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quelle elle est placée, à prendre le plaisir de la chasse, à s'égarer sur les collines qui la bordent; le soir on se réunissoít; la collation étoit préparée, et les mets sains et délicieux dont elle étoit composée, ne pouvoient troubler, par une digestion pénible, le repos auquel un exercice doux nous avoit disposés. Lorsque je comparois cette heureuse situation à celle où je m'étois trouvé, quelque temps auparavant, dans les hideux monastères coptes du désert de Saint - Macaire ou de Nitrie, en Egypte, combien elle me paroissoit ravissante! Là, un climat de feu, des sables mouvans et échauffés, qu'aucune pluie ne rafraîchit, qu'aucun être animé ne recherche, une végétation rare, âpre et sans attraits, annoncent la défaillance de la nature. Une enceinte de hautes murailles, brûlantes comme le sol sur lequel elles posent, attriste l'ame et effraie la vue; et lorsqu'on pénètre dans cette horrible prison, l'on n'y rencontre que la même nudité qui règne au dehors, des antres plutôt que des cellules, une eau détestable, du pain de lentilles, et toutes les marques de la plus affreuse misère. Ici, au contraire, la température est douce, la terre fertile se pare des plus ri

ches productions; les sites sont rians; tout y charme les sens, tout y est bon, agréable, à l'exception du gouvernement, que l'on aime à oublier lorsqu'on parcourt ce charmant canton.

Nos chasses, ou, pour mieux dire, nos promenades, car elles n'étoient point fatigantes, nous produisirent plusieurs espèces d'oiseaux. Nous eûmes des perdrix rouges, deux bécasses, les seules que nous rencon trâmes, et qui étoient extrêmement maigres; deş tourterelles, des grives et des merles, qui sont en grand nombre sur les oliviers, dont ils mangent les fruits. Nous vîmes aussi beaucoup d'alouettes rassemblées en troupes nombreuses dans les champs; et sur les oliviers, des pinsons, des mésanges, des chardonnerets, des bouvreuils, etc. J'ai remarqué que ces derniers oiseaux ne se réunissoient pas plusieurs ensemble, comme les autres; on ne les voit que par couples; le mâle et la femelle se suivent et se tiennent près l'un de l'autre ; ils se rappellent souvent, le mâle par un cri formé d'un son aigu, suivi de deux sons graves, assez semblables à celui que donnent deux petites pierres que l'on frappe l'une contre l'autre. C'est par ces deux derniers tons seulement que la femelle répond.

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Les bouvreuils sifflent comme le merle; on parvient même à leur faire articuler des mots, après qu'on leur a coupé le filet de la langue.

L'on commençoit à labourer et à ensemen

cer les terres. Un seul coup de charrue précédoit les semailles du blé; et pour l'orge, l'on se contentoit de la répandre sur le chaume, et d'y passer ensuite la charrue, ainsi que je l'ai vu pratiquer dans ma patrie, pour le -blé même, par des cultivateurs négligens et tardifs. Les sillons n'étoient point tracés profondément, l'on se contentoit de déchirer la surface du sol, et cette culture légère que suivent des récoltes abondantes, est un indice certain de la fertilité de la terre. En l'examinant, on découvroit en effet qu'elle est de la meilleure qualité, rougeâtre, et d'une bonne consistance, sans être trop compacte.

Cette terre légère, mais substantielle, convient aussi beaucoup à la culture des lupins; on en ensemence des champs entiers. Ce lé-. gume est un aliment commun pour le peuple de Candie. Afin de le dépouiller de l'âcreté et de l'amertume insupportables, qui empêchent d'en faire usage sans préparation, on le met tremper pendant cinq à six jours dans de l'eau de mer; on le fait bouillir ensuite,

et on le mange en rejetant son écorce ou enveloppe.

Les semailles ne se font en Candie, qu'après les premières pluies, qui y commencent ordinairement en octobre. Elles arrivèrent plus tard en 1778, et l'on n'en vit tomber, pour la première fois de cette saison, que le r novembre; aussi les campagnes étoient-elles brûlées, et les plantes y périssoient desséchées. Les premières pluies y sont accompa gnées d'orages, de vents impétueux et de coups de tonnerre.

Cet hiver de l'île de Candie n'est, à proprement parler, qu'une saison pluvieuse, pendant laquelle le ciel est plus chargé de nuages, et la chaleur moins forte, mais jamais au point d'obliger à recourir à une chaleur artificielle : c'est un temps plus tempéré, plus humide, mais qui n'a rien de rude ni de désagréable.

Cependant les hautes montagnes se couvrent de neige dans cette saison. Le 18 novembre 1778, l'on vit, pour la première fois, le sommet des montagnes élevées, qui forment un amphithéâtre derrière la Cannée, chargé de neige; elle y reste jusqu'au mois de juin. L'on a observé que, lorsque l'hiver

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a blanchi la cime de ces monts, le vent du nord qui souffle souvent, avec une impétuosité dangereuse, dans le golfe de la Cannée, ne s'y fait plus sentir avec autant de violence, parce qu'il est arrêté, ou du moins fort modéré par un léger vent de terre, que l'on nomme vent de neige.

Une longue suite d'observations a fourni aux navigateurs qui fréquentent le port de la Cannée, un moyen assuré de connoître l'état de l'atmosphère en pleine mer, à la seule inspection de la même chaîne de montagnes qui ceint la ville au midi. Lorsque des nuages s'amoncellent au-dessus du plus saillant de ces monts, qui porte le nom de Calepo, le temps est mauvais au large, et le vent presque toujours au nord; les vaisseaux se gardent bien alors de sortir du port. Si, au contraire, la cime de cette montague est nette et dégagée de vapeurs, ils sont assurés de trouver, au dehors, un vent modéré et favorable pour sortir du golfe et s'éloigner des côtes.

Tome I.

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