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SECTION II.

De l'usage de la puissance temporelle, pour réprimer les entreprises des ministres de l'église sur les droits du prince, et des appellations comme d'abus.

1. Comme c'est immédiatement de Dieu que les princes tiennent leur puissance, ils en ont l'usage indépendamment de la puissance spirituelle, même de celle que les premiers ministres de l'église, successeurs de Jésus-Christ, tiennent aussi immédiatement de Dieu. Et ces deux puissances ayant entre elles l'union essentielle, qui les lie à leur origine commune, c'est-à-dire à Dieu, dont elles doivent maintenir le culte chacune selon son usage, sont distinctes et indépendantes l'une de l'autre dans les fonctions propres à chacune. Ainsi, les ministres de l'église ont de leur part le droit d'exercer les leurs, sans que ceux qui ont le gouvernement temporel puissent les y troubler; et ils doivent même les y soutenir en ce qui peut dépendre de leur pouvoir. Ainsi, ceux qui ont le ministère de ce gouvernement, ont de leur part le droit d'exercer les fonctions qui en dépendent, sans qu'ils y puissent être troublés par les ministres de l'église, qui doivent au contraire inspirer l'obéissance et les autres devoirs envers les puissances que Dieu a établies sur le temporel. (V. les applications qui sont faites sous l'art. 1 er de la sect. suiv.)

2. Il s'ensuit de la règle expliquée dans l'article précédent, que comme les entreprises des puissances temporelles sur les fonctions des puissances spirituelles, sont des attentats qui blessent la religion et l'ordre de Dieu; celles des ministres de la puissance spirituelle sur les fonctions des puissances temporelles, sont aussi des attentats qui, blessant de même l'ordre de Dieu, blessent aussi la religion.

3. Il s'ensuit encore de ces vérités que, comme il n'y a aucune puissance visible sur terre qui ait une supériorité commune sur ceux qui tiennent les premières places dans l'église et dans un état, et que personne ne peut avoir droit de venger les entreprises des ministres de l'église sur le temporel (P. 201, S. 204, S.), il est du droit de ceux à qui Dieu a donné la puissance temporelle de maintenir leur autorité contre ces sortes d'entreprises, et l'exercice de ce droit est en leurs mains une fonction qu'ils tiennent de Dieu.

[ 1. Aucune bulle, bref, rescrit, décret, mandat, provision, signature servant de provision, ni autres expéditions de la cour de Rome, même ne concernant que les particuliers, ne pourront être reçus, publiés, imprimés, ni autrement mis à exécution, sans l'autorisation du gouvernement. (« Les tribunaux ne peuvent puiser dans un bref du pape, non autorisé par lé gouvernement, un motif pour interdire le mariage

à un prêtre, Cass. 16 oct. 1809. ») — 2. Aucun individu se disant nonce, légat, vicaire, ou commissaire apostolique, ou se prévalant de toute autre dénomination, ne pourra, sans la même autorisation, exercer sur le sol français ni ailleurs aucune fonction relative aux affaires de l'église gallicane. 2. Les décrets des synodes étrangers, même ceux des conciles généraux, ne pourront être publiés en France, avant que le gouvernement en ait examiné la forme, leur conformité avec les lois, droits et franchises de l'état, et tout ce qui, dans leur publication, pourrait altérer ou intéresser la tranquillité publique. 4. Aucun concile national ou métropolitain, aucun synode diocésain, aucune assemblée délibérante n'aura lieu sans la permission expresse du gouvernement. (Loi, 18 germinal an 10.)

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2. Les églises protestantes, ni leurs ministres, ne pourront avoir des relations avec aucune puissance ni autorité étrangères. 4. Aucune décision doctrinale ou dogmatique, aucun formulaire, sous le titre de confession ou sous tout autre titre, ne pourront être publiés ou devenir la matière de l'enseignement, avant que le gouvernement en ait autorisé la publication ou promulgation. 5. Aucun changement dans la discipline n'aura lieu sans la même autorisation. - 6. Le conseil d'état connaîtra de toutes les entreprises des ministres du culte et de toute dissensions qui pourront s'élever entre ces ministres. (Loi, 18 germinal an 10.) De sorte que les tribunaux doivent renvoyer à l'administration les décisions des questions relatives à la circonscription des églises. (Cass., 16 brumaire an 12.)]

des

4. Selon ces principes, si ceux qui ont le ministère de la puissance spirituelle ordonnaient ou entreprenaient quelque chose de contraire au droit du prince sur le temporel, ou dont la conséquence vînt à troubler l'ordre et le repos public que le prince est obligé de maintenir, il pourrait dans ces cas employer son autorité pour réprimer les entreprises de cette nature (P. 201, s.), et comme ces sortes d'entreprises ne s'exercent pas par voies de force à laquelle on doive opposer la force, comme à celles qui donnent sujet à des guerres entre les princes, mais que ce sont des constitutions, des rescrits, des sentences, ou autres actes, qui ont la forme de justice, la voie pour les réformer est aussi celle de la justice; et c'est ce qui se fait en France par l'usage des appellations comme d'abus, auxquelles il est pourvu par les parlemens, à qui nos rois ont donné la connaissance de ces sortes d'appellations (1). (P. 204, s.)

5. Si ces sortes d'entreprises ou d'injustices qui donnent sujet aux appellations comme d'abus regardent quelque intérêt de particuliers, ils ont eux-mêmes le droit d'appeler, et si le roi ou le public étaient intéressés à les réparer, l'appel en serait interjeté par les procureurs-généraux dans les parlemens, ou par leurs substituts dans les sièges inférieurs, pour être jugés dans le parlement qui en devrait connaître; car c'est la fonction de ces officiers d'agir comme parties dans ce qui regarde l'intérêt public, comme il sera dit en son lieu dans le second livre.

(1) V. la loi qui est rapportée ci-dessus, p, 223.

6. Les appellations comme d'abus ont leur usage dans tous les cas où l'intérêt et le droit public se trouvent blessés, soit que la puissance temporelle y soit directement offensée, comme si c'était un attentat contre quelque droit de cette puissance, ou que même il s'agisse seulement de protéger et de maintenir l'ordre public de la discipline ecclésiastique, qui serait violée par quelque entreprise des ministres de l'église (P. 201, s. 204, s.), comme si une élection à quelque dignité ecclésiastique, une collation d'un bénéfice ou quelque autre fonction de ces ministres se trouvait être contre la discipline de l'église et contre les concordats; car, dans tous ces cas, il est de l'intérêt commun et de l'église et de l'état, de réprimer les entreprises de cette nature, et de faire observer cette discipline dans sa pureté.

7.

Il faut mettre au nombre des cas où les appellations comme d'abus doivent avoir lieu, les entreprises des juges ecclésiastiques sur la juridiction temporelle (Charte, 57, 58.), lorsqu'ils ordonnent au-delà de ce qui est de leur connaissance, et lorsqu'ils jugent de ce qui ne dépend que de la juridiction temporelle (Charte, 62.), ou que dans leur juridiction même ils n'observent pas les procédures réglées par les ordonnances; car dans ces cas ils entreprennent sur la puissance temporelle, et tombent dans l'abus qu'elle a droit de réformer et de réparer.

8. C'est par ces appellations comme d'abus, que doivent se maintenir les droits de la puissance temporelle, et la pureté de la discipline ecclésiastique, et c'est la défense de cette pureté que nous appelons les libertés de l'église gallicane, qui consistent, non dans les priviléges de cette église, mais dans le droit commun de l'église universelle, ainsi qu'on l'a expliqué dans le préambule de ce titre. (V. l'ordonnance du 10 janvier 1824, rendue contre le cardinal de Clermont-Tonnerre, citée dans la note qui est appliquée sous l'art. 1 er de la sect. suiv.)

SECTION III.

De l'usage de la puissance temporelle sur ce qu'il y a de temporel dans la police ecclésiastique.

1. Tous les états où l'on professe la véritable religion sont gouvernés par deux sortes de puissances, par la spirituelle et la temporelle, que Dieu a établies pour en régler l'ordre; et comme l'une et l'autre ont leurs fonctions distinguées, et qu'elles tiennent immédiatement de Dieu leur autorité, elles sont indépendantes l'une de l'autre ; mais de telle sorte, qu'encore que ceux qui ont le ministère de l'une de ces puissances, puissent l'exercer indépendamment de ceux qui ont le ministère de l'autre, ils doivent cependant être réciproquement soumis au ministère les uns des autres en ce qui en dépend. Ainsi, les princes temporels doi

vent être soumis aux puissances spirituelles en ce qui regarde le spirituel, et les ministres de l'église doivent être aussi de leur part soumis à la puissance des princes, en ce qui regarde le temporel; et parce que cette vérité est du droit divin, et que c'est Dieu même qui l'a enseignée aux hommes (1), elle a été également reconnue, et de la part de ceux qui ont exercé le ministère spirituel, et de la part des princes qui ont eu le gouvernement temporel.

Lorsque Jésus-Christ donne à ses apôtres la même mission que celle qu'il avait reçue de son père, il ne leur donne aucun droit d'exercer la puissance temporelle, puisque lui-même, qui aurait pu l'exercer, s'en est abstenu et a même obéi aux lois des princes, et dans sa naissance, et pendant sa vie, étant né dans un lieu où il se trouva par l'obéissance à une loi d'Auguste, et ayant voulu payer le tribnt, et ayant enseigné et fait enseigner par ses apôtres l'obéissance aux lois des princes comme à un ordre de Dieu de qui ils tiennent leur autorité; et quand il a donné aux apôtres leur mission, il n'y a compris que le spirituel, sans leur donner aucun droit sur le temporel qu'il a laissé aux princes. Rom, 13, 1; Matth. 22. 21. Dist 10. C. 8. Dist. 96. C. 10. Novel. 6. in præfat.

[On trouve la même doctrine dans la déclaration du clergé de France, du 19 mars 1682, dans laquelle il est dit : « que saint Pierre et ses successeurs, vicaires de Jésus-Christ, et que toute l'église même n'ont reçu de puissance de Dieu que sur les choses spirituelles, et qui concernent le salut, et non point sur les choses temporelles et civiles. JésusChrist nous apprend lui-même que son royaume n'est point de ce monde, et, en un autre endroit, qu'il faut rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu; et qu'ainsi ce précepte de l'apôtre saint Paul ne peut en rien être altéré ou ébranlé, que toute personne soit soumise aux puissances supérieures; car il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et c'est lui qui ordonne celles qui sont sur la terre. Celui donc qui s'oppose aux puissances résiste à l'ordre de Dieu : nous déclarons, en conséquence, que les rois et les souverains ne sont soumis à aucune puissance ecclésiastique par l'ordre de Dieu, dans les choses temporelles; qu'ils ne peuvent être déposés directement ni indirectement par l'autorité des chefs de l'église; que leurs sujets ne peuvent être dispensés de la soumission et de l'obéissance qu'ils leur doivent, ou absous du serment de fidélité; et que cette doctrine, nécessaire pour la tranquillité publique, et non moins avantageuse à l'église qu'à l'état, doit être inviolablement suivie, comme conforme à la parole de Dieu, à la tradition des saints pères, et aux exemples des

saints. »

Cette déclaration, provoquée par Louis XIV à l'effet de faire respecter la dignité de sa couronne et la tranquillité dans ses états, fut donnée à l'occasion des différends survenus entre le roi et le pape Innocent XI. Un édit du 23 mars 1682, enregistré avec la déclaration, dans toutes les cours souveraines de France, et à Paris, en Sorbonne, à la faculté de droit et à l'université, en fit une loi générale de l'état. Cet édit est ainsi conçu :

(1) V. le préambule de ce tit. Exod. 28. 1. 2. Paralip. 19. 11. Hebr. 5. 1. 1. Cor. 4. 1. Joan. 20. 21.

III.

23

Art. 1o. « Défendons à tous nos sujets, et aux étrangers étant dans notre royaume, séculiers et réguliers, de quelque ordre, congrégation et société qu'ils soient, d'enseigner dans leurs maisons, colléges et séminaires, ou d'écrire aucune chose contraire à la doctrine contenue dans la susdite déclaration. — 2. Ordonnons que ceux qui seront dorénavant choisis pour enseigner la théologie dans les collèges de chaque université, soit qu'ils soient séculiers ou réguliers, souscriront ladite déclaration aux greffes des facultés de théologie, avant de pouvoir faire cette fonction dans les colléges ou maisons séculières, ou régulières; qu'ils se soumettront à enseigner la doctrine qui y est expliquée; et que les syndics des facultés de théologie présenteront aux ordinaires des lieux, et à nos procureurs-généraux, des copies desdites soumissions, signées par les greffiers desdites facultés.

3. Que, dans tous les colléges et maisons desdites universités où il y aura plusieurs professeurs, soit qu'ils soient séculiers ou réguliers, l'un d'eux sera chargé, tous les ans, d'enseigner la doctrine contenue en ladite déclaration; et, dans les colléges ou il n'y a qu'un seul professeur, il sera obligé de l'enseigner l'une des trois années consécutives. 4. Enjoignons aux syndics des facultés de théologie, de présenter, tous les ans, avant l'ouverture des leçons, aux archevêques et évêques des villes où elles sont établies, et d'envoyer à nos procureurs généraux les noms des professeurs qui seront chargés d'enseigner ladite doctrine, et aux dits professeurs de représenter aux dits prélats et à nos dits procureurs généraux les écrits qu'ils dicteront à leurs écoliers, lorsqu'ils leur ordonneront de le faire.

5. Voulons qu'aucun bachelier, soit séculier, soit régulier, ne puisse être dorénavant licencié, tant en théologie qu'en droit canon, ni être reçu docteur, qu'après avoir soutenu la dite doctrine dans l'une de ses thèses, dont il fera apparoir à ceux qui ont droit de conférer ces degrés dans les universités. 6. Exhortons néanmoins, et enjoignons à tous les archevêques et évêques de notre royaume, pays, terres et seigneuries de notre obéissance, d'employer leur autorité pour faire enseigner, dans l'étendue de leurs diocèses, la doctrine contenue dans la dite déclaration faite par les dits députés du clergé.

7. Ordonnons aux doyens et syndics des facultés de théologie, de tenir la main à l'exécution des présentes, à peine d'en répondre en leur propre et privé nom. Si donnons commandement à nos amés et féaux les gens tenant nos cours de parlement, que ces présentes nos lettres, en forme d'édit, ensemble la dite déclaration du clergé, ils fassent lire, publier et enregistrer aux greffes de nos dites cours, et des bailliages, sénéchaussées et universités de leurs ressorts, chacun en droit soi, et aient à tenir la main à leur observation, sans souffrir qu'il y soit contrevenu directement ni indirectement, et à procéder contre les contrevenans, en la manière qu'ils le jugeront à propos, suivant l'exigence des cas. »

Au mois de février 1763, Louis XV rendit un édit qui obligeait tous les professeurs de théologie à se conformer à celui du 23 mars 1682. Un arrêt du conseil, du 24 mai 1766, en rappela les dispositions. Elles furent renouvelées par la loi organique du 18 germinal an 10, qui dispose: Art. 24. Ceux qui seront choisis pour l'enseignement dans les séminaires souscriront la déclaration faite par le clergé de France en 1682, et publiée par un édit de la même année: ils se soumettront

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