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AVANT-PROPOS·

Oicy Irune des plus fubtiles matieres de toutes les Matematiques, & des plus dignes de la curiofité de ceus qui les cheriffent. Il eft vray qu'elle a esté estimée fi épineufe & fi obfcure, que le difième liure d'Euclide qui la contient, eft apelé par quelques uns l'horreur des Matematiciens, & la croix des bons efprits. Mais c'eft, à mon avis, parler trop indignement d'une doctrine fi ingenieuse & fi releuée mon deffein eft de la purger de cete calomnie, & d'en doner aus curieus une facile & parfaite intelligence. Ayant recon que le grand nombre de propofitions, la longueur la dificulté de plufieurs demonftrations, & quelques fois außi lobfcurité des termes, les pouroient aifement détourner de la lecture de ce 10°. liure: i'ay reduit à 62. propofitions, les 117. qui le compofent ordinairement; fubftitué de nouueles demonstrations, & mefmes quelques propofitions à la place de celles qui estoient dificiles à comprendre; changé les termes qui m'ont femblé un peu obscurs, ou qui n'exprimoient pas bien ce qu'ils deuoient fignifier. Il n'eft pas befoin de quoter icy ces changemens en particulier, ny ce retranche de fuperflu & d'inutile, puis qu'on poura affez remarquer tout cela en conferant mon trauail auec celuy des autres.

que

i'en ay

wais

Quelcun poura dire que ce n'est plus icy le 10. d'Eu clide; & qu'apres auoir renuerfe fon ordre, alteré fa metode, changé des demonftrations, des propofitions & des termes, il n'est plus poßible de le reconoitre. Mais come ie fais estat de ne difputer iamais des mots, laissant à chacun le pouuoir d'imposer des noms à fa fantaisie, lors qu'ils ne font pas encores receus: ie ne trouueray pas mauque l'on apele ces 62. propofitions come on voudra. Pour moy i'ay continué de les nomer le 10°. d'Euclide, pource que c'est en efet la mesme chofe en substance, les mefmes conclufions, & la mefme doctrine, fans qu'il y manque une feule des ancienes propofitios, pour le moins de celles qui font le cors du liure, ayant feulement mis en-one, celles qui fe font trouvées n'auoir befoin que d'une mesme demonftration, changé en Corolaires, celles qui fone plutôt confequences des propofitions precedentes, que Teoremes feparez: de forte que ie n'ay fait autre chose que le rendre plus fuccinct & plus facile; ce qui estoit entierement necessaire, apres tant de plaintes que l'on a faites de fa longueur de fon obfcurité. Ie ne puis affez m'étoner que tant de grans perfonages, qui ont travaillé fur ce liure, & dont quelques uns en prometent un particulier éclairciffement, tels que font Montaureus, Clauius, Dibuadius, Puteanus, Catalde, pour ne point parler des autres de moindre marque: ne fe foient pas awifez d'y faire la mesme chofe, & qu'ils n'ayent rien changé en aucune propofition, ny prefque en aucune demonftration, s'eftant con tentez, ou de s'expliquer un peu plus au long pour se mieus faire entendre, ou d'apliquer les nombres Irrationaus & chaque propofition

Peut eftre qu'ils auront esté retenus par ce vain respect

de

que l'on porte ordinairement aus anciens, de receuoir à yeus clos tout ce qu'ils nous ont laiffé, fans ofer iamais y rien coriger ny contredire; come fi nous eftions affeurez qu'ils fußsent paruenus au dernier degré de la fageffe & de la prudence humaine. Mais c'eft impofer one dure feruitude à fa raifon, que de la captiuer de cete forte, en sôtant la faculté de iuger des chofes qui fe presentent. Il n'y a que la religion qui nous puiffe obliger à cela; & hors ce qui la regarde, notre raifonement fe doit exercer librement fur tout, & n'épargner rien de ce qui le choque. Si ces grans genies de notre fiecle, Viete, Campanelle, Galilée, ne fe fuffent genereufement deliurez de cete tiranie, mous ferions maintenant privez des belles pensées, & des admirables inuentions, dont nous leur fomes redeuables. Ie ne m'étendray pas dauantage fur un fi ample fuiet,& qui me porteroit trop loin : ce que ie viens de dire fufira pour excufer la liberté que ie me fuis donée, de repasser la main fur l'ouurage d'vn des plus grans Geometres de l'antiquité.

que

L'explication de ce tiure eft precedée d'une Introdu Etion, qui instruira de telle forte le Lecteur, de tout ce qui concerne cete matiere des Incomenfurables, qu'il n'aura bede la cofoin, pour l'intelligence de tout ce Traité, noiffance des fis premiers liures des Elemens, & des regles ordinaires de l'Aritmetique pratique, auec one legere teinture de la Filofofie. Pour ce qui eft à la fin de ce liure qui depend de l'11. & du 12. ce n'est qu'une furabondance de doctrine, dont on se peut paffer, & qui ne tou che en aucune façon au 10. liure. Cete Introduction eft diuifée en trois parties; dont la premiere contient des questions des definitions Aritmetiques, & quelques propofitions choifies parmy celles des 7. 8. & 9°. liures

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d'Euclide. La 2o. traite de l'origine & de la nature des Incomenfurables, contre l'opinion de Steuin. Et la 3°.enSegne une pratique des Nombres Irrationau. Quelques uns trouueront peut eftre mauuais, que ataque en cete Introduction, celuy que je viens de nomer, qui eft d'ailleurs de grande reputation en quelques endrois, & dont la doStrine ne peut estre renoquée en doute. Le rendray plus amplement raison de cecy an dernier chapitre de la 2o. partie, & diray feulement icy que demeurant d'acord de fa reputation & de fa doctrine, il ne s'enfuit pas qu'il ne puiffe eftre repris en beaucoup de chofes. La plus-part des grans perfonages n'ont pas laissé d'avoir des defaus, & les plus excelentes vertus morales ne font pas incompatibles avec quelques vices.

Le fay bien que le Traité des Incomenfurables n'eft pas au gré de tous, come eftant eftimé une chose fuperflue & inutile. Mais fans maréter à faire une longue Apologie en fa faueur, ie me contenteray de dire que les fauans Geometres en ont tousiours fait con tres grand état, & l'ont tenu pour l'une des plus belles parties de ia Geometrie, fans laquelle on ne la peut favoir que fort imparfaitement que c'est l'origine des nombres Algebraiques ou Irrationaus, fans lesquels on ne peut refoudre une infinité de Problemes d'Algebre. Pour faire voir que ces mefmes nombres fe peuuent außi rencontrer dans les calculs ordinaires, ie doneray à la fin de notre diziéme liure, quelques exemples de leur of age, & de leur vrilité.

l'adjoute à tout cela run Difcours qui eft un peu éloigné de mon fujer, lequel i'adresse à Meßieurs de l'Academie Françoise, fur ce que i'ay voulu publier ce Traité en

motre langue, les inuitant à nous faire voir les fciences en François,come eftant le plus riche ornement que l'on puisse doner à une langue, ce qui a rendu les ancienes plus recomandables.

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Voila fomairement le contenu de tout mon liure; que done au public par la feule confideration de le feruir. On croira aisément que ce n'est pas Phoneur que d'autres pouroient pretendre, d'auoir éclaircy one matiere tenue pour fort obfcure,qui m'a obligé de le metre aw iour, puifque i'ay méprise de luy faire porter mon nom. I'e me cache derriere mon tableau, pour en entendre les iugemens. S'il fe trouue digne de l'aprobation des fauans, ils ne la refuferont pas fon Auteur, fans qu'il soit befoin pour cela de le conoi tre. S'il ne la merite pas, il ne fera pas necessaire de fauoir quel il eft. Mais l'aprobation, & la cenfure des doctes, & des ignorans & des ignorans, me feront fort indiferen◄ tes pourueu que les curieus trouvent icy le foulagement la facilité que i'ay voulu leur procurer, puifque c'eft la feule fin que ie me fuis propofée. En quoy fi'ie ne reußis felon mon atente, ce me fera affez que mon travail inuite ceus qui en feront capables, à faire quelque chofe de mieus non feulement fur cete matiere, mais encores fur toutes les pieces des anciens qui fe troueront auoir be foin de nouueles explications.

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