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31. Comme il résulte des articles précédens, que dans les cas de concours de plusieurs personnes appelées aux mêmes charges, les rangs doivent être réglés par les qualités personnelles, il faut remarquer que cette règle ne doit pas s'entendre de toutes sortes de qualités indistinctement, mais de celles seulement qu'on expliquera dans les articles qui suivent; et quoique la plupart des règles qui regardent ces qualités soient tirées des textes du droit romain qui regardent les charges municipales, il en faut étendre l'application à tous les cas où elles peuvent convenir, ainsi qu'on l'a remarqué dans l'article précédent.

32. Pour bien entendre quelle est la nature des qualités personnelles qui peuvent être considérées pour régler les rangs des personnes, il faut discerner en chaque personne deux sortes de qualités : l'une, de celles qui sont intérieures dans l'esprit et dans le cœur, et qui distinguent les personnes selon qu'elles ont plus ou moins d'intelligence, et plus ou moins de courage et de vertu ou de probité; et l'autre, de celles qui sont extérieures, et qui ne résident ni dans l'esprit ni dans le cœur, comme l'âge, la naissance, le nombre d'enfans et autres semblables. Il y a cette différence entre ces deux sortes de qualités, que celles de la première sorte sont telles qu'on peut s'y tromper, prendre un esprit faux pour un esprit juste, un savant sans jugement, et dont la science ne serait que confusion, pour un habile homme, un hypocrite pour un homme de bien; mais personne ne peut se méprendre, ni sur l'âge ni sur la naissance, ni sur les autres qualités semblables, dont il sera parlé dans la suite; et il y a aussi cette différence entre ces deux sortes de qualités, qu'une préséance donnée à l'esprit ou à la vertu, ferait naître des jalousies, des inimitiés, et d'autres mauvaises suites, au lieu qu'il ne peut y avoir de jalousie ni d'inimitiés entre personnes, dont l'un serait préféré à l'autre, ou par son plus grand âge, ou parce qu'il aurait un plus grand nombre d'enfans, ou parce que sa naissance (Charte, 1.) serait évidemment plus avantageuse, ou si la condition de l'un était au-dessus de celle de l'autre, comme si des deux l'un était officier de justice et l'autre marchand.

33. Parmi ces qualités extérieures qu'on doit considérer dans le concours de plusieurs personnes appelées en même temps à des charges dont les fonctions sont les mêmes, comme, par exemple, de conseillers de ville, s'il n'y a pas d'usage contraire, on regarde premièrement la différence des conditions et professions, ainsi un avocat sera préféré à un procureur (1).

34. S'il n'y avait pas d'autres causes de distinctions entre les personnes, on pourrait considérer leurs âges, et placer avant les plus jeunes ceux qui seraient plus avancés en âge. Et c'était

(1) L. 14, § 3, ff. de muner. et hon. L. 11, § 1, ff. de muner. et honor. L. ult. ff. de fide instr.

mème par l'âge que la police réglée par la loi divine, élevait les anciens aux premières places dans le ministère du gouvernement, après celui qui en était établi le chef (1).

35. On considère aussi pour une autre qualité qui donne la préséance, l'honneur d'avoir rempli d'autres charges, pour mettre au-dessus des autres ceux qui auraient l'avantage ou d'avoir exercé des charges, les autres n'en ayant point eu, ou si tous en avaient eu, d'en avoir exercé de plus importantes, ou de semblables plus long - temps, ou en plus grand nombre (2).

36. On doit encore considérer, dans ces mêmes cas, la différence entre ceux qui ont des enfans et ceux qui n'en ont aucun, ou qui en ont moins, pour donner la préséance à ceux qui en ont au-dessus de ceux qui n'en ont point, ou à ceux qui en ont un plus grand nombre, ce qui a son équité sur ce que les enfans font une charge dont le poids tourne à un bien commun; car la multiplication des hommes importe au public (3).

37. Cette même considération des qualités dont l'usage peut tourner à un bien public, peut aussi obliger à donner la préséance dans ces mêmes cas à ceux qui, ayant plus de biens, peuvent être plus utiles dans la société, par l'usage des biens pour divers services, et pour celui, entr'autres, de porter de plus grandes charges et de plus fortes cotisations (4). (Charte, 38, 40.)

38. C'était encore une considération dans le droit romain, qu'on met en usage en quelques lieux, que dans les élections de plusieurs personnes à de pareilles charges par une même nomination, s'il n'y a pas d'autres raisons qui décident la préséance, on la donne à celui qui a eu le plus de voix (5).

39. La distinction que font entre les personnes les qualités de lettré ou d'illettré, peut aussi être considérée dans ces mêmes cas, si d'autres qualités ne règlent pas la préséance en faveur d'un illettré. Car, outre l'avantage qu'a le lettré au-dessus de l'autre, il peut être d'un plus grand service pour le bien public.

40. La considération de la naissance fait encore une distinction qui peut fonder une préséance dans ces mêmes cas, soit à cause de la justice qui peut être due au mérite des ancêtres de celui qui a une naissance plus avantageuse (Charte, 1, 3. ), parce qu'elle peut le mettre en état de se rendre plus utile an public en les imitant (6).

ou

41. Quoique l'esprit et la vertu ne soient pas des qualités

(1) Exod. 3. 16. Levit. 19. 32. Num. 11. v. 16. V. Deuter. 22. 15. 1. Reg. 15. 30. Prov. 20. 29. Dan. 13. 50. L. 5, ff. de jure immun. L. ult. ff. de fide instr. (2) L. 1, ff. de albo scrib. (3) L. 9. C. de decur. L. 6, in f. ff. de decur. et fil. eor. (4) L. 14, § 3, ff. de mun. et honor. L. 12, in f. ff. de decur. (5) L. 6, § 5, ff. de decur. et fil. eor. (6) L. 14, § 3, ff. de muuer. et hon. L. ult. ff. de

fide instr.

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qu'on puisse alléguer en justice pour en faire des moyens de préséances par les raisons expliquées, dans l'article 32, il ne s'ensuit pas qu'elles ne puissent être considérées par les juges qui ont à régler une préséance, et qu'elles ne servent de motif à préférer un plus habile et un plus honnête homme, dans le cas où il faut venir aux qualités personnelles, et où les autres laissent la question en balance.

42. On peut ajouter une dernière règle dans cette matière des préséances, les usages des lieux s'il y en a qui soient sans abus (1). Quand même ces règles dérogeraient à quelques-unes des règles qu'on vient d'expliquer, car les usages et les coutumes tiennent lieu de lois (2). ( C. civ. 4. )

43. Il faut entendre tout ce qui a été dit jusqu'ici sur les différentes conditions des qualités qui peuvent être mises en balance pour régler les rangs et les préséances, de telle sorte qu'on examine dans les divers cas les combinaisons de ces qualités, selon que la même personne pent, ou n'en avoir qu'une sans les autres, ou en avoir plusieurs ensemble, selon qu'une de ces qualités peut être plus utile au public qu'une autre, ou même que deux des autres, selon que les avantages peuvent être distingués par les circonstances. Car, comme il est naturel que les différences de ces combinaisons et des circonstances diversifient les avantages d'une personne au-dessus d'une autre, il est de la prudence de ceux qui ont à juger les questions de cette nature, d'examiner les divers effets de ces différentes combinaisons et des circonstances, pour donner à chacun son rang à proportion de ses avantages.

44. Toutes les règles qu'on vient d'expliquer sur cette matière des rangs et des préséances, regardent les conditions et professions laïques selon leur rapport à l'ordre public; et comme celles des ecclésiastiques ont aussi leur rapport à ce même ordre, et que les règles en sont différentes de celles des laïques, il reste de les ajouter ici, ce qui se réduit à celles qui suivent.

45. Pour les rangs des ecclésiastiques, il faut distinguer deux sortes de cas en général, où il est nécessaire que ces rangs aient leurs règles. La première regarde les cas où il s'agit de rangs et de préséances des ecclésiastiques entre eux. Et la seconde est de ceux où il s'agit de rang entre ecclésiastiques et laïques. Et l'un et l'autre ont leurs différentes règles qu'on expliquera dans les articles qui suivent.

46. Les ecclésiastiques ont leurs rangs entre eux selon leurs caractères et la dignité de leurs fonctions, de cardinaux, patriarches, primats, archevêques, évêques et autres prélats, ou selon

(1) L. 1, ff. de albo scrib. L. 5, § 1, ff. de jure imm. L. 10, ff. de decur. L. 11, in f. ff. de decur. (2) V. les art. 10 et 11 de la sect. I des règles du droit, t. I, p. 80. L. 32, ff. de leg. et senat. cens.

leurs ordres sacrés, de prêtres, diacres, soudiacres, et les autres ordres, ou selon leurs ministères de pasteurs, archidiacres, doyens ruraux, curés, ou selon les diverses qualités de leurs bénéfices, soit séculiers, comme chanoines de la plupart des églises cathédrales et des églises collégiales, ou réguliers comme abbés, chefs d'ordres, abbés claustraux, prieurs et autres, et quelques chapitres, ou tenus en commande, comme abbés, prieurs et autres commandataires. Et en général chacun a son rang par celui de son ministère, de son ordre, de son bénéfice, sans aucun égard aux qualités personnelles. Car, comme toutes les places des ecclésiastiques et les honneurs qui y sont attachés, ont leur rapport unique et précis à des fonctions spirituelles, c'est par les différences de leurs ministères et de ces fonctions qu'ils sont distingués dans un ordre dont on ne doit pas expliquer le détail ici, où il suffit de remarquer qu'entre ecclésiastiques qui composent un corps où ils exercent les mêmes fonctions, comme dans un chapitre, ceux qui y remplissent ces premières places qu'on appelle dignités, y sont les premiers, et que les autres, comme les chanoines, y ont leur rang, du jour qu'ils ont été mis en possession. 47. Pour les rangs des ecclésiastiques et laïques, il faut distinguer les occasions où les ecclésiastiques exercent des fonctions de leur ministère, de celles où il ne s'agit pas de ces fonctions; car ces deux cas ont leurs différentes règles qui seront expliquées dans les trois articles qui suivent.

48. Dans tous les cas où les ecclésiastiques exercent les fonctions spirituelles de leur ministère, comme pour le service divin dans les églises, pour l'administration des sacremens, soit dans les églises ou en d'autres lieux, pour des processions et autres occasions semblables, tous les ecclésiastiques sans distinction des moindres, ont leur rang au-dessus de tous les laïques, dont les premiers doivent aux moindres fonctions spirituelles un trèsgrand respect. Et quoiqu'on voie dans les églises cathédrales et collégiales, et aussi en d'autres, que pendant le divin service, on accorde à des officiers laïques ou à d'autres personnes, comme à des fondateurs, de certaines places entre les chanoines ou autres ecclésiastiques, ils occupent ces places sans aucune fonction du divin service, et sans y avoir plus de part que n'en a le commun du peuple. Mais ces places leur sont accordées par grace pour des considérations que l'ordre public et l'intérêt de l'église rendent favorables, et d'une manière qui, ne donnant aux laïques aucun rang daus l'ordre spirituel, ne leur donne pas aussi de préséance sur ceux de cet ordre, et ne fait aucun changement à leur dignité.

49. Dans les cas où il ne s'agit pas du divin service, ni de fonctions spirituelles, et où il arrive qu'il faut régler les rangs entre ecclésiastiques et laïques, il faut encore distinguer les occasions

où les ecclésiastiques et les laïques se trouvent dans un même corps pour y exercer les mêmes fonctions, et celles où ils n'ont rien de commun ensemble. Ainsi, par exemple, les ecclésiastiques qui sont conseillers d'église, qu'on appelle autrement conseillers clercs dans une compagnie de justice, comme dans un parlement ou dans un présidial, comme ils exercent les mêmes fonctions que les conseillers laïques qu'on appelle autrement conseillers laïs, ils n'y ont leur rang que comme les autres, selon l'ordre de leurs réceptions, parce qu'ils ont tous dans ces tribunaux les mêmes fonctions et la même dignité et autorité. Mais, dans les autres occasions où il n'y a point de fonctions communes aux ecclésiastiques et aux laïques, et où il ne s'agit pas du ministère ecclésiastique, les rangs sont différens selon la règle qui sera expliquée dans l'article qui suit.

50. Dans les occasions où les ecclésiastiques se trouvent avec des laïques, soit fortuitement, comme dans les simples rencontres d'une entrée ou sortie, ou autres semblables, ou qu'ils soient appelés à quelque assemblée de cérémonie où il ne s'agisse pas du ministère ecclésiastique, les ecclésiastiques ont différemment leur rang selon leurs qualités et celles des laïques avec qui ils se rencontrent. Car comme dans ces cas il ne s'agit point de la dignité des fonctions spirituelles, et qu'en toutes occasions, la dignité qui donne un rang dans le public, doit se régler sur les qualités à qui il est de l'ordre public qu'on rende un plus grand respect, plusieurs qualités de laïques demandent un bien plus grand respect que celui qu'on doit à plusieurs ecclésiastiques hors leur ministère, et parce que les combinaisons de ce concours d'ecclésiastiques et de laïques sont infinies selon les différences des qualités des uns et des autres, les règles de leurs rangs dans ces sortes d'occasions se diversifient; ce qui fait un détail qu'il serait inutile et incommode d'expliquer ici.

Remarque sur les titres suivans.

Après avoir expliqué dans le titre précédent les divers ordres de personnes qui composent un état, et fait comme un plan des espèces générales des conditions et professions, il est de l'ordre de venir en particulier à chacune de ces espèces, pour y considérer les distinctions de leurs classes qui sont comme des espèces particulières, et d'expliquer les fonctions et les devoirs propres à chacune, et c'est ce qui fera la matière des titres suivans. Mais comme on a été obligé, par d'autres vues de l'ordre, de traiter de quelques-unes de ces espèces générales et de leurs classes en d'autres lieux, et d'y expliquer les fonctions et devoirs des personnes qui les composent, on n'a pas dû répéter ici ce qu'il a été nécessaire de placer ailleurs. Ainsi, comme on a dû expliquer

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