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M. de Pauw en a écrit dans ses Recherches Philosophiques sur les Grecs. Il seroit difficile qu'une pareille opposition de sentiment ne se rencontrât pas entre l'observateur qui rapporte ce qu'il a vu, a vu, et le savant qui, du fond de son cabinet, prétend mieux observer ce qu'il ne voit pas. Guidé par la manie peu philosophique de rejeter les faits qui seroient en contradiction avec le système qu'il s'est fait, M. de Pauw ne reconnoît que ceux dont il peut s'appuyer, en les accompagnant d'argumens spécieux, à la vérité, mais qui laissent apercevoir le travail qu'ils ont coûté, plutôt que l'art avec lequel ils ont été formés.

Après avoir écarté tout ce qui n'est pas favorable à son opinion, après avoir versé la critique la plus amère sur des auteurs estimables, M. de Pauw ouvre une libre carrière à son imagination, et, par des témoignages suspects et des assertions hasardées,' mais présentées comme des vérités incontestables, il s'efforce de détruire toutes les idées reçues et les observations les moins douteuses. A l'entendre, on ne peut trouver des expressions pour dépeindre l'avilissement où les Grecs sont tombés de nos jours, et où ils sont tombés par leur propre faute. » Ce peuple,

dit-il, rentré en enfance, n'est plus qu'un > vil fardeau de la terre, et l'opprobre de ses » aïeux, dont il foule aux pieds les tombeaux » sans même les connoître ». L'on ne peut être plus dur, ni en même-temps plus injuste. Les femmes ont aussi leur part dans ces exagérations de la mauvaise humeur et de l'esprit de système. S'il faut en croire le même écrivain, l'on chercheroit en vain la beauté dans la Grèce, où du reste, suivant lui, elle n'a brillé autrefois que très - rarement. » A présent, >> ajoute-t-il, l'on n'y trouveroit en général que » des femmes absolument inférieures à celles » du nord de l'Europe, soit pour la régularité >> des traits, soit pour la vivacité du teint et » l'élégance de la taille; et dans quelques-unes » des contrées de la Grèce en particulier, l'on » n'y verroit que des femmes qui semblent » être disgraciées de la nature ». Ce sont-là de ces opinions erronées qu'il n'est point rare de rencontrer dans les ouvrages de M. de Pauw; et ces outrages contre un peuple envers lequel on a contracté l'habitude de l'intérêt, ces sortes de blasphèmes contre la beauté, sont autant de taches qui dépareroient les recherches les plus philosophiques.

Ce peuple aimable et intéressant de la Grèce

qui elle dut son origine; et la plus dure et la plus imprévoyante tyrannie ne laissera plus d'autres traces que celle dont la vie de tous les tyrans est suivie, l'exécration de la postérité 1.

Je viens de parler de révolution, et ce n'est qu'en tremblant que ma plume a tracé ce mot terrible. Certes, il n'y a que l'excès de la servitude sous lequel un peuple est opprimé, qui puisse, à l'avenir puisse, à l'avenir, justifier l'idée de renverser son gouvernement. Qui oseroit, en effet, conseiller encore ces bouleversemens politiques, mille fois plus ef

Je suis encore ici en contradiction manifeste avec M. de Pauw. Il blâme l'élégant auteur du Voyage pittoresque de la Grèce, d'avoir provoqué d'autres nations à l'affranchissement de la nation grecque; d'avoir buriné sur le frontispice de son livre, ce signal de la vengeance contre les tyrans, exodiare aliquis. Il impute à M. de Choiseul - Gouffier les plus grands paradoxes; et s'appuyant du témoignage de quelques moines grecs qui, ne rêvant que théologie, lui ont assuré que si leurs compatriotes retournoientà la liberté, le premier usage qu'ils en feroient consisteroit à entreprendre une guerre de religion, il assure que l'idée de délivrance, impolitique à ses yeux, ne peut entrer que dans la tête de ceux qui ne connoissent pas la densité des ténèbres dont l'esprit des Grecs modernes est enveloppé. Voyez les Recherches philosophiques sur les Grecs.

frayans

frayans et plus désastreux que ceux dont la nature épouvante quelquefois les humains? Qui oseroit, sans les motifs les plus puissans, exposer une nation naturellement agitée et turbulente, aux secousses, aux déchiremens, aux maux inséparables de ces grandes innovations dans le corps social? Là, du moins, rien ne seroit à regretter, pas même l'apparence de repos qui y règne, et qui, dans le vrai, n'est que l'abattement du malheur et le sommeil de l'esclavage. Là, aucune violation de la foi publique, aucune infraction aux engagemens les plus sacrés, ne plongeroit dans la misère et le désespoir une foule de malheureux, dont les plaintes et les cris n'ont servi ailleurs qu'à enhardir d'impudens spoliateurs. Là, où la propriété n'est souvent qu'un droit aux exactions, où le commerce, l'agriculture, l'industrie ne sont que des titres qui exposent aux excès et aux persécutions, la propriété et les arts ne peuvent que s'affermir et s'étendre en repoussant des barbares qui en sont le fléau ; tandis que dans les contrées les mieux policées de l'Europe, devenues la proie d'une horde d'ineptes ambitieux, tout a été renversé, confondu, dévoré.

Tome I.

C

CHAPITRE II.

ÉTAT FLORISSANT DU COMMERCE FRANÇAIS AU LEVANT, PENDANT LA GUERRE DE 1778. SA RUINE TOTALE, QUI A ENTRAINÉ CELLE DE MARSEille. CAUSES DE CES MALHEURS. RÉFLEXIONS A CE

SUJET. ORDRE DU ROI ET FIRMAN DU GRAND-SEIGNEUR REMIS A l'AUTEUR. L'AUTORITÉ DE LA PORTE NULLE EN EGYPTE. ECRITURE DES TURCS; BUREAUX DE LEURS MINISTRES; MANIÈRE DONT LES AFFAIRES S'Y TRAITENT; LEURS ECRIVAINS; LEUR PAPIER. - TRADUCTION DU FIRMAN. DÉPART D'ALEXANDRIE. CAILLES.

OISEAUX.

LA A guerre, ministre de mort et de désolation, s'étoit allumée en Europe pendant mon voyage en Afrique. Des gouvernemens rivaux avoient armé l'un contre l'autre deux peuples faits pour s'estimer. La rupture entre la France et l'Angleterre avoit précédé de quelques mois mon retour à Alexandrie; mais aucune hostilité ne s'exerçoit dans les

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