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Rec. Nov. 10, 1906

AVANT-PROPOS.

Le livre que j'offre aujourd'hui à mes confrères et au public canadien est loin d'être parfait, comme je l'ai bien compris en le relisant après l'avoir terminé; et cependant il m'a coûté plusieurs années d'un travail constant, auquel j'ai consacré tous les instants que me laissait ma profession.

Le cadre que je me suis tracé consiste à donner d'abord le texte du Code, tel qu'il est maintenant en force, c'est-à-dire avec les amendements qui y ont été introduits; puis à indiquer et reproduire au long les statuts qui, sans former un amendement réel au Code, modifient cependant l'application de quelques-uns de ses articles, soit dans certains cas, soit à l'égard de certaines personnes; ou encore, règlent la manière d'exécuter un article, soit sous l'empire des dispositions législatives fédérales, soit dans les espèces réglées par les statuts provinciaux. A ce texte de la loi, j'ai ajouté les autorités qui forment la source de notre corps de droit; non seulement celles que les codificateurs avaient citées dans leurs rapports, mais de plus un fort grand nombre d'autres références dont j'ai eu occasion de vérifier la relation avec l'article sous lequel je les ai placées. Dans ce choix d'autorités, j'ai utilisé les travaux de plu sieurs de mes confrères, tels que j'ai pu les trouver dans nos collections de jurisprudence, au rapport de certaines causes importantes dont le jugement fait autorité.

La jurisprudence des arrêts est la partie de l'ouvrage qui m'a nécessité le plus grand travail. Nous avons maintenant dans notre province environ 80 volumes de collections d'arrêts. Je les ai tous lus et compulsés, et j'en ai distribué les jugements sous les articles du Code auxquels il m'a paru qu'ils se rapportaient le plus rigoureusement. Je n'ai pas hésité à les répéter plusieurs fois, quand j'ai trouvé que certains arrêts interprétaient utilement l'application ou le sens de plusieurs articles.

Ici j'ai deux observations à faire. J'ai reproduit les décisions rendues avant le Code; et parmi ces arrêts, je n'ai pas mis de côté ceux qui sont relatifs à certains points de droit qui ont été modifiés. ou abrogés par la législation du Code.

On comprend tout de suite quel nombre considérable de décisions j'ai par là ajouté à ma collection.

J'en ai agi ainsi parce que le Code n'étant en force que depuis une époque relativement rapprochée, il peut se présenter et il se présente encore assez fréquemment des espèces qui demandent à être étudiées

et déterminées d'après les lois antérieures au Code. D'un autre. côté, le présent ouvrage étant le premier essai dans ce genre, j'ai cru utile de grouper ensemble tous les précédents que contient notre jurisprudence. Lorsqu'un plus grand nombre d'années se seront écoulées depuis la mise en force du Code, on pourra, si l'on veut, omettre dans une seconde édition, les arrêts antérieurs à 1866; pourvu toutefois qu'on n'en soit pas alors revenu à ce qui était la loi avant le Code.

C'est ici le lieu de déclarer combien je suis redevable à l'Hon. Sir A. - A. Dorion, juge en chef de la Cour du Banc de la Reine de la province de Québec, pour l'aide précieux que ce magistrat éminent. a bien voulu me donner, en me communiquant constamment ses cahiers de notes privées, dans lesquels j'ai trouvé un très grand nombre d'arrêts intéressants qui ne sont pas rapportés, et qui, cependant, ont une importance majeure, puisqu'ils procèdent de notre tribunal provincial le plus élevé. Plusieurs autres honorables membres de la magistrature, entre autres les juges Casault et McCord, et le savant Greffier des Appels, à Montréal, m'ont aussi aidé de leurs lumières et de leurs connaissances.

C'est avec bonheur que je leur offre ici l'expression de ma plus sincère gratitude. Je voudrais pouvoir rendre le même tribut à un plus grand nombre de savants collaborateurs; car je sais qu'un travail comme celui-ci, dans un pays où les rapports de jurisprudence sont encore si incomplets, possède d'autant plus d'utilité et de valeur qu'il réunit le plus de renseignements, et qu'on a pu y accumuler un plus grand nombre de faits, d'arrêts, de précédents, ou d'opinions magistrales.

Je l'ai dit plus haut, l'ouvrage actuel n'est qu'un premier essai, qui devra être repris dans quelques années. Notre jurisprudence fait des progrès rapides et elle tend à se fixer définitivement aux règles établies par la Cour d'Appel. Dans dix ans il y aura sans doute de précieuses additions à faire à la collection actuelle de nos arrêts. Celui qui entreprendra alors le travail, pourra y mettre, outre l'ordre chronologique que j'ai adopté, l'ordre des sujets avec titre indicatif. Je n'ai pas cru le nombre des décisions encore assez grand, ni assez varié, pour rendre désirable une classification aussi exacte.

Quant aux amendements du Code, j'ai essayé de les rapporter tous fidèlement, et je crois n'avoir omis dans le corps de l'ouvrage aucune modification qui soit un amendement véritable. J'y ai aussi signalé sous les articles convenables, diverses lois qui en modifient l'application. Au surplus, l'on trouvera dans l'Appendice qui suit ces pages, l'énumération de diverses autres dispositions législatives qui méritent d'être consultées dans l'étude de notre Code.

Nous autres, justiciables de la province de Québec, nous avons l'avantage de posséder deux corps législatifs distincts chargés de

nous faire des lois. Chaque année ces deux législatures s'attaquent, à notre Code civil et en changent les dispositions. Si on n'y prend garde, et si on continue ainsi tous les ans à déchirer les feuilles de ce livre, il ne restera bientôt plus grand'chose du volume où les savants codificateurs avaient fort heureusement résumé le corps de notre droit. Tous les hommes sérieux regrettent cet état de choses; mais il sera inévitable avec notre système de gouvernement, tant que la législature n'aura pas elle-même mis le Code à l'abri des fantaisies législatives et hors de l'atteinte des députés curieux d'améliorer le droit romain ou de perfectionner les doctrines de Pothier.

J'avais signalé ce danger dès 1865, alors que les rapports des codificateurs, livrés au public, provoquaient certaines discussions.* Je n'aurais jamais cru que les faits seraient venus si tôt me donner raison.

Voici ce que je disais dans un article de la Revue Canadienne, dans lequel je parlais précisément du danger qu'il y a de voir notre Code civil devenir la proie des amendements intempestifs :

"Les codificateurs ont eu soin de faire dans le dernier cahier de leur projet quelques suggestions importantes destinées à remédier, s'il est possible, à cet état de choses. Nous craignons que leur proposition, sans du reste obtenir le but qu'ils ont en vue, ne tende à modifier considérablement le cadre des opérations de notre législature. Voici ce qu'ils disent :

"Néanmoins...... il est à désirer qu'après que ce Code aura obtenu force de loi, la législature se garde soigneusement et soit circonspecte à l'égard de toute innovation qu'elle serait appelée à y faire. Le Code a pour objet de répondre en termes exprès ou par implication légale à toutes les questions qui tombent dans la vaste étendue des sujets dont il traite. Il compose un système dont toutes les parties sont rattachées les unes aux autres avec soin, et toute législation par pièce, faite dans la vue de quelque changement particulier, peut affecter sérieusement d'autres parties de l'ouvrage que l'on ne voulait pas toucher, et conduire à un désordre et à une confusion considérable et imprévue.

"Pour exprimer plus correctement leurs vues relativement au mode de procéder en matière d'amendements et d'additions qui pourraient être faits plus tard, qu'il soit permis aux commissaires de soumettre les observations qui suivent :

"Les imperfections du Code doivent résulter soit d'omissions ou de l'insertion de règles de droit incommodes ou nuisibles, soit de fausse interprétation de la loi, ou de son expression incertaine. Ces imperfections ressortiront principalement de la difficulté qu'on éprouvera dans l'interprétation judiciaire et dans l'application de

* Voir la Revue Canadienne, t. II, p. 34.

la loi; les tribunaux supérieurs devraient donc être astreints à faire au gouvernement des rapports spéciaux de toutes les causes dans lesquelles telle difficulté manifeste existe, et l'autorité compétente sera par là mise en état de juger si la loi est véritablement imparfaite ou susceptible d'objection au point de requérir l'action de la législature sur le sujet.

"Lorsque des amendements sont jugés nécessaires, ils ne doivent pas être faits en détail, mais au moyen d'une révision périodique et par un seul statut préparé sous le contrôle du gouvernement, et ils doivent, comme règle générale, être restreints aux sujets contenus dans les rapports spéciaux, considérant que la législation basée sur l'expérience est plus sûre et plus durable que lorsqu'elle ne se fonde que sur des idées spéculatives.

"En adoptant ce mode ou quelque autre équivalent, le Code deviendra graduellement et sûrement de plus en plus complet, et ainsi les inconvénients résultant de décisions judiciaires en contradiction les unes avec les autres, et l'interprétation divergente des commentateurs, qu'on ne pourra éviter entièrement, seront considérablement diminuées." *

Assurément les vœux et les conseils des honorables codificateurs ont été bien peu respectés. Ils ne l'ont pas été du tout. C'est un grand malheur que j'ai entendu déplorer par nos hommes de loi les plus distingués, et que j'ai tenu à signaler au commencement de ce livre.

Je n'ai pas la prétention d'espérer que ma faible voix atteindra ceux qui peuvent arrêter cet abus; mais je n'ai pas voulu laisser passer, sans en profiter, l'occasion de rappeler à mes concitoyens et aux hommes politiques les sages conseils que nous donnaient, il y a quinze ans, trois hommes aussi éminents que les Hon. MM. Caron, Day et Morin.

Quoi qu'il en soit, telle est la situation; et comme l'ignorance de la loi n'excuse pas, c'est peut-être travailler au bien du pays que de faciliter l'étude d'une législation déjà un peu confuse, et en condenser les dispositions variées dans un cadre étroit. Tel a été mon but. L'ai-je complètement atteint? Non, sans doute. Cependant ce livre est un premier pas dans cette voie, et cela suffit pour me donner le droit de solliciter pour ce travail le sympathique encouragement du public.

Montréal, 4 octobre 1879.

E. LEF. DE BELLEFEUILLE.

* Septième Rapport, p. 51.

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