, il fut élu, par l'assemblée du tiers-état de la sénéchaussée de cette ville, député aux états-généraux. Les événemens qui ne tardèrent pas à éclater, ayant fait luire un jour nouveau sur la France, permettaient aux amis d'une sage liberté de concevoir les plus heureuses espérances. Rabaut, en qui des études et des réflexions qui eurent

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la constitution de l'an 3, il y défendit avec le courage le plus persévérant les institutions républicaines, attaquées de toutes parts, et mérita de plus en plus la reconnaissance des amis de la liberté. Le 10 messidor an 7 (28 juin 1799), il appuya,par des considérations d'ordrepublic fondées sur une malheureuse expérience les mesures proposées contre les prêtres non assermentés. Le 1er thermidor (10 juillet, il fut élu président du conseil ; et le 9 thermidor, il prononça, en cette qualité, un discours, où il rappela l'époque qui avait délivré la république de la tyrannie de Robespierre; retraça les forfaits de la reaction royale; et invita le peuple à profiter des leçons du passé pour maintenir sa liberté et sa constitution. Il défendit ensuite, en comité secret, les ex-directeurs renversés le 30 prairial. Le 28 fructidor an 7 ( 14 septembre 1799), il déclara que les dangers de la patrie étaient les mêmes qu'en 1792, et ses res sources moins grandes. Exclu, maire (10 novembre 1799), du corps législatif où il venait d'opposer la résistance la plus véhémente à l'usurpation militaire, Quirot fut arrêté et renfermé quelques jours à la Conciergerie. Il devait être exilé, et envoyé en surveillance dans la Charente-Inférieure; mais ces ordres ne furent pas mis à exécution, et Quirot ren. tra dans ses foyers, où l'estime de ses concitoyens n'a cessé de le venger de l'injustice et de l'oubli du gouvernement. Il n'a reparu qu'un instant, en 1813, sur la scène politique, comme membre du conseil municipal de Besançon.

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toujours pour but le bonheur des hommes et que confirmait la morale de la religion qu'il professait, avaient développé de puis long-temps les principes d une douce philosophie, se livra avec le plus sincère enthousiasme aux illusions du plus séduisant avenir, et dévoua ses pensées et ses travaux au succès de la noble cause pour le triomphe de laquelle l'Europe formait alors d'unanimes voeux. Rabaut était, avec toute la modération de son caractère profondément pénétré de l'idée que la religion catholique était essentiellement ennemie de la liberté. Il porta cette opi. nion dans les débats de l'assemblée cons

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tituante, et c'est d'après elle que doit être jugée toute sa conduite politique, qui fut toujours celle d'un homme de bien, et sur laquelle l'esprit de faction n'exerça jamais d'influence. Au milieu des résistances qu'offrirent à la vérification commune des pouvoirs, dès les premières séances des états-généraux, les ordres du clergé et de la noblesse, Rabaut fit entendre un vœu de paix dans la séance du lundi 18 mai 1789, et proposa, à la suite d'un discours très-étendu dans lequel il fit sentir la nécessité de l'union, et que l'assemblée écouta avec un vif intérét, la nomination de commissaires conciliateurs, qui fut adoptée sur-le-champ. La rapidité d'une Notice biographique ne nous permettant de rapporter ici que les extraits de quelques-unes des opinions émises par Rabaut dans le cours de l'assemblée constituante, et qui sont recueillies dans les Moniteurs du temps, nous nous bornerons à rappeler celles de ces opinions qui se rattachent plus parti culièrement à des circonstances ou à des faits qui sont d'un plus grand intérêt hjstorique. Il établit, avec évidence, que la liberté des cultes dérivant de tous les autres droits, devait être spécialement consacrée; traita successivement quelques autres questions constitutionnelles, et fut nommé membre du comité de constitution. Depuis lors, il parut se renfermer de plus en plus dans les travaux de ce comité, et se montra plus rarement à la tribune. Elu président, le mardi 16 mars 1790, Rabaut manifesta, dans une de ces brillantes discussions relatives à la liberté de la presse, l'opinion qu'il fallait soumettre à un jury les ouvrages regardés comme incendiaires, afin de prévenir l'inquisition de la pensée,par ce moyen si simple et si tutélaire, autour duquel se sont réunis, en décembre 1817, dans la chambre des députés de la France, tous les bons esprits qui ne regardent pas l'autorité ministérielle comme infaillible, ou qui n'ont pas sacrifié leur conscience à leur credit. Le 25 mai 1791, il fit décréque le rejet de la réunion d'Avignon, que venait de prononcer l'assemblée, ne préjugeait rien sur le droit de la France relativement au comtat Vénaissin. Lorsqu'au 20 juin 1791, Louis XVI, dont l'autorité royale et celle de l'assemblée ellemême ne pouvaient plus protéger la liberté, se fut éloigné de Paris, Rabaut

ter

fit mander à la barre le maire de cette ville (Bailly), pour obtenir de ce magistrat, des renseignemens sur la situation de la capitale. Depuis la fin de la session de l'assemblée constituante, jusqu'à la convocation de l'assemblée legislative, Rabaut s'occupa de son Précis historique de la révolution française, ouvrage non moins remarquable par la profondeur des pensées et celle des aperçus politiques, que par la candeur et la vérité des récits, et où la conscience de l'homme de bien se fait reconnaître à chaque page. Ce n'est pas qu'on n'y rencontre quelquefois des erreurs de fait et d'opinion; mais ces taches sont si rares, elles sont de si pen d'importance, et les honorables intentions de l'auteur sont tellement à découvert, qu'il est presque superflu de les faire remarquer. Député par le département de l'Aube à la convention nationale, Rabaut porta dans cette assemblée l'esprit de modération dont il ne s'était pas départi un moment pendant la durée de la session constituante; mais les vertus qui lui avaient mérité l'estime universelle de ses collègues, dans cette assemblée où taħt de talens réunis à tant d'amour pour la patrie n'obtinrent que de si funestes résultats, n'étaient plus devenues, dans la convention, que des titres de proscription et de mort. Nul ne le sentait mieux que Rabaut, et cependant, par une condescendance funeste à laquelle quelquesuns d'entre les plus honorables républicains se croyaient alors obligés, pour ne pås irriter des hommes qui avaient autrefois marché dans leurs rangs et qu'ils ne désespéraient pas d'y ramener encore, il ne cessait, contre sa propre conviction, d'attribuer aux royalistes les pamphlets anarchiques qui inendaient Paris, et dont il n'était que trop évident, à cette époque, que le crime appartenait tout entier à la faction des jacobins, dont l'audace et les attentats ne connaissaient plus de bornes. Des écrivains qui ont cru honorer Rabaut par cet étrange témoignage de leur impartialité, ont dit qu'il avait suivi, dans la convention, une marche absolument contraire à celle qu'il avait adoptée dans l'assemblée constituante : cette assertion est malveillante ouinexacte; Rabaut pensa, jusqu'en 1791, qu'il y avait tout à redouter du parti contrerévolutionnaire, et il dévoua ses efforts à le combattre. Les crimes de septembre

et les violences exercées pendant le procès de Louis XVI, lui avaient appris qu'une faction execrable menaçait le berceau de la république, et il résolut, au péril de sa vie, de s'opposer à ses fureurs; voilà tout le secret de cette prétendue contradiction, qui n'exista jamais. Après avoir combattu l'opinion de ceux de ses collègues qui prétendaient que la convention avait le droit de juger Louis XVI, il s'éleva avec une énergie nouvelle contre le mode de jugement adopté par cette assemblée, qui, en adoptant contre l'ac eusé tout ce que le code criminel avait de rigoureux dans ses formes, en rejetait tout ce qu'il avait de protecteur; il déclara qu'aux tribunaux seuls appartenait le droit de rendre des jugemens, et rappela que. la mort de Charles Ier, après avoir amené en Angleterre l'usurpation de Cromwell avait été suivie du retour de la royauté. Il voulut que la convention prononçát par oui ou par non sur la culpabilité de Louis, et qu'après avoir ainsi rempli les fonctions de grand-jury national d'ac cusation, elle renvoyat l'application de la peine aux assemblées primaires. Pendant le cours des débats de cette affaire à jamais déplorable, où les menaces d'une faction sanguinaire, soutenues de toutes les fureurs des assassins de septembre, ne purent arracher à la convention pour Ja peine de mort, qu'une majorité de cinq voix, on entendit plus d'une fois Rabaut s'écrier, en répétant les mots par lesquels il venait de terminer le discours qu'il avait prononcé dans cette fatale circonstance: «Je suis las de ma portion de despotisme, et je soupire après l'instant où un tribunal national nous fera perdre les formes et la contenance des tyrans. Lors de l'appel nominal relatif à la peine à infliger à Louis, il se prononça, par mesure de sûreté générale, pour la détention jusqu'à la paix et le bannissement à cette époque, joignant expressément à ce vote, celui de l'appel au peuple. Il fut possible, même après la catastrophe du 21 janvier 1793, de concevoir encore quelque esperance d'un meilleur avenir, lorsque l'on vit, le mercredi 23 du même mois, la majorité conventionnelle porter à la présidence de l'assemblée ce même Rabaut qui s'était prononcé avec un si honorable courage contre le jugement qu'elle venait de rendre; toutefois cet espoir fut bientôt évanoui. Toujours

plus ferme à mesure que les dangers devenaient plus grands, il ne cessa de s'élever contre les factieux; proposa de mander Pache, maire de Paris, à la barre de l'assemblée, pour s'expliquer sur les bruits quise répandaient relativement à la fermeture prochaine des barrières; empêcha l'envoi aux départemens du compte infidèle que venait de rendre ce factieux bypocrite; et combattit la dénonciation faite par les administrateurs du département de Paris, contre les adresses départementales qui, s'élevant unanimement contre les usurpations de la commune de Paris, témoignaient de vives craintes sur les dangers dont la convention nationale était menacée. Nommé, le 21 mai, membre de la commission des douze, que le côté droit, par un reste de son inference expirante, avait réussi à faire créer par la convention, en l'intéressant tout entière dans ses dangers, Rabaut appuya fortement une pétition dirigée contre la montagne et présentée par une députation de la ville de Bordeaux. Son opinion fut l'une de celles qui, dans la séance de la commission des douze, du 25 mai, contribuèrent le plus puissamment à décider les membres de cette commiɛsion à faire arrêter l'infâme Hébert, substitut du pro cureur de la commune de Paris. Rabaut rendit immédiatement compte à la convention, des mesures que ses collègues et lui venaient de prendre; « mais, ajoutat-il, ce n'est point à ce coup qu'il faut s'arrêter; le trouble est porté parmi les conspirateurs, mais non encore la crainte; la commission veille; tout est sauvé si la convention lui garde sa confiance, tandis qu'elle brave tout pour répondre à la sienne.» Cet espoir fut détruit presqu'aussitôt que conçu. Dès le surlendemain 27, sur la proposition de Legendre, la commission des douze fut dissoute. Le jour suivant 28, le décret qui la supprimait ayant été rapporté à une majorité de quarante-une voix, un horrible tumulte venait d'éclater dans l'assemblée, lorsque Rabaut se présenta à la tribune, et déclara qu'il était chargé d'annoncer, au nom de la commission, que tous ses membres donnaient leur démission. Cet acte de faiblesse n'eut d'autre résultat que d'en. hardir les séditieux, qui sentirent dès-lors qu'ils n'avaient plus de résistance à crain dre. Sans doute la commission ne pouvant plas disposer de la force publique, avait

perdu son pouvoir; mais l'inutile abdica tion qu'elle en faisait, ne parut, avec raison, qu'une transaction de la peur, et ne sauva, plus tard, aucun de ceux qui la composaient. Quoi qu'il en soit, cene fut qu'à la suite de la séance du 31 mai, et sur la proposition qu'en fit Barrère, au nom du comité de salut public, que la convention décréta définitivement la sup. pression de la commission des douze, qui ne précéda que de quarante-huit heures le décret d'arrestation prononcé contre les membres les plus distingués du côté droit, parmi lesquels on n'eut garde d'oublier Rabaut. Trop convaincu du sort auquel les bourreaux de la France le réservaient, il prit la fuite, et se rendit d'abord dans les environs de Bordeaux, où les députés de la Gironde s'étaient si vainement flattés de trouver pour eux-mêmes et pour leurs amis, un asile et des défenseurs contre la proscription qu'ils prévoyaient devoir bientôt les atteindre. Dès que l'évasion de Rabaut fut connue, un décret de mise hors la loi fut rendu contre lui. A cette nouvelle il quitta sa retraite, erra de nouveau à travers la France sous divers déguisemens, et espéra pouvoir se sonstraire plus facilement aux recherchesde la tyrannie,sous les yeux même des tyrans. Une amie ( Me Peyssac), logée ruedu faubourg Poissonnière, avait eu l'admirable courage de le receuillir chez lui, avec son frère Rabaut Pommier. L'épouse de Rabaut, l'une de ces femmes hé roïques qui, dans ces époques de crimes et de deuil, semblaient s'être chargées de réconcilier la France avec l'humanité, veillaient sur les dangers de l'illustre proscrit; elle sortait souvent pour recueillir les nouvelles qui pouvaient l'intéresser. Un jour, c'était le 15 frimaire an 2 (5 décembre 1793), elle rencontra un membre du comité de sûreté-générale, ad versaire implacable du parti qui venait de succomber, mais qui cependant ne s'était jamais montré l'ennemi personnel de Rabaut. A l'aspect de cet homme, elle veut fuir, mais il s'avance vers elle, l'aborde, lui témoigne de l'intérêt, et l'assure qu'il se trouverait heureux de protéger la retraite et les jours de son collègue. La prudence interdit à Mme Rabaut de répondre; mais elle remercie cet hom me de ses offres de service, et s'empresse de rendre compte à son mari de la rencontre qu'elle vient de faire. Fatigué de

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sa situation; tremblant sur les périls auxquels il expose tout ce qui lui est cher; aveugle et imprudent comme le sont presque toujours les malheureux; saisissant, sans examen, le premier moyen de salut qui se présente à lui: ne pouvant soupçonner dans un autre, le crime dont il est incapable lui-même, il autorise sa femme à révéler son asile, et à indiquer à celui qui s'apprêtait à le livrer, l'heure de la nuit où il pourra s'y rendre. Celuici se hâte d'informer le comité de sûretégénérale de l'horrible succès de sa perfidie, et dès la même nuit, Amar, à la tête des agens du comité d'assassins dont il est membre, se présente au domicile de Rabaut; l'arrête; le fait traîner au comité de sûreté générale, et de là à la Concier gerie. Ceux qui lui avaient donné l'hospitalité ne lui survécurent que de peu de jours; leur sublime dévouement méritait cette gloire. Mme Rabaut fut seule épargnée. Ne pouvant se pardonner d'être la cause, bien innocente sans doute, du supplice d'un époux qu'elle cherissait, elle se donna elle-même la mort qui lui était refusée, en se précipitant dans un puits. Elle était simple, modeste, belle et vertueuse : elle avait de l'esprit et des talens ; on vient de voir si elle manquait de caractère. Unie sur la terre à un homme dont le courage, les talens et les vertus ont honoré la carrière politique, elle avait annoncé qu'elle lui demeurerait unie dans le tombeau. Pour nous qui fûmes les contemporains et les témoins de leurs malheurs, nous ne doutons pas que, partout où des autels seront élevés à la liberté et à la vertu ; partout où la vérité aura imposé silence aux factions; partout enfin où la réputation des hommes ne dépendra que de leurs actions. et non pas du triomphe passager de telle opinion politique, les noms de ces nobles victimes des discordes civiles ne soient inséparablement unis dans le souvenir et le respect des générations. Rabaut-St-Etienne ne fut admis à faire aucune défense devant le tribunal révolutiounaire; il voulut prononcer quelques paroles que le président interrompit sur-le-champ. Il ne parut sur le banc des accusés que pour y faire constater l'identité de sa personne, et fut immédiatement livré à l'exécuteur des jugemens criminels. Il mourut sans ostentation et sans faiblesse, le 16 frimaire an 2 (6 décembre 1793).

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