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dre dans ce titre les principes qui regardent cette alliance de la police temporelle à celle de l'église. On peut voir sur cette matière, ce qui a été dit dans la préface sur les différentes espèces de liaisons, qui font subsister la société des hommes dans tout l'univers.

Il est facile de juger par les remarques qu'on vient de faire, ce qu'il y aura dans ce titre de règles qui regardent la religion; et qu'on doit se restreindre à celles dont le violement pourrait intéresser le public, et en troubler ou blesser l'ordre, et dont l'observation doit par cette raison être appuyée de l'autorité des puissances temporelles. Ainsi, par exemple, l'église défend de prècher des hérésies; elle ordonne la célébration des fètes par la cessation des travaux, défendus pendant ces saints jours; elle commande l'abstinence des viandes pendant le carême; et les princes chrétiens autorisent les défenses de prêcher des hérésies, et punissent ceux qui y contreviennent. (P. 201, s., 204.) Ils établissent aussi de certaines peines contre les hérétiques (1); ils défendent les foires et marchés les jours de fêtes, et les travaux qui les profanent; et ils défendent en carême la vente publique des viandes dont l'église défend l'usage pendant ce saint jeûne.

C'est pour l'observation de ces sortes de lois de l'église et de plusieurs autres semblables, que les empereurs chrétiens et nos rois ont fait une infinité de lois qui regardent la police ecclésiastique pour la maintenir, ainsi qu'on vient de le remarquer. Et comme ces lois des princes font une partie du droit public, on ne comprendra dans ce titre que ce qu'elles ont de principes généraux et de règles essentielles, d'où dépend le détail des autres; mais on ne doit pas y comprendre ce détail, parce qu'il est amplement recueilli dans les compilations des ordonnances, où il est facile de le voir et le conférer avec les règles de cette même nature recueillies dans les codes des empereurs Théodose et Justinien, où il faut distinguer celles de ces lois qui ne sont pas de notre usage, comme il est aisé de le reconnaître par la simple lecture qu'on en peut faire.

avoir

C'est à ces bornes qu'on a dû restreindre ce qu'il peut y de règles qui regardent la police ecclésiastique, qu'on doit comprendre dans ce titre; mais pour tout ce qu'il y a dans cette police de matières purement spirituelles, quoiqu'elles se rapportent à l'ordre public, et que par cette raison elles fassent une espèce de droit public, comme sont les dogmes de la foi, l'ordre hiérarchique, les distinctions des divers ministères des ordres sacrés, et ceux des prélats, la juridiction ecclésiastique pour ce qui est purement spirituel, et les autres matières semblables; le caractère qu'elles peuvent avoir de droit public, et leurs liaisons aux matières de la police ecclésiastique n'obligent pas à les y joindre

(2) L. 19. c. de hæret. et manic. V. l'art. 4 de la sect, 1 du tit. I qui suit.

et à y comprendre en général tout ce qu'il y a dans la religion qui ait le caractère de droit public. (Charte, 62.)

Quelqu'un pourrait penser que, comme ceux qui ont recueilli les lois de l'église dans cette compilation qu'on appelle le droit canonique, y ont mêlé une infinité de règles qui ne regardent que le temporel, et dont plusieurs mème ont été tirées des auteurs païens des lois romaines sur les matières des ventes, échanges, louages, dépôts, donations, hypothèques, successions et autres matières purement temporelles, on pourrait aussi comprendre ici les règles de l'église qui ne regardent que le spirituel; mais cet exemple ne va pas à une telle conséquence; car ceux qui ont fait cette compilation du droit canonique ont pu mêler ces lois temporelles par des considérations qui ne conviennent pas au mélange des lois de l'église dans le droit public qui regarde la police temporelle. Ainsi, ils ont pu considérer que ces lois temporelles mêlées dans le droit canonique, peuvent être regardées comme des règles de la conduite des particuliers dans le temporel, et comme des principes des devoirs de conscience, qui les obligent à se faire justice dans leurs commerces, et dans les diverses affaires qu'ils peuvent avoir ensemble, de sorte que ces lois temporelles peuvent être considérées par cette vue, comme des accessoires de celles de la religion, et dont les ministres de l'église peuvent se servir pour les décisions des difficultés de conscience; ainsi, ces compilateurs peuvent avoir été portés à ce mélange par la considération de la double autorité des papes dans l'église et dans leurs états où ils sont princes temporels, avec le droit d'y faire des lois temporelles, et s'être proposé l'exemple de la loi divine de l'ancienne alliance, que Dieu dicta lui-même à Moïse, et où il ajouta aux lois de la religion plusieurs règles pour le temporel; parce qu'il exerçait lui-même d'une manière visible le gouvernement spirituel et temporel du peuple choisi à qui il donnait ces lois.

Ils ont pu aussi avoir en vue la juridiction ecclésiastique, où il peut arriver des différends en toutes matières ( Charte, 62.), ce qui était plus ordinaire lorsque cette juridiction était moins bornée qu'elle ne l'est aujourd'hui en France; mais le dessein de composer l'ordre des règles du droit public, ne s'étendant qu'à la police temporelle ne peut avoir pour accessoires les lois de la religion; et l'assemblage de ces deux sortes de lois sous un même titre, blesserait la dignité et la sainteté de celles de la religion, et le caractère distingué de l'autorité que leur donne l'esprit de Dieu qui les a inspirées, et qui, par ces lois, régit et conduit l'église d'une manière bien différente de la conduite de Dieu dans l'ancienne alliance. Car, dans la nouvelle, Jésus-Christ, qui en est le législateur, non-seulement n'a pas fait de lois pour la police temporelle, mais il n'a pas même voulu se rendre juge d'un

différend en étant prié (1); et pour tout ce qui regarde le temporel, il en a laissé la direction aux puissances temporelles, en seignant et par soi-même et par ses disciples, l'obéissance qui leur est due, et nous apprenant les dispositions nécessaires pour le bon usage des biens temporels.

On peut juger par toutes ces réflexions, de quelle manière s'accordent et se concilient les différens usages des puissances spirituelles et temporelles; il ne reste qu'à considérer quel doit être l'usage de la puissance temporelle en ce qui peut regarder l'église, et quel est pour cet usage le pouvoir et en même temps le devoir des princes.

Comme il est du devoir de ceux qui exercent le ministère spirituel d'enseigner et d'inspirer à tous les hommes le devoir de l'obéissance aux puissances temporelles, et l'observation des lois et des ordres de leurs princes, il est de même du devoir de ceux qui exercent le ministère du gouvernement temporel d'ordonner à tous ceux qui leur sont soumis, l'obéissance aux puissances spirituelles, et les contenir dans les devoirs que demande cette obéissance par tout ce qui peut dépendre de l'usage de la puissance temporelle; ce qui renferme le droit d'appuyer, protéger, et faire exécuter les lois de l'église, punir ceux qui les violent d'une manière à troubler l'ordre extérieur, et faire même des lois pour maintenir celles de l'église et de la discipline ecclésiastique. Ainsi, par exemple, comme les lois de l'église ordonnent la célébration des dimanches et des fêtes, par la cessation des travaux qui en violent la solennité (P. 260, s.), et que les ministres de l'église n'ont pas l'usage d'autres peines que des corrections spirituelles et des œuvres de pénitence, dont l'accomplissement dépend de la volonté de ceux à qui on les impose (Charte, 62. s.), et qui d'ailleurs ne réparent pas toujours le scandale public du violement des fêtes; les princes ordonnent des peines contre ceux qui en troublent la célébration (P. 201, s. 333, s. 199, s.), et on les condamne à des amendes, et à d'autres peines, selon la qualité des faits et les circonstances. (P. 260, s. ) Ainsi, pour un autre exemple, les lois de l'église obligent à la résidence (2) les pasteurs et autres de qui les fonctions demandent leur présence pour l'exercice de leurs ministères et de leurs devoirs, et s'ils désobéissent à ces lois, il est du devoir et de l'autorité des princes de les y contraindre par des voies propres à cette autorité, comme par des saisies de leurs revenus; et nos Rois ont fait sur ce sujet divers réglemens.

C'est donc pour faire observer les lois de l'église, et pour y assujettir les ecclésiastiques, que les princes ont le droit de faire

(1) Luc. 12. 13 et 14. V. le chap. 10 du traité des lois, no 6. (2) V. l'art. 8 de la sect. 2 des devoirs des ecclésiastiques par rapport à l'ordre public dans le titre 10 du clergé.

des lois et des réglemens qui en ordonnent l'exécution, et c'est ce qu'ont observé les empereurs chrétiens, et nos Rois ayant fait plusieurs lois pour faire observer celles de l'église, comme on le voit par les recueils des constitutions des empereurs dans leurs codes par plusieurs novelles de Justinien, et par les ordonnances de nos Rois, qui appellent ce qu'ils ordonnent sur les matières qui regardent l'église des lois politiques (1), et s'y qualifient protecteurs, gardes, conservateurs et exécuteurs de ce que l'église enseigne et ordonne (2).

On voit dans cet usage de l'autorité temporelle pour ce qui regarde l'église, que la puissance temporelle n'entreprend rien sur l'autorité spirituelle, et qu'elle ne fait que s'y conformer et maintenir l'exécution de ce que l'église a déja ordonné, et ce n'est que pour exécuter ces lois de l'église que les princes y tiennent la main, et ce service qu'ils rendent à l'église fait une partie de la police temporelle, dont l'ordre demande que la religion y soit observée. Ce même devoir et pouvoir des princes de faire observer les lois de l'église, les oblige aussi à ne pas souffrir qu'il soit contrevenu à ces lois par les ministres mêmes de l'église, et par les juges ecclésiastiques qui pourraient entreprendre quelque chose de contraire à la discipline ecclésiastique, et dans les cas de ces entreprises il y est pourvu par la puissance du prince de la manière qui est en usage dans son état. Ainsi, en France, on appelle de ce qui a été ordonné contre les règles de l'église, et ce sont ces sortes d'appellations qu'on qualifie appellations comme d'abus, parce qu'elles tendent à réformer l'abus qu'ont fait de leur autorité les ministres et les juges ecclésiastiques par ces entreprises; ce qui s'étend aux rescrits même des papes qui blesseraient les lois de l'église, et ces appellations sont interjettées, ou par les particuliers qui peuvent s'y trouver intéressés, ou par les procureurs généraux du Roi dans les parlemens, à qui les Rois ont donné le pouvoir de juger ces sortes d'appellations pour maintenir la discipline de l'église dans sa pureté contre ces abus; mais quand c'est un rescrit du pape dont on veut se plaindre, le respect dû au S. Siège, fait qu'on n'appelle pas du rescrit même, mais de l'exécution qu'on appelle fulmination. (P. 201, 204, s.)

C'est cette pureté de la discipline ecclésiastique que nous appellons en France les libertés de l'église gallicane, non par un privilége particulier qui affranchisse l'église de France des lois de l'église universelle, mais par un attachement inviolable à cette pureté de la discipline qui consiste en ce qui fait le droit ancien et le droit commun de l'église universelle; ainsi, lorsque l'autorité de la puissance temporelle réprime ces entreprises, elle ne fait autre chose que conserver à l'église de France l'usage libre

(1) Charles IX, 17 juillet 1561. (2) François I, en juillet 1543. Conc. Trid. Sess. 25. c. 20.

de la discipline ecclésiastique dans sa pureté, et donner en effet à l'église la liberté qui convient à son règne spirituel, qui doit dominer sur les abus et sur les entreprises qui en troublent l'ordre.

On s'est servi de cette expression du Droit ancien et du Droit commun de l'église universelle, à cause de la diversité de sentimens des auteurs qui ont écrit sur cette matière des libertés de l'église gallicane, quelquesuns ayant restreint aux quatre premiers conciles les lois de l'église, dont les libertés de l'église gallicane doivent conserver la pureté, et d'autres ayant compris dans ces lois les décrets des papes, même des derniers, y ajoutant le tempérament de ce qui en a été reçu par notre usage, ce qui est très-juste; car, d'une part, il y en a plusieurs fort justes que nous observons, et de l'autre, non-seulement il y en a que nous n'observons point, nous tenant à d'autres règles de l'église, et de Ja tradition dans les matières où la discipline ne peut varier selon les temps et selon les lieux; mais il y en a même que nous rejetons comme ne conservant pas cette pureté, et il y en a une entr'autres que nous considérons comme erronnée et contraire à l'esprit de l'église, qui est l'extravagante, Unam sanctam, de Boniface VIII, qui se déclare supénieur aux rois pour le temporel, et s'attribue le droit de les déposer. Personne n'ignore l'histoire de ce qui s'était passé entre le pape et le roi Philippe-le-Bel, et que cette décrétale en fut une suite. V. extravag

unam sanctam.

les

Outre cet usage de la puissance temporelle de maintenir les lois de l'église, elle s'étend aussi à l'usage de se maintenir ellemême contre les entreprises des ministres de l'église, qui la blesseraient en quelqu'un des droits et des fonctions qu'elle tient de Dieu; et comme il est juste que les princes maintiennent les lois de l'église, et protégent l'usage de tous ses droits, il est de la même justice qu'ils se maintiennent dans l'observation de leurs lois, et dans l'usage des droits que leur donne cette puissance qu'ils tiennent de Dieu. C'est par ce droit que, comme nos Rois font réformer les entreprises contre les lois de l'église par appellations comme d'abus, lorsque les ministres de l'église et les juges ecclésiastiques y ont contrevenu, ils font aussi réformer par la même voie ce que ces ministres et ces juges entreprennent contre leurs lois, ou contre leurs droits. (P. 201, s.) Et bien loin qu'en se rendant à eux-mêmes cette justice, ils blessent les lois de l'église, ils en observent au contraire une des premières et des plus capitales, et qui n'est pas seulement une loi de l'église, mais de droit divin, qui a ordonné aux ministres même de l'église l'obéissance aux princes temporels en ce qui est de leurs. fonctions. (V. sur cette matière les applications qui sont faites sous l'art. I er de la section 3 de ce titre.)

Il faut encore remarquer un troisième usage de la puissance temporelle en ce qui regarde l'église, et qui consiste au droit qu'ont les princes sur ce qu'il y a dans la discipline de l'église qui

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