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pulcre; sur cette génération, sur ses œuvres, ses pensées, ses théories et ses systèmes, a coulé un fleuve de sang. Car, bientôt une nouvelle punition fut infligée à la Science séparée de Dieu. La hache terrible, le couteau sanglant, les proscriptions, les prisons, les bûchers, les tortures reparurent; et guerre fut faite aux arts et aux sciences.... Quoi donc? le nord ouvrit-il ses antres, et vomit-il de nouveau des hordes de barbares? Non, la Religion avait changé ses forêts en campagnes fertiles, et ses féroces habitans en chrétiens. Mais au milieu de l'état le plus poli et le plus civilisé, s'éleva une génération, ennemie d'abord de Dieu et de la Religion, ensuite des hommes et puis des choses. Elle se montra irritée contre les arts, les sciences, les lettres, les livres, les vieux parchemins, les immenses bibliothèques, les grands ouvrages, les statues, les temples, les solennités religieuses, les noms antiques, contre tout ce qui jusqu'alors avait tenté l'estime et le cœur des hommes. Ne nous appesantissons pas sur ces crimes; cette génération, désavouée par ses pères, qui auraient rougi d'elle, condamnée par ses descendans même, qui, tout en acceptant son héritage, repoussent toute idée de parenté, semble, là, dans notre histoire, sans père, sans enfans, comme un monstre que Dieu aurait jeté du haut du ciel sur une terre coupable. Remarquons seulement comment les sciences et les arts furent persécutés au moment où ils s'étaient le plus élevés contre la religion.

Aujourd'hui, nous savons bien ce qui manque à notre siècle, combien la foi est rare, les croyances chancelantes, les idées vagues; nous connaissons l'indifférence et le dédain que notre génération affecte pour la religion, la haine dont elle poursuit l'autorité; certes, nous ne voulons pas exalter le siècle, et plus d'une fois nous aurons occasion de faire un juste procès à sa science; cependant ne l'accusons pas plus qu'il ne le mérite, séparons sa cause de celle des philosophes du dernier siècle. Car si la jeunesse présente est philosophe, ce serait une erreur de croire qu'elle l'est à la manière du 18° siècle; la plupart de ses utopies font rire nos jeunes savans. Il est bien encore, surtout en province, quelques vieux lecteurs, ou quelques jeunes gens à peine sortis de l'école, qui jurent encore au nom de Voltaire et de Rousseau, mais en général il n'est pas de per

sonne se piquant d'être à la hauteur des connaissances et des idées du siècle, qui ne distingue le poète du philosophe, l'écrivain du logicien.

L'esprit de doute travaille l'incrédulité même, et si une fois il s'attache à elle, s'il lui demande raison de ses assertions, elle ne peut qu'être bientôt vaincue. Les sommités scientifiques, si je puis parler ainsi, ne sont plus aussi menaçantes contre le ciel; un grand nombre de savans ont défendu et défendent encore la cause.de la Religion dans leurs ouvrages; et il nous sera facile de prouver que, même lorsque les hommes ne reviennent pas à Dieu, les sciences y reviennent seules contre l'attente de leurs auteurs, seulement parce qu'elles sontplus approfondies, plus vraies. La Philosophie elle-même, cette ennemie au nom de laquelle on a voulu faire descendre la Religion du trône de ce monde, consent à revoir le procès qu'elle avait proclamé jugé. Elle ne nie pas les immenses bienfaits que l'humanité a reçus du christianisme, et le fait quelquefois apparaître honorablement dans ses leçons.

Un seul reproche, grave, capital s'il était fondé, est fait de tous côtés au christianisme, c'est d'être une doctrine salutaire, mais qui a fait son tems; une institution bonne, mais usée, gothique, et qui doit se retirer devant cette régénération qui commence, et en présence de cette grande lumière dont nos jeunes philosophes saluent l'aurore depuis long-tems.

C'est sur ce terrain avantageux que nous nous placerons, et c'est de là que nous répondrons noblement, franchement, cordialement à nos adversaires, quels qu'ils soient. C'est de là que nous appellerons à nous la Science moderne, lorsqu'elle sera favorable à notre cause, que nous la repousserons et la réfuterons lorsqu'elle voudra s'élever contre la Religion, contre Dieu. Certes, au milieu de cette société qui s'agite et se dispute, qui brise et refait ses œuvres; qui, de son propre aveu, vit encore d'espérances, et ne présente rien d'un peu stable, il ne nous sera pas difficile de prouver que le christianisme seul, a de vie, que lui seul présente à nos esprits fatigués et malades des doctrines sensées et stables, et à notre cœur vide et souffrant une morale pure, un but noble et élevé.

Maintenant, qu'il nous soit permis de nous adresser à nos

lecteurs, et de leur demander d'avoir quelque confiance en nos paroles. Indépendans de toute influence, nous nous sommes consacrés à la défense de la vérité. Nous remplirons notre tâche selon nos forces. Elles sont grandes, s'il faut en juger par l'amour et la conviction qui nous attachent à notre cause. Au moins aucune question étrangère ne viendra se mêler à nos travaux. Mais que les chrétiens nous soient en aide dans cette lutte; ce n'est pas nous qui devons prouver que le christianisme est rempli de vie, ce sont eux. Que les disputes de coterie cessent, que les partis divisés se réunissent, que les haines généreusement se pardonnent, que les froissemens d'amourpropre s'oublient, que tout ce qu'il y a de bon ou de bien dans ses adversaires se reconnaisse et se proclame; que les chrétiens se souviennent que notre Dieu est le Dieu des sciences 1, que c'est lui qui enseigne la science à l'homme 2; enfin, pour prouver que le christianisme est vivant, qu'ils en produisent les œuvres vivantes; car, s'ils le repoussent de leur conduite, en vain démontrera-t-on qu'il peut et doit régir notre société. Nous savons bien qu'il ne périra pas; mais nous savons aussi qu'il a cessé d'éclairer bien des contrées de sa divine lumière.

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A. BONNETTY.

1 Quia Deus scientiarum Dominus est. 1 Reg., ch. 11, v. 3.

Qui docet hominem scientiam. Psal. xxxix. v. 10.-Dedit hominibus. scientiam Altissimus. Eccli., ch. xxxvIII, v. 6.

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Pour peu que l'on soit au courant des opinions qui dominent dans notre siècle, on conviendra qu'il n'y en a pas de plus accréditée dans tous les esprits, que celle de la grande supériorité de notre civilisation sur les civilisations anciennes. A entendre ces feuilles qui sont les organes du siècle, le genre humain est sorti de l'enfance et est parvenu à une heureuse et forte majorité notre civilisation est parfaite, ou peu s'en faut. Malheureusement, par je ne sais quel oubli qui porte ici tous les caractères d'une injustice, on dissimule ou on ignore tout ce que cette civilisation doit au christianisme. On dirait que la plupart de nos écrivains ne savent pas que notre société, depuis dix-huit siècles, est sous la plus grande, la plus puissante des influences, celle qui agit le plus victorieusment sur le cœur de l'homme, l'influence de la religion. Pourtant elle nous entoure et nous presse, pour ainsi dire, de toutes parts. Le christianisme est empreint partout, sur le sol qu'il a défriché, sur les monumens qu'il a élevés, sur les arts, sur la littérature, sur nos lois, sur nos mœurs qu'il a conduites des rudes coutumes des Gaulois et des Francs, au raffinement de politesse du 19° siècle. Nous allons essayer d'explorer une mine si riche, et de faire connaître les immenses services que le christianisme a rendus à notre société, en constatant son influence sur la ci

vilisation. Nous ne croyons pouvoir mieux commencer qu'en recherchant quelle a été son action sur notre législation.

Après avoir examiné quelle a été l'influence du christianisme sur la législation en général, nous descendrons à des applications particulières, et analyserons son action sur les lois romaines, puis sur celles des Barbares; et, passant ensuite à la législation de la France actuelle, nous prouverons qu'elle a puisé la plupart de ses dispositions, celles qui honorent le plus notre civilisation, dans le droit canon de l'Eglise.

Première partie.

INFLUENCE GÉNÉRALE DU CHRISTIANISME

SUR LA LÉGISLATION.

Il y a long-tems que l'on a dit : Les lois ne peuvent rien sans les mœurs. Quid leges sine moribus vanæ proficiunt? Mais on ne s'est peut-être pas assez occupé de l'influence particulière que la religion, qui est la base même des mœurs, a toujours exercée sur la législation; on n'a pas assez admiré surtout quelle force et quelle perfection les lois des peuples modernes ont puisées dans le christianisme.

L'empire de la religion sur le cœur de l'homme a été proclamé même par les législateurs de l'antiquité, puisque la plupart ont eu soin de placer leurs lois sous la protection de la divinité. Mais quel secours pouvaient-ils trouver dans les religions païennes, qui n'avaient qu'un culte sans morale, des croyances sans pratiques, des dieux sans grandeur et sans vertu? Les idées religieuses, loin d'épurer les mœurs, étaient souvent le principe des coutumes les plus immorales et les plus cruelles. Si les Assyriens, si les Perses ont épousé leurs mères, les premiers l'ont fait par un respect religieux pour Sémiramis, et les seconds parce que la religion de Zoroastre donnait la préfé

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