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Quels que soient à cet égard les résultats de nouvelles fouilles, on voudra bien reconnaître que l'hypothèse, employée dans une sage mesure, a cela d'utile, qu'en ouvrant des perspectives attrayantes pour l'esprit, parfois elle provoque des investigations fructueuses. Sous ce rapport, peut-être les lecteurs penseront-ils que nos premières déductions, relatives aux origines de la ville, fondées d'abord et sur les recherches de nos savants devanciers et sur des découvertes de débris antiques, effectuées lors des restaurations de la cathédrale, confirmées plus tard par la mise au jour de la belle épigraphe relative au préfet de la colonie, et d'autres antiquités gallo-romaines, se fortifient encore par les résultats des fouilles du For. D'autres explorations, n'en doutons pás, amèneront encore des découvertes de plus en plus intéressantes. Nous aurons surtout à leur demander d'utiles indications sur les premiers évêques du Puy, lesquelles ajoutées aux précieuses données qui sont relatives à saint Vosi et à saint Scutaire, ne peuvent qu'éclairer les traditions et concilier ainsi leur témoignage avec celui des monuments en faveur des antiques origines de la cité.

NOTE A.

Inscription relative au dieu Adidon.

Parmi les nombreux restes d'antiquité dont la présence, dans la ville du Puy, concourt à nous révéler les origines de la cité, une pierre surtout éveille la curiosité par une inscription men

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tionnant un dieu inconnu, Adidon, et la divinité impériale d'Auguste.

Découverte en 1847, dans un mur de la cathédrale, cette intéressante épigraphe a déjà été publiée (1). Mais il peut être utile de la signaler encore à l'attention des connaisseurs et de produire quelques données nouvelles qui nous éclairent sur le rôle plus ou moins important que nos pères avaient dû assigner au dieu Adidon dans leurs pratiques religieuses.

La figure suivante représente la face antérieure de la pierre réduite au vingtième et très-exactement dessinée et gravée par M. Camille Robert.

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Voici le texte restitué de l'inscription :

Adidoni et Augusto (sacrum) Sexius (ou Sextus) Talonius Musicus de suâ pecuniâ posuit (ou fecit).

(1) L'inscription fut mise au jour au mois d'octobre 1847, par suite des travaux de restauration de la cathédrale. Nous la fimes connaître dans le journal la Haute-Loire (n° du 30 octobre 1847) et dans les Annales de la Soc. acad. du Puy, tome xi, p. 161. De son côté, M. Mandet en publia la gravure et la description dans l'Ancien Velay, p. 162. Nous en avons parlé également dans notre mémoire sur les Origines de la ville du Puy (Congrès scientifique de 1855, tome 1, p. 337 et 597).

L'interprétation de ce texte ne soulève aucun doute : il s'agit d'un monument qu'à ses frais avait fait ériger, en l'honneur d'Adidon et d'Auguste, Sexius (ou Sextus) Talonius, surnommé ou qualifié Musicus.

L'inscription ne relate rien qui nous fixe sur les attributions d'Adidon; on voit seulement qu'elle appartient à cette classe assez nombreuse de monuments épigraphiques sur lesquels sont associés, dans un hommage commun, le nom divinisé d'Auguste et celui d'une autre déité de l'olympe gallo-romain. Dans diverses villes antiques d'une certaine importance, on a trouvé des autels votifs qui rappellent cette pieuse alliance de deux cultes à Nîmes : Sanctitati Jovis et Augusto sacrum... J(ovi) O(ptimo) M(aximo) Heliopolitano et Nemauso...; à Mâcon Jovi et Augusto sacrum... ; à Néri: Numinibus Aug(usti) et Neri...; à Bordeaux : Augusto sacrum et genio loci... Augusto sacrum et genio civitatis Bit(ur gum) viv (iscorum)... Ailleurs Jovi) Optimo) Maximo) et Marti Caturigi genio loci. Telle était aussi la dédicace d'un temple célèbre que soixante cités gauloises avaient fait élever à Lyon en l'honneur de la divinité impériale et du génie de Rome Romæ et Augusto, disent les médailles commémoratives de cet évènement.

Ces exemples, et bien d'autres semblables qu'on pourrait citer, font voir, par leurs analogies frappantes avec la formule initiale de notre épigraphe, qu'Adidon pourrait être assimilé, sous un nom jusqu'à présent ignoré, soit à l'une des divinités du polythéisme romain, soit à un génie tutélaire de lieu.

Ces rapprochements paraissent donc limiter les investigations à deux principales hypothèses dont nous essaierons de peser les probabilités.

Pour n'omettre aucun des éléments de la question, même les plus indirects, il nous semble utile d'énoncer d'abord ceux qui concernent la destination et la date possibles du monument.

Encastrée dans un très-ancien mur de la cathédrale, sous le vestibule du For, la pierre forme le linteau d'une petite porte. Seulement elle est posée à rebours et sa face antérieure, aux deux tiers engagée dans la maçonnerie, ne laisse voir derrière

l'entrée que la partie sur laquelle est gravée l'inscription. (1) L'autre face surmonte la porte au dehors, et on y lit une épigraphe chrétienne et très-probablement mérovingienne dont nous aurons à parler.

La figure suivante représente cette face de la pierre, réduite aussi au vingtième.

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Les pieds-droits de la porte sont deux grands blocs de grès, taillés avec soin, l'un et l'autre décorés d'un pilastre cannelé aux deux faces antérieures et d'intrados. Les détails de structure el les proportions concordantes de toutes ces pierres permettent de conjecturer que, dans le principe, et avant d'avoir été utilisés par les chrétiens, le fronton et ses deux supports auraient formé un autel disposé en niche dans un mur, peut-être même dans un temple. La dimension de cette niche, telle que nous la

(1) La face entière fut mise à découvert lors des travaux de restauration de l'église, et nous pûmes en faire un dessin d'après lequel nous donnons la figure jointe à cette note. Nous n'avons remarqué au tympan du fronton aucune trace d'inscription ou de sculpture: il n'y avait pour tout ornement que des moulures d'encadrement.

supposons, autorise également à admettre qu'elle aurait pu contenir deux statues, sans doute celles d'Adidon et d'Auguste.

Sans examiner si ces pierres, fronton et supports, avant leur emploi pour la porte, n'auraient pas eu, ce qui est possible, une autre destination se rapportant à l'inscription mérovingienne, faisons observer que l'épigraphe, accompagnée d'alpha et d'oméga et du chrisme, est ainsi concue SCUTARI PAPA VIVE DEO: Scutaire, évêque, vivez en Dieu (1).

Cette transformation du monument, que trahissent deux faces de la pierre, l'une gallo-romaine l'autre mérovingienne, ne tenait peut-être pas seulement à l'usage général, dans les premiers siècles du christianisme, d'utiliser indistinctement les monuments antiques, et l'on se demande si quelque raison particulière n'aurait pas motivé la nouvelle et pieuse consécration que relate l'inscription chrétienne. Serait-il téméraire, en effet, de supposer que l'autel d'Adidon, depuis longtemps sanctifié dans notre ville par une vénération spéciale, aurait pu être choisi pour honorer un saint évêque, Scutaire, protecteur de la cité, père de la patrie, suivant la tradition qui lui attribue aussi l'érection de la primitive cathédrale, et ne serait-on pas amené à croire, suivant l'observation judicieuse de M. Mandet, que ce personnage vénéré aurait remplacé, dans la pensée des fidèles, « le génie bienfaisant qui protégea leurs pères » (2)? Si cette

(1) Nous avions fait connaître cette épigraphe dans notre mémoire inséré auxi Ann. de la Soc. acad. du Puy, t. xu, p. 168. M. Mandet l'a publiée auss dans l'Ancien Velay.

Depuis cette publication, nous avons constaté avec plus de certitude que les formes des lettres, en particulier la lettre P, peuvent se rapporter à l'écriture lapidaire des temps mérovingiens.

(2) Ancien Velay, p. 161. « Les Gaulois, dit dom Martin (t. 1, p. 206 et suiv.), ne se contentaient pas de déifier leurs villes : ils en célébraient encore, tous les ans, la Dédicace; et cette coutume n'était pas encore abolie vers la fin du VIIe siècle, puisqu'elle donna lieu à la charité de St-Eloy de s'élever contre ce détestable abus. (Nullus diem jovis absque festivita'ibus sanctis, nec in maio nec ullo tempore in otio observet, neque dies pinnarum vel murorum, aut vel unum omninò diem, nisi tantum dominicum. Apud aug. t. vi, p. 266). »

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