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reuse que d'avoir fait dériver le nom de Cerastis ou Cerastia, île aux cornes, de ce que l'île fut anciennement habitée par des hommes cornus, qui n'ont jamais existé nulle part; tandis qu'il étoit plus naturel de penser que cette dénomination étoit due à la multitude de caps étroits dont les côtes sont entourées, et qui ont quelque ressemblance à de longues cornes projetées dans la mer.

Les anciens Grecs connoissoient plus généralement l'île de Chypre sous le nom de Kupros; et celui de Kupris, qu'ils donnoient à Vénus, indiquoit que le culte de cette déesse leur étoit venu de ce lieu. L'on n'est pas d'accord sur l'origine de ce mot Kupros. Ceux-ci prétendent que c'est le nom d'un héros; mais ce héros est inconnu dans les fastes de l'antiquité. Ceux-là pensent que l'abondance et la beauté du cuivre que cette terre recèle dans son sein, lui a fait donner le nom d'un métal qui, se trouvant autrefois en masses métalliques, et moins difficile à fondre que le fer, a été employé long-temps auparavant pour fabriquer les armes et les ins-. trumens d'agriculture. D'autres, enfin, dé

'Histoire Naturelle des minéraux, par Buffon, article du cuivre; tome II, page 224, édition de Sonnini.

mais dont les qualités du cœur et les charmes de l'esprit consolent et dédommagent, c'est au contraire la rapprocher. Qui s'avisa jamais de charger les fleurs du mélange grossier de nos couleurs ? Et quel est le pinceau qui oseroit ajouter quelque teinte à l'incarnat de la rose, au velouté de l'amaranthe, ou à l'or pâle des grappes du henné ?

De tous les noms anciens de l'île de Chypre, celui que l'on aime à rappeler, quoiqu'il contraste étrangement avec sa situation actuelle, est celui d'ile fortunée, Makaria. Elle le dut à la fertilité de son terroir, à la douceur de son climat, à la beauté inexprimable de ses plaines, à la richesse de ses productions. L'imagination des poètes vint prêter de nouveaux charmes à cette profusion des dons de la nature; ils en firent le berceau de la mère des Amours; ils consacrèrent cette idée agréable, par le nom de Cythérée, et ils l'embellirent de tous les charmes des peintures les plus délicieuses, des scènes gracieuses de la tendresse et de la volupté."

› Sur ce théâtre, jadis consacré au bonheur, aux arts et au plaisir, règnent aujourd'hui des barbares qui l'ont transformé en un séjour de destruction et d'esclavage. Des édi

fices superbes, des temples élégans, où la plus belle, comme la plus aimable des divinités étoit adorée sur des autels qu'entouroient les oiseaux les plus doux et les plus voluptueux, emblêmes vivans d'amour et de fidélité, jonchent et attristent de leurs débris des lieux dont ils faisoient l'ornement et la gloire; et les Tures en dévorent même jusqu'aux ruines, qu'ils mutilent encore, pour en employer les fragmens à des usages communs et profanateurs. Là où régnoient les Grâces, commande aujourd'hui un vieux mosalem ou gouverneur qui les effarouche. Sous une domination destructive, l'agriculture a cessé d'enrichir de ses trésors des plaines magnifiques; et la splendeur d'une île jadis fortunée s'est évanouie.

Les richesses qu'elle renferme dans son sein sont plus profondément ensevelies parle despotisme que par la terre qui les recouvre. Toute exploitation, toute recherche de mines est sévèrement interdite, et le cuivre, si abondant autrefois dans l'île, que les anciens la désígnoient encore par l'épithète d'Erosa, île cuivreuse, reste inutile dans le sein des montagnes qui le renferment, de même que le zinc, l'étain, le fer et d'autres minéraux qui la rendirent célèbre.

Si l'ile de Chypre doit passer un jour de l'état d'oppression à une situation politique plus douce et plus favorable à son commerce et à son industrie, l'on recherchera alors toutes ces richesses minérales, et leur exploitation contribuera puissamment à rappeler l'ancienne splendeur du pays qui les contient; et comme ces changemens si désirables, du moins j'aime à l'espérer, ne sont pas fort éloignés, il ne sera pas inutile d'entrer ici dans quelques détails sur la nature de ces trésors souterrains.

L'or, but et motif de presque toutes les actions humaines, et qu'une corruption toujours croissante rendra long-temps l'objet des vœux les plus vifs et des besoins brûlans du plus grand nombre, avoit, comme je le viens de dire, ses inines dans l'île de Chypre; mais elles sont abandonnées depuis des siècles, et la tradition peut à peine assigner les lieux où elles se trouvoient. Il ne faut donc pas prendre à la lettre, ni sur-tout rapporter à notre âge un passage de Dapper, qui, dans sa description des îles de l'Archipel, page 52, assure qu'il y a au milieu de l'île, près de la ville de Nicosie, de même qu'aux environs du bourg de Chrusocco, des mines

d'or où l'on travaille presque continuellement. Ces indications, que Dapper publioit en 1703, sont extraites d'une autre description des îles de l'Archipel, imprimée en 1610, dont l'auteur, Thomas Porcachi, les avoit puisées dans les écrivains anciens. Ce n'est pas qu'en effet les mines d'or ne fussent dans les environs de Chrusocco, village près du golfe de ce nom, qui tient la place d'Acamantide, ville ancienne, l'une des plus considérables de l'île; l'on en connoissoit aussi dans le voisinage de Tamassus, où se trouve la famagouste moderne, et au pied du mont Olimpe, dans un canton renommé par ses vins; mais les traces d'anciens travaux y ont disparu, et les veines d'un métal précieux attendent, pour être reconnues et suivies de nouveau, le retour d'un gouvernement protecteur, et qui ne regarde pas comme des crimes les élans de l'industrie vers des spéculations utiles, et auxquelles sont attachées la prospérité publique et l'aisance des particuliers.

Mais des fouilles qui atteindroient avec plus de certitude ces deux buts, vers lesquels marche constamment tout gouvernement jaloux de conserver l'estime des peuples et sa

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