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parole de la volonté de Dieu qui tira du néant tout ce qu'il créa, c'est ce qui signifie ce mot de Moïse fiat (1), et cette expression d'un autre prophète : Dixit et facta sunt, ipse mandavit et creata sunt (2).

On pourrait rapporter ici plusieurs expressions de cette éloquence divine des livres saints, et de l'ancien et du nouveau testament, soit pour parler à l'esprit ou pour toucher le cœur : car, dans l'ancien, on peut surtout admirer celle des livres de Moïse et des autres prophêtes qui tous ont annoncé la parole de Dieu au peuple, et aussi celle des psaumes; et on peut dire du nouveau que rien n'est comparable à l'éloquence des paroles de Jésus-Christ qui, dans une simplicité d'expressions et une justesse admirable de paraboles, et dans toutes ces autres manières d'instruire les hommes, renferme une grandeur et une étendue de vérités qu'un Dieu seul pouvait enseigner de cette manière, et qui faisait dire à ceux même que ses ennemis avaient envoyés pour l'arrêter, que jamais homme n'avait parlé comme lui (3). Pourrait-on ajouter comme un trait de son éloquence divine, celle qui brille dans son silence devant Pilate, qui fut bien plus surpris et touché de ce qui signifiait ce silence d'un tel homme dans ces circonstances (4), qu'on ne saurait l'être d'aucunes paroles. Ainsi, ce silence même était une expression qui avait le caractère d'une éloquence vraiment divine; on ajoutera seulement sur cette éloquence des livres saints, que, quoique les ou vrages de saint Paul manquent de la régularité des constructions qui pourrait paraître la première et la plus nécessaire partie de l'éloquence, il renferme cependant toute la grandeur, toute la dignité et toute l'efficace de l'éloquence la plus sublime par la manière courte et vive dont il ramasse les trésors des vérités les plus importantes, les plus capitales et les plus essentielles de la religion qu'il verse de sa plénitude comme un torrent de pierreries qu'il donne à ranger et à mettre en œuvre à ceux qui le lisent et qui l'étudient avec l'application que mérite la lecture des ouvrages dictés par le Saint-Esprit.

Il est vrai que la simplicité et la briéveté des expressions de l'écriture, pour expliquer tout ce qu'elle nous enseigne de plus grand et de plus élevé, renfermant en très-peu de mots des vérités et des instructions essentielles, capitales, fondamentales, et qui sont les principes et les sources fécondes du détail infini de tout ce qui regarde notre conduite et tous nos devoirs; il n'est ni possible au prédicateur d'imiter les caractères de cette éloquence divine, ni facile à l'auditeur d'en faire sentir à la simple prononciation toute la substance, toute l'étendue, toute la grandeur, toute la beauté, et qu'ainsi l'usage de cette subli

(1) Genes. 1. 3. 6. 14. (2) Ps. 148. 5. (3) Joan. 7. 46. (4) Matth. 27. 14.

mité de l'éloquence des livres saints, est plutôt la matière et l'objet d'une longue et profonde méditation sur les vérités qu'elle enseigne, et surtout ce que la fécondité contient de différentes instructions, qu'un exemple de style qu'on puisse imiter. C'est sur la lecture et l'étude de ces divins livres que doivent fonder toute leur science et toute leur éloquence, ceux qui doivent instruire les peuples; car c'est dans ce seul dépôt que sont les sources inépuisables de toutes les vérités dont ils doivent éclairer et instruire les esprits de ceux qui les écoutent, et de tous les sentimens dont ils doivent toucher les cœurs; aussi voiton cette grandeur, cette beauté, cette fécondité de l'éloquence des livres saints, par deux expériences qui en font deux preuves sensibles, l'une de l'usage continuel de la parole divine dans l'office de l'église, où ceux qui ont le goût de cette éloquence trouvent sans fin des beautés nouvelles dans les mêmes paroles, et l'autre de la distinction de ceux des prédicateurs qui en font leur étude, et qui s'en remplissent l'esprit et le cœur, et de la dif férence entre le succès de leurs discours et de ceux des autres, ce qui est un effet de ce qu'ils sont eux-mêmes persuadés des vérités, et pénétrés des sentimens qu'ils veulent enseigner et inspirer aux autres; car s'il est vrai que dans l'éloquence humaine celui qui veut porter son auditeur à quelque mouvement, doit en être lui-même touché, comme l'a remarqué un auteur païen (1), cette règle est bien plus essentielle à ceux qui, parlant de la part de Dieu, ne doivent parler que pour l'usage de leur mission qui consiste à éclairer les esprits de la lumière, et embraser les cœurs de l'ardeur de ce feu, que celui qui les envoie a dit qu'il était venu allumer au monde (2), et comme il n'y a que le feu qui puisse allumer le feu, et qu'ils sont les premiers qui doivent s'enflammer eux-mêmes de celui dont ils doivent enflammer les autres, leur première règle est sans doute qu'ils doivent avoir les premiers et dans l'esprit et dans le cœur, ce feu qu'ils doivent allumer dans l'esprit et le cœur de leurs auditeurs. Ce fut pour marquer le caractère que doit avoir leur éloquence de ce feu divin, que lorsque Dieu envoya le Saint-Esprit aux apôtres et aux autres disciples pour les remplir des dons de leur ministère, et surtout de celui d'annoncer sa parole, l'esprit saint qui devait les animer parut sur eux en langues de feu (3), et le premier effet de la lumière et de l'ardeur de ce feu dans leurs paroles fut de l'allumer dans les cœurs de leurs auditeurs (4), comme celui qui les envoyait avait peu de jours auparavant éclairé et enflammé par ses paroles les esprits et les cœurs de deux de ses disciples pour les affermir dans les vérités de ses mystères (5).

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(1) Si vis me flere, dolendum est primùm ipsi tibi. Horat. de art. Poet. (2) Luc. 12. 49. (3) Act. 2. 3. (4) Act. a. 37. (5) Luc. 24. 32. Ps. 118. 140. Prov. 30.5.

Ce sont là bien sûrement les modèles des prédicateurs, ce sont leur exemple, et ces vérités sont les principes essentiels de l'éloquence qu'ils doivent au public. S'ils imitent ces modèles, s'ils sont persuadés de ces principes, et s'ils tâchent d'en faire leurs règles, ils seront éloquens sans l'appareil de celles de la rhétorique; et si au contraire ils se bornent à plaire à l'esprit par l'usage de celle-ci, ils se rendent indignes d'un ministère sacré qu'ils profanent, préférant au caractère essentiel de l'éloquence naturelle, à ce ministère divin qui est d'élever les hommes à Dieu, le caractère opposé de l'art de leur plaire pour se les attirer à eux-mêmes. Ce qu'on ne dit pas pour condamner dans le ministère de la parole divine, l'usage de tous ornemens; car tout ce qu'on vient de dire n'exclut de ce ministère que ceux qui ne conviennent pas à sa dignité et à son esprit, et qui sont plus propres à divertir les auditeurs et à les porter à l'estime du prédicateur qu'à les élever à l'amour de Dieu. Mais il y a une infinité d'ornemens qui ont tout ensemble et l'agrément et la dignité, et qu'il est très-utile de mêler à la parole divine, quoique ce soit des traits de l'éloquence naturelle, et de celle même dont les règles de la beauté du discours ont été tirées. Car, comme ces règles sont tirées de ce qu'on a observé dans la nature de propre à plaire à l'esprit et toucher le cœur, et que la nature est l'ouvrage de Dieu, tout ce que les manières naturelles de parler en public ou d'écrire peuvent avoir de beau, de grand, de solide, et de propre à insinuer dans les esprits et dans les cœurs l'estime et l'amour des vérités de la religion, sera propre à l'éloquence des prédicateurs, et ils n'ont à rejeter de ces ornemens naturels que ce qui tomberait dans le vice de plaire à la seule curiosité ou en d'autres défauts que la corruption de la nature pourrait mêler à ce quelle a conservé de bon; mais ils peuvent y employer sagement et avec prudence les ornemens qui peuvent être propres et tournés pour plaire à l'esprit, non pour l'esprit même, ce qui ne servirait qu'à satisfaire la curiosité, mais pour faire entrer par l'esprit dans le fond du cœur l'attrait des vérités dignes d'être annoncées de la part de Dieu et par sa parole.

Il n'est pas difficile de discerner sur ces principes de quelle manière ceux qui sont appelés au ministère auguste de la prédication doivent s'y préparer, et de quels ornemens ils doivent former une éloquence dont rien ne peut être digne qui ne soit une lumière et un attrait de l'esprit de Dieu; ainsi, une éloquence qui aurait l'essentiel de ce caractère avec la plus médiocre capacité de l'art de parler, pourra persuader plus efficacement que toute autre qui manquerait de ce caractère essentiel pour persuader et convaincre.

Outre cette nécessité de la grammaire, des humanités et de l'é

loquence pour les divers usages qu'on vient d'expliquer, on a besoin en plusieurs professions de l'étude de la philosophie, et surtout pour celles de théologiens, de jurisconsultes, de magistrats, d'avocats, de médecins, et d'autres qui peuvent demander l'usage de quelque science. C'est cette philosophie qu'on met dans les universités au nombre des arts, et qu'on distingue en quatre différentes parties, qui fout la logique, la physique, la métaphysique et la morale.

Quoique ces quatre parties de la phylosophie semblent n'avoir pas toutes leur rapport à toutes ces professions, et que, par exemple, la physique paraisse peu nécessaire pour l'usage de la jurisprudence, il est pourtant vrai qu'elles ont toutes cette double utilité pour l'étude de toutes sortes de sciences, que chacune peut avoir par quelques-unes de ces matières et de ses règles quelque rapport à quelque partie de chaque science, et que toutes ensemble ont en général l'effet de former l'esprit et l'habituer à l'intelligence de toute sorte de matières, de l'accoutumer à se faire des idées nettes et précises de toute sorte d'objets, et surtout de ceux qui ne tombent pas sous les sens, et de l'affermir dans les justes manières de concevoir et de raisonner; car les objets de la logique, de la métaphysique, de la morale, et plusieurs même de la physique, sont des matières que l'esprit conçoit indépendamment des sens, ce qui l'accoutume à penser aussi et à raisonner sans besoin des sens, et à pouvoir approfondir en toutes matières ce qu'elles ont de plus spirituel et de plus propre à être l'objet de l'esprit, comme on le verra par les idées générales qu'on donnera ici de l'usage de chacune de ces parties.

La logique est la première qui donne l'entrée, non-seulement aux autres parties de la philosophie, mais aussi à toutes les autres sciences, comme à la théologie, à la jurisprudence, à la médecine et aux autres; car, outre cet usage général qu'on vient de remarquer d'accoutumér l'esprit aux objets purement spirituels, ce que les autres parties de la phylosophie ont de commun avec la logique, elle est proprement l'art de conduire l'esprit à se former des idées justes et précises de toutes choses, surtout de celles qui ne sont l'objet que de l'intelligence, et où les sens n'ont point de part; c'est pour cet usage que cette science considère en toutes choses indépendamment des sens, ce qu'il y a de commun à toutes, comme l'être, ou seulement à plusieurs et non à toutes, comme la vie animale commune aux hommes et à toutes sortes d'animaux; et ce qu'il y a de commun seulement à peu de sortes ou espèces de choses, comme l'intelligence commune aux anges et aux hommes; et en même temps la logique considère ce que les différentes espèces ont de propre qui les distingue les unes des autres. Ainsi, entre les choses qui ont en commun la vie animale, l'intelligence distingue l'homme des animaux qui ont

cette vie là commune avec lui, c'est par ces vues de ce qu'il y a de général et de commun, ou à toutes sortes de choses, ou à plusieurs sortes, ou à quelques-unes, et de ce que chaque sorte a de propre, qu'on distingue ce qu'on apelle genres et espèces, qui ont plus ou moins d'étendue selon que les caractères qui les distinguent sont plus ou moins généraux, et conviennent à plus ou moins de sortes de choses; et c'est par ces caractères qui font ces genres et ces espèces, que la logique donne la méthode de distinguer, de diviser, de définir, c'est-à-dire de concevoir l'ordre des choses qui ont entre elles quelque affinité par des caractères qui leur sont commans, ranger chacune avec celles qui sont de son rang, et les séparer les unes des autres; donner les idées précises de leurs natures, qui consistent en ces caractères qu'elles ont de commun entre elles, et en ceux qui les distinguent, et pour observer plus exactement cette justesse, cette science enseigne à définir les noms des choses avant que de définir leurs natures, afin d'éviter les obscurités des expressions et les équivoques.

La logique considère les diverses qualités qui suivent naturellement le rapport que chaque chose peut avoir aux autres, comme une cause à son effet, une chose plus grande à une moindre, un signe à ce qu'il signifie, et c'est par ces vues et les autres semblables de ce que l'esprit peut distinguer, et dans la substance et dans les qualités de toutes choses, qu'il se forme et s'habitue à bien concevoir et à bien raisonner, ne recevant pour vrai que des principes sûrs, ou des conséquences qui en soient bien tirées. C'est aussi pour ne tirer des bons principes que des conséquences qui en soient des suites certaines, que la logique donne la méthode qu'on a inventée pour mettre les raisonnemens dans une telle justesse que les règles de cette méthode étant observées, il est impossible que la conclusion du raisonnement ne convainque invinciblement si on laisse passer les propositions d'où elle est tirée, et cette certitude est le simple effet de l'arrangement de ces propositions, qui fait que la conséquence qu'on en tire, y est nécessairement liée, lorsque ces règles sont bien observées.

Des trois autres parties de la philosophie, celle qui a le plus de rapport à la logique, est la métaphysique, parce qu'elle considère les choses indépendamment des sens, et celles mêmes qui sont corporelles et sensibles. Ainsi, elle considère en toutes choses leur subsistance, leur existence, les propriétés essentielles que Dieu a données à tous les êtres, et qui sont en chacun son unité, sa vérité, sa bonté; car ces trois caractères se trouvent nécessairement en chaque chose, et tout être est un en sa nature, quoiqu'il puisse être composé de plusieurs différentes parties comme une plante ou un animal. Tout être est vrai par son exis

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