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velles tentatives furent réitérées pour détourner cette femme de son cruel dessein mais elle garda sa fermeté, sourit et se mit à chanter tandis que les vieilles femmes frappaient dans leurs mains et criaient à l'unisson. Le bûcher fut bientôt complété et entouré de fagots pour que ses souffrances fussent aussi courtes que possible.

» Le moment fatal approchait. La jeune veuve se leva, l'air calme et déterminé. Avant de monter sur le bûcher, elle en fit plusieurs fois le tour en jetant des fleurs à la multitude avide de recevoir quelque chose d'elle. Tout en accomplissant ces rites, elle chantait, accompagnée par les cris du peuple et les sons discordans des tambours et des flûtes indiennes.

» Arrivée au sommet du bûcher, elle s'assit au centre, et le cadavre de son mari, déjà tout enflé par la putréfaction, fut placé avec soin sur ses genoux. Un morceau de fiente de vache, enveloppé dans la paille, fut donné à son beau-père qui s'élança autour du bûcher, en criant et en agitant cette paille enflammée, pendant que la victime continuait à joindre les mains, et à se réjouir, en apparence, du destin qui l'attendait.

» Les fagots, bientôt allumés en différens endroits, ne tardèrent pas à produire une flamme qu'un vent violent rendit terrible et majestueuse. Pendant qu'elle s'élevait jusqu'à la victime, je l'aperçus faire un mouvement comme pour se coucher, afin que le supplice fût promptement terminé. Mais quelle fut ma surprice et ma joie, quand je la vis s'élancer du bûcher, et rejeter loin d'elle le corps de son époux dans une sorte de mouvement convulsif! A peine eût-elle touché la terre, qu'un bramine la saisit; telle était sa faiblesse qu'elle tomba, et, sans notre prompte intervention, elle eût été aussitôt repoussée au milieu de l'incendie.

» Comme on peut aisément le supposer, une scène de confusion fut la suite de cet incident. Nous nous ouvrimes rapidement un passage au travers de la foule, et nous cûmes la satisfaction de ramener cette pauvre victime de la superstition des bramines, dans le village où elle demeure maintenant, contente, je le crois, d'avoir pu ainsi échapper à la mort. Son dos et ses bras furent brûlés d'une manière horrible, et si l'on y ajoute la faiblesse produite par la faim, la fatigue, les angoisses des trois jours qui précédèrent la cérémonie, on regardera son rétablissement presque comme un miracle.

>> Autant que j'en ai pu juger, aucune drogue enivrante ne lui fut administrée pour l'étourdir sur le sort qui l'attendait; son courage héroïque et déterminé depuis le commencement de la cérémonie jusqu'au moment de l'épreuve, était digne d'une meilleure cause.

Mirzapoure, 25 décembre 1828. » (Revue des deux Mondes, Journal des Voyages; juin 1830.)

CALCUTTA.

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Le 4 décembre 1829, a paru dans cette ville une ordonnance rendue par le gouverneur général de l'Inde anglaise pour l'abolition des suttées, ou sacrifice des veuves. L'ordonnance déclare illégal et justiciable des cours criminelles l'usage des suttées. Voici le texte du préambule de cet arrêt :

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L'usage des sultées ou de brûler ou enterrer vivantes les veuves hindoues est révoltant pour l'humanité; la religion n'en a jamais fait un devoir rigoureux, au contraire, elle recommande plus particulièrement aux veuves de mener une vie pure et retirée, et, dans la plupart des provinces de l'Inde, cet usage ou est resté inconnu ou a été aboli; et, dans celles même où il a été le plus fréquemment suivi, il est notoire qu'il s'est commis dans ces occasions des actes de barbarie qui ont révolté les Hindous eux-mêmes, aux yeux desquels ils ont passé pour illégaux et horribles. Les mesures adoptées jusqu'à présent pour empêcher ces sacrifices ont été sans succès; et le gouverneur général, ainsi que son conseil, sont convaincus qu'on ne peut mettre fin aux abus en question sans en abolir entièrement l'usage. Guidé par ces motifs, le gouverneur, en son conseil, sans pour cela vouloir s'écarter d'un des principes les plus importans du système du gouvernement britannique dans l'Inde, qui veut que toutes les classes du peuple soient libres et en pleine sécurité dans l'exercice de leurs coutumes religieuses, tant que ce système peut être suivi sans violer les lois de la justice et de l'humanité, a jugé convenable d'établir les dispositions suivantes, lesquelles seront en vigueur du moment de leur promulgation dans tous les territoires dépendant immédiatement de la présidence du fort William............ »

Suivent les dispositions de l'arrêt qui interdit ces sortes de sacrifices. Nous ne pouvons qu'applaudir à la résolution pleine d'humanité et de sagesse du gouvernement anglais; mais nous devons rappeler à cette occasion que ces sacrifices sont abolis depuis plusieurs années dans l'Inde française, grâce à l'influence de M. le vicomte Desbassins de Richemont, alors gouverneur-général des établissemens français, et à l'active surveillance du procureur-général, M. Moiroud. Toutefois, les personnes qui ont résidé long-tems au milieu de ces races hindoues paraissent douter de l'efficacité de ces mesures. On ne pourra jamais obtenir par la force l'abolition d'un usage qui, dans le système religieux de l'Hindou, est une œuvre honorable et méritoire aux yeux de sa divinité. La persuasion seule pourra l'accomplir; il faut changer les idées, relever l'intelligence, épurer la croyance de ces peuples, et le catholicisme seul, avec ses doctrines de vie, est capable de produire ce résultat. Aussi annonce-t-on qu'un grand nombre d'Indiens s'opposent à l'exécution du décret, et qu'ils ont même ouvert des souscriptions pour

venir au secours de ceux de leurs compatriotes qui enfreindraient les ordres du gouvernement. Un fait, arrivé dernièrement dans l'Inde française, confirme ce que nous avançons ici.

« La veuve d'un bramine devait se brûler. Le procureur général, M. Moiroud, mit tout en œuvre pour empêcher le sacrifice. Il fit distribuer à la bramine et aux brames les fragmens des anciens livres sacrés, où le suicide des femmes se trouve expressément défendu. Il obtint même de ces derniers la promesse qu'une modique pension serait accordée à la veuve pour subvenir à ses besoins. Enfin, après un jour entier de résistance, après avoir lutté avec le procureur général pendant plusieurs heures d'une conversation où elle déploya une énergie et une force de raisonnement incroyables, la bramine céda : mais elle déclara en même tems qu'elle était loin d'être convaincue, qu'elle avait perdu pour jamais le bonheur et le repos, qu'elle se regardait comme déshonorée à ses propres yeux et à ceux de sa famille, et qu'elle rendait le gouvernement responsable de son avenir : Car, ajouta-t-elle, je reste inébranlable dans ma foi, mais j'ai voulu obéir au roi de France. »

Nous le répétons, c'est l'esprit de ces malheureux qu'il faut changer. On ne peut cependant que louer le gouvernement, à qui appartient le droit de réprimer les actes extérieurs de violence, d'interposer son autorité pour faire cesser ces meurtres.

NÉPAL.

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Découverte de la licorne dont il est parlé dans la Bible. — Société asiatique de Calcutta. On connaît toutes les plaisanteries que Voltaire a faites dans son Dictionnaire philosophique, sur quelques animaux mentionnés dans nos Écritures, el que l'on ne rencontre presque plus. Voici l'annonce de la découverte de l'un d'eux, la Licorne.

<«< L'existence de cet animal, que l'on regardait depuis long-tems comme fabuleuse, ne saurait plus être révoquée en doute. La dépouille d'une licorne vient d'être envoyée à la société asiatique de Calcutta, par les soins de M. Hodgson, résident de la compagnie des Indes dans le Népal.

La Bible parle de la licorne ; Aristote décrit l'oryx (âne indien), qui selon lui n'avait qu'une corne; Pline indique la fera monoceros (bête fauve à une corne); les historiens chinois citent le kiotouan (animal à corne droite), comme habitant la Tartarie. Toutes ces notions devaient faire conjecturer qu'on serait amené un jour à découvrir la licorne. Cette espérance vient enfin d'être réalisée par M. Hodgson.

La peau et la corne qu'il a envoyées à Calcutta appartenaient à une licorne morte dans la ménagerie du radjah de Népal. Elle avait été présentée à ce prince par le lama de Digourtchi qui l'aimait beaucoup. Les

gens qui l'amenèrent au Népal apprirent à M. Hodgson que cette espèce d'animal, à qui on donne dans le Thibet méridional le nom de tchirou, se plaisait principalement dans la belle vallée de Tingri, située dans la province thibetaine de Dzang. Elle est remplie de couches de sel autour desquelles les tchirous se rassemblent par troupes. La forme du tchirou est en général gracieuse comme celle de tous les autres antilopes; il a aussi les yeux incomparables de cette espèce. Sa couleur est rougeâtre comme celle du faon, à la partie supérieure du corps, et blanche à l'inférieure. Ses caractères distinctifs sont d'abord une corne noire, longue et pointue, ayant trois légères courbures, avec des anneaux circulaires vers la base; ces anneaux sont plus saillans sur le devant que sur le derrière de la corne; puis deux touffes de crin qui sortent du côté extérieur de chaque narine; beaucoup de soies entourent le nez et la bouche, et donnent à la tête de l'animal une apparence lourde. Le poil du tchirou est dur et paraît creux comme celui de tous les autres animaux qui habitent au nord de l'Himâlaya, et que M. Hodgson a eu l'occasion d'examiner. Ce poil a environ 5 centimètres de longueur ; il est si touffu, qu'il présente au toucher comme une masse solide. Au-dessous du poil, le corps du tchirou est couvert d'un duvet très-fin et doux, comme presque tous les quadrupèdes qui habitent les hautes régions des monts Himâlaya, et spécialement comme les chèvres dites de Kachmir.

Le docteur Abel, de Calcutta, a proposé de donner au tchirou le nom systématique d'Antilope Hodgsonii, d'après celui qui a mis son existence hors de doute. (Journal des deux Mondes.)

AFRIQUE.

SIERRA-LÉONE.

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Affranchissement et civilisation des negres.La religion a été la première à gémir du malheureux état de la population nègre. Elle ne s'est pas contentée de gémir, elle a envoyé des missionnaires en Afrique, dans tontes les terres de leur esclavage, qui ont essayé de consoler, d'instruire, de civiliser ces infortunés. Souvent ils ont élevé la voix pour demander aux puissances l'adoucissement de leur misère, leur liberté. A cela on a répondu que les intérêts de l'état et de quelques particuliers ne permettaient pas de faire droit à ces justes réclamations, attendu que, sans les nègres, et les nègres esclaves, on ne pourrait cultiver les terres, ni fabriquer le sucre. Cependant il est des demandes tellement justes, que tôt ou tard elles ne peuvent manquer d'être accueillies. Déjà la traite des nègres est abolie; voici que le gouvernement anglais vient de faire un essai de civilisation à leur égard, qui mérite d'être loué et encouragé. Il a établi à Sierra-Léone une colonie de nègres, dont il est intéressant pour la religion de suivre les progrès.

Dans une des séances de mai dernier, la chambre des communes d'Angleterre demanda un rapport sur cette colonie. Elle voulait en connaître les dépenses: mais elle désirait surtout des renseignemens sur la situation des nègres et les progrès de la civilisation parmi eux. Tous les documens officiels, composés des rapports des gouverneurs de la colonie et des principaux employés, s'accordent à prouver que la population nègre répond parfaitement au but des fondateurs, et que les progrès intellectuels ont été en général fort satisfaisans.

La société des missions de Londres avait été chargée d'abord de la direction matérielle de la colonie; mais, à partir du 1er janvier 1827, le gouvernement s'est chargé de tout ce qui concerne la surveillance des nègres affranchis. Les missionnaires ne s'occupent plus que de la direction spirituelle et morale de la population.

«En 1827, le colonel Denham, si connu par son voyage dans l'intérieur de l'Afrique, fut chargé par le gouverneur de visiter tous les villages de la colonie, et d'y observer avec le plus grand soin l'esprit et la situation des habitans. Il fut en général frappé des progrès que les nègres faisaient chaque jour et de tout le parti qu'ils savaient tirer des faibles ressources qu'ils possédaient. « Ce qui surtout, dit-il, manque aux nègres affranchis, c'est l'instruction et l'exemple. Ils sont en géneral très-aptes à la culture; et s'il était possible d'avoir dans chaque village une sorte de ferme-modèle dirigée par un nègre natif des Indes occidentales, je ne doute point qu'en peu de tems ils n'eussent infiniment amélioré leur sol, qui est d'une grande fertilité. »

Partout le colonel a trouvé les nègres appliqués, laborieux et paisibles. On doit surtout attribuer ces heureux résultats au système d'éducation adopté depuis assez long-tems, et auquel le révérend M. Davy a récemment encore apporté de grandes améliorations. Le nombre des enfans qui reçoivent une instruction régulière et des leçons tous les jours ne monte pas à moins de 503 dans quatre villages seulement, et les parens montrent en général le plus vif désir de voir instruire leurs enfans; aussi le nombre des élèves augmente constamment depuis quelques années. Un fait remarquable, c'est l'immense supériorité d'intelligence qu'ont les enfans nés de nègres affranchis dans la colonie, sur ceux des nègres encore esclaves. Cependant les parens habitent le même pays, sont nés dans la même contrée; mais les uns ont continué leur vie sauvage, taudis que les autres ont reçu un commencement d'éducation morale et religieuse.

Un des plus grands obstacles qui s'opposaient aux progrès des nègres était l'immense éloignement et surtout le complet isolement des villages qu'ils avaient formés: aussi le gouvernement de la colonie s'est-il cons

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