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du fisc. Car, encore qu'il soit vrai que l'intérêt public doit être préféré à celui des particuliers, et qu'à cause de cet intérêt, tous les droits du fisc soient très-favorables, la valeur de cet intérêt consiste à maintenir ces droits en entier, et à donner à chacun son usage dans tous les cas où ils peuvent s'étendre raisonnablement. Mais dans les doutes de cette étendue, la considération de l'équité qui peut se trouver dans les intérêts des particuliers, venant à balancer l'intérêt du fisc, fait une autre sorte de bien commun, que le prince veut bien considérer plus que le sien propre; préférant au peu d'intérêt qu'il peut avoir dans les cas où naissent ces doutes, l'intérêt des particuliers qui leur est bien plus important à proportion que ne l'est au prince le peu de profit qui pourrait revenir au fisc. Ainsi, dans ces sortes de difficultés, on peut, selon l'équité, ne pas favoriser la cause du fisc, suivant la règle expliquée en un autre lieu (1).

SECTION VIII.

Du patrimoine ou domaine propre du prince.

1. On appelle ici domaine propre du prince, tous les biens qu'il peut avoir à d'autres titres que celui de sa souveraineté (2). [ 18. Le Roi peut acquérir des domaines privés par toutes les voies que reconnaît le code civil et suivant les formes qu'il établit. 19. Ces domaines supportent toutes les charges de la propriété, toutes les contributions et charges publiques dans les mêmes proportions que les biens des particuliers. (Loi, 8 nov. 1814.)]

2. Les biens acquis au prince par succession de personnes de sa famille, de qui il se trouve héritier légitime, lui sont acquis en propre, et non pas au fisc. Car il ne succède pas comme souverain, mais comme parent. Ainsi, le public n'a rien à ces biens.

3. Il en est de même des biens qui seraient acquis au prince par une donation, par un testament, ou autre disposition, qui ne regarderait que sa personne; car l'intention des donateurs et des testateurs le regardant par des considérations personnelles, le fisc n'aurait point de part aux libéralités de cette nature. Mais si la donation ou l'institution, ou les legs, ou autres dispositions paraissaient regarder la couronne, et que l'intention des donateurs ou testateurs fût que les choses données y fussent unies, elles passeraient au domaine de la couronne, et ne seraient pas acquises au patrimoine propre du prince (3).

4. Si le prince faisait des acquisitions à d'autres titres, provenant de fonds de son patrimoine, soit par des échanges ou autre

(1) V. l'art. 26 de la sect. I de ce tit., et l'art. 18 de la sect. 6 du tit. précéd. L. uu. § 14, in f. C. de cad. tell. (2) L. 6, in f. de jure fisci. L. 3. C. de fund. rei priv. L. ult. C. de agric. et mancip. (3) L. 8, § 2, ff. de inoff. test. L. 4. C. ad

1. falc.

ment, les biens acquis à ces titres demeureraient dans son patri

moine.

5. Toutes ces sortes de biens acquis au prince en son propre, demeurent dans cette nature, s'il veut les posséder toujours à ce titre. Mais s'il les unit et incorpore au domaine de la couronne, soit expressément ou tacitement, ainsi qu'il a été expliqué en son lieu, ces biens changeront de nature, et auront celles des autres biens anciens de ce domaine.

6. Pendant que les biens propres du souverain ne sont pas unis au domaine de la couronne, il ne laisse pas d'avoir à l'égard de ses biens les priviléges de ce domaine, selon que ces priviléges peuvent lui convenir. Car il y en a qui ne lui conviennent pas, et il y en a dont il peut user, ainsi qu'il sera expliqué par les règles qui suivent (1).

7. Comme le privilége, qui rend les biens du domaine de la couronne inaliénables, est fondé sur la nécessité d'en conserver la possession au souverain pour le bien public, auquel ils sont destinés, et qu'il n'est pas de la même nécessité qu'il conserve la possession des biens qui lui sont propres, parce qu'ils ne sont pas destinés à ce même usage, et qu'au contraire il est de son intérêt qu'il ait la liberté d'en disposer comme bon lui semble, il n'a pas l'usage inutile de ce privilége, mais il peut aliéner ces sortes de biens, et l'aliénation qu'il en fait est irrévocable (2). [rt. L'échange des immeubles affectés à la dotation de la couronne ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi. 12. Les biens qui forment la dotation de la couronne ne supportent pas les contributions publiques. 13. Les biens de la couronne ne sont jamais grevés des dettes du Roi décédé, non plus que des pensions qu'il pourrait avoir accordées. (Loi, 8 nov. 1814.)]

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Par notre usage, les biens du domaine sont inaliénables, comme il a été expliqué dans l'article 12 et les suivans de la section première du titre 5. Mais le Roi peut aliéner ses biens propres, qui n'ont pas été incorporés au domaine. (V. l'article 23 et les suivans de la même section.)

On n'a parlé dans l'article que du privilége qui rend les biens du domaine de la couronne inaliénables, et non de celui qui les rend imprescriptibles. Car, au lieu qu'il est du droit et de l'intérêt du prince, qu'encore qu'il ait les priviléges du fisc, il n'use pas de celui qui empêche l'aliénation, et qu'au contraire il ait la liberté de disposer de ses biens propres, il n'est pas de même de son intérêt de ne pas user du privilége qui rend impres criptibles les biens du domaine de la couronne; et il serait au contraire de son intérêt d'user de ce privilége. Mais on peut douter

(1) L. 6, in f. ff. de jure fisci. (2) V. l'art. 23 de la sect. 1 du tit. 5. L. 1. C. de fund. rei priv. L. 6. C. de fund. patrim. L. 2. C. de fisc. rem quam. vend. er. l. 1, eod. L. 4. C. de fund. patrim.

si, pour ce qui regarde la prescription, la condition des biens propres du prince doit être la même que celle des biens du domaine, que l'édit de François Ier rend imprescriptibles, même par cent ans, comme on l'a remarqué sur l'article 20 de la section 1. Car il n'y a pas la même conséquence pour les biens propres du prince qui peuvent être aliénés qu'ils soient imprescriptibles, que pour ceux qui, étant du domaine de la couronne, sont affectés au bien de l'état; et pour ceux-là même, quelquesuns ont cru que cet édit ne s'observe pas. Mais quoique cette considération rende plus favorable la condition des biens du domaine, que celle des biens propres du prince, une autre raison doit les garantir des prescriptions, au moins de celle de 10, de 20, et de 30 années. Car si ces prescriptions ne courent pas contre les mineurs, parce qu'ils ne peuvent se défendre; elles ne doivent pas courir contre le prince, à cause du soin qu'il doit au bien de l'état, et de la multitude d'affaires, qui ne lui permettent pas de veiller à interrompre les prescriptions. Et c'était par cette raison que, dans le droit romain, où les biens du prince et ceux même du fisc pouvaient se prescrire, il fallait une prescription de 40 ans, comme il a été remarqué sur ce même article 20 de la section 1. C'est à cause du défaut de règles précises dans notre usage, pour ce qui regarde les prescriptions des biens propres du Roi, qui n'ont pas été unis et incorporés au domaine, qu'on s'est abstenu d'en marquer une règle; et on a cru devoir faire seulement cette remarque. (C. civ. 2262.)

8. Comme le privilége, qui rend les biens du domaine de la couronne inaliénables, ne convenant pas au prince pour les siens propres, il peut ne s'en point servir, il use au contraire de celui qui exempte les biens de ce domaine de toutes contributions. Car il lui convient pour les siens, et il jouit de cette exemption pour tout ce qu'il possède hors ce domaine; et comme il est le dispensateur des exemptions, il est le premier qui doit avoir pour soi ce qu'il donne aux autres. (V. l'art. 1 de cette section. )

9. Tous les autres priviléges expliqués dans la section précédente, conviennent au prince pour ses biens propres; parce que les motifs de ces priviléges sont communs à ses droits propres, comme à ceux du domaine (1), à la réservé des priviléges expliqués dans les articles 8, 11 et 12. Car, à l'égard de ces deux derniers, ils ne sont propres qu'au fisc, puisque le prince peut vendre et aliéner ses biens propres aux conditions des particuliers. Et pour le privilége de l'hypothèque expliqué dans le 8o article, comme il déroge à une règle générale et juste, et qu'il n'a été établi que par une faveur singulière de la cause du fisc, ce serait au prince à juger lui-même s'il voudrait se servir de ce

(1) V. 3. Reg. 12.

privilége, pour ce qui serait de son patrimoine et de ses biens propres, si le cas en arrivait.

10. Les lois civiles ont donné les mêmes priviléges à la princesse, pour son patrimoine et son domaine propre, que ceux qu'a le prince (1). ( « Ces domaines supportent toutes les charges de la propriété, toutes les contributions et charges publiques. Loi, 8 nov. 1814, art. 9.)

TITRE VII.

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Des moyens de faire abonder toutes choses dans un état. Des foires et marchés, et des réglemens pour empêcher la cherté des choses les plus nécessaires.

On ne peut se dispenser, pour expliquer la matière de ce titre de la manière dont on a tâché de traiter toutes les autres, de considérer dans l'ordre naturel de la société des hommes, quel y est le rang et l'usage de cette matière. Ce qui oblige à une réflexion sur l'ordre divin, dont cet usage a été la suite. Ainsi, il est nécessaire de remarquer, selon les principes qu'on a établis dans les premiers chapitres du traité des lois, où l'on a expliqué le plan de la société des hommes et ses fondemens, que le dessein de Dieu sur l'homme dans la destination à la fin pour laquelle il l'a mis au monde, renfermant l'usage des liaisons des hommes entre eux pour l'exercice de la seconde loi, il a tellement multiplié leurs besoins, que les moindres nécessités de la vie demandent l'usage de plusieurs choses, et le secours de plusieurs personnes. De sorte que pour la vie de chacun en particulier et pour faire subsister le corps de la société qui les unit tous, il a rendu nécessaire une infinité de diverses choses et plusieurs sortes de travaux, pour les avoir et les mettre en usage. C'est dans ce même dessein qu'il a donné à toutes ces choses des natures différentes, qui font qu'elles ne peuvent naître toutes en tous pays, et plusieurs ne naissent qu'en certains climats. Ainsi, ce n'est que par des liaisons, et des commerces des nations entr'elles, que chacune peut s'attirer des autres les choses qui lui manquent. Et ce même ordre divin, qui a rendu nécessaires aux hommes ces différentes sortes de choses, a fait dépendre l'usage de chacune d'un enchaînement des usages de plusieurs autres pour y donner le sien, et en même temps d'un pareil enchaînement de diverses travaux de plusieurs personnes, soit pour avoir ces choses, ou pour les mettre en état qu'on puisse en user.

C'est par cet ordre divin, que, pour ce qui regarde les besoins de chaque personne en particulier, les plus nécessaires, qui sont ceux de la nourriture, du vêtement, et des remèdes pour les

(1) L. 6, in f. ff. de jure fisci. L. 31, ff. de leg. L. 3. C. de quadr. præser.

diverses sortes de maux, demandent l'usage d'une infinité de diverses choses. Ainsi, c'est par ce même ordre, qu'on ne peut tirer de la terre les grains et les autres fruits sans la cultiver, sans semer, recueillir, et y employer tout le détail de l'agriculture. Et, pour cette agriculture, il faut des outils et des ferremens, qui ne peuvent venir que des mines, et par d'autres différens travaux; et il faut aussi l'usage de divers animaux et de plusieurs autres sortes de choses. Ainsi, pour mettre les grains en usage, on a besoin de moulins composés de bâtimens et de machines, qui demandent les travaux et la conduite de plusieurs arts, dont chacun a aussi son enchaînement à l'usage d'autres différentes choses, et de divers travaux. Ainsi, pour l'usage des choses qu'on ne peut avoir en chaque état, il faut des navigations; ce qui renferme la nécessité d'une infinité d'arts, de métiers et de matières de plusieurs natures. Et, pour ce qui regarde les besoins du corps de la société, l'état ne peut subsister sans l'usage des forces sur terre et sur mer, comine il a été prouvé en son lieu (1). Ce seul besoin demande l'usage des armes, des fortifications, de l'artillerie, et celui de plusieurs sortes de machines, de vaisseaux de guerre, non-seulement pour la défense de l'état, mais pour protéger et pour escorter les navigations des particuliers pour le commerce; et le bien public demande aussi pour d'autres besoins, l'usage de plusieurs choses et de plusieurs arts. Ainsi, Salomon si sage, si riche et si puissant, eut besoin du secours des choses et des personnes, qu'il tira d'autres princes, pour bâtir son temple, quoiqu'il eût déjà des préparatifs que David son père lui avait laissés (2).

On peut aisément juger par ce peu de réflexions, quelle est l'étendue des besoins des hommes, et la multitude et des choses et des travaux, qui rendent nécessaires les arts, les commerces et les liaisons, non-seulement entre les personnes qui composent un état, mais aussi entre les sujets de divers princes, et de chaque nation aux autres, afin que, par ces commerces et ces liaisons, on attire et fasse abonder dans chaque état ce qui doit y venir d'ailleurs, et qu'on ne peut y avoir par l'agriculture et par les autres arts, et qu'on mette enfin en usage tout ce qu'on peut avoir par l'agriculture et par les commerces.

Les mêmes causes qui rendent nécessaires les moyens de faire abonder toutes choses dans un état, y rendent singulièrement nécessaires les précautions pour y faire abonder surtout les choses les plus nécessaires pour la vie, comme les grains et autres denrées; et pour en empêcher la cherté, afin que les pauvres aient le nécessaire pour leur subsistance.

Pour faire abonder toutes ces choses dans un état, et pour y

(1) V. le tit. 3, et la sect. I du tit. 2. (2) 3. Reg. 5. v. 15, 16, 17 et 18. 1. Paralip. 22. v. 2, 3, 4 et 5, V. 2. Paralip. cap. 1, 2, 3.

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