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5. Il s'ensuit de ce devoir de l'application des officiers à leurs fonctions, que ceux qui doivent les exercer eux-mêmes en personne sont obligés à la résidence dans les lieux et pendant le temps que leur ministère peut le demander.

6. Comme il n'est pas possible que la résidence soit si continuelle et si assidue qu'aucun officier n'y manque jamais, et que tous soient toujours prêts à s'acquitter en temps et lieu de leurs fonctions, puisque plusieurs justes causes peuvent interrompre et empêcher quelquefois, non-seulement l'application à quelques fonctions particulières, mais la résidence; ce devoir se borne à une assiduité raisonnable, et dont l'officier ne se dispense que pour de justes causes, dont chacun doit être lui-même le juge, prenant pour principe la prudence qui doit juger des égards qu'il faut avoir à la conséquence des affaires qui demandent son ministère, et à celle des causes qui peuvent demander sa présence ailleurs, et conservant toujours l'inclination à l'exactitude pour ce devoir autant qu'il se peut, et l'opposition à s'en détourner.

TITRE IV.

Des devoirs des officiers de justice.

On a expliqué dans le titre précédent les devoirs des officiers en général, et en d'autres lieux les devoirs propres de quelques officiers en particulier, ainsi qu'il a été remarqué à la fin du préambule de ce même titre, et on distingue en celui-ci les devoirs des officiers de justice à cause de la diversité et de la conséquence de leurs fonctions, car le devoir de tout officier consiste à se bien acquitter de ses fonctions.

Comine les devoirs des officiers en général se réduisent à la capacité, à la probité et à l'application à leurs fonctions, les devoirs des officiers de justice se divisent de même; ainsi, ces trois sortes de devoirs feront la matière de trois sections.

Il faut entendre tout ce qui sera dit dans ce titre sur les devoirs des officiers de justice, de toutes sortes d'officiers qui rendent la justice, soit dans les juridictions ordinaires, ou dans les finances, ou dans la juridiction ecclésiastique.

SECTION PREMIÈRE.

De la capacité des officiers de justice.

1. La capacité des officiers de justice consiste au bon sens instruit des règles de leurs fonctions; et comme elles sont différentes selon les charges, la capacité doit être différente aussi, comme il sera expliqué par les articles qui suivent (1).

(1) V. l'art. 2 de la sect. 1 du tit. précédent.

2. Les officiers de justice de qui les fonctions ont plus d'étendue, doivent avoir à proportion plus de capacité; ainsi, les officiers des bailliages et sénéchaussées doivent avoir plus de capacité que les petits officiers des moindres justices, qui sont même dispensés de savoir les lois, comme il a été déja remarqué dans l'article 2 de la section première du titre précédent. Ainsi, les officiaux doivent avoir la science des matières spirituelles et temporelles qui sont de leur connaissance, et il en est de même des autres différentes charges à proportion (1).

3. La capacité des officiers de justice obligés de savoir les lois, consiste au bon sens avec un degré d'intelligence et droiture d'esprit capable de cette science, qui consiste en une connaissance claire, solide et en ordre, des définitions des principes, et des règles des diverses matières du droit, afin de posséder la liaison des règles à leurs principes, et d'en savoir faire l'application aux questions qui sont à juger; et ils doivent avoir aussi la connaissance des ordonnances qui regardent leurs fonctions, et celle des coutumes des lieux où leur ministère se doit exercer; car sans le bon sens et l'intelligence et droiture d'esprit, on ne saurait avoir cette vraie science; et ce qu'on pourrait avoir de connaissance, ne serait que confusion souvent pire que le défaut de science; mais sans cette science le meilleur sens ne saurait suffire pour entendre et juger les difficultés, ni pour suppléer à la connaissance de plusieurs règles, qui, étant simplement arbitraires, doivent être connues et suivies bien précisément, sans que le bons sens puisse faire savoir ce qui est réglé (2).

On peut remarquer ici que ce qui se trouve établi par une ancienne coutume, et observé par une longue suite d'années, est comme une convention tacite du peuple, et doit être maintenu autant qu'une loi écrite; et c'est même une autorité considérable de la coutume, de ce qu'elle a été tellement approuvée, qu'il n'a pas été nécessaire d'en faire une loi écrite. (V. 1. 35, ff. de leg. senat. L. 36. Ibid.)

Que, s'il arrive quelque difficulté sur l'interprétation d'une loi, on doit principalement considérer ce qui a été réglé par le passé en de pareils cas, et quel a été l'usage du lieu; car c'est la coutume qui est le meilleur interprète de l'esprit des lois, et l'empereur Sévère a dit dans un rescrit, que dans les doutes qui naissent des lois, la coutume et l'autorité des jugemens qui ont toujours été conformes doit servir de loi. (V. 1. 37, 38.)

Lorsqu'il s'agit de savoir si une coutume d'une ville ou d'une province, que l'un allègue et l'autre conteste, est en usage ou non, il faut principalement considérer s'il y a eu quelques jugemens contradictoires qui confirment cette coutume, en faisant connaître ce qui s'est observé. (V. 1, 34. Ibid.)

On peut enfin remarquer que, dans les matières où il n'y a point de lois écrites, il faut observer ce que la coutume et l'usage y ont établi ;

(1) 3. Reg. 3. 9. (2) L. 12. C. de jur. et fact. ign. L. 17, ff. de legib.

et s'il arrive quelques cas où la coutume et l'usage qu'on a ne s'entende point, il faut se régler par les conséquences qu'on peut en tirer naturellement que si cela même ne donne aucun jour pour régler la difficulté, il faut recourir à ce qui s'observe daus la ville qui, entre toutes les autres, tient le premier rang. (V. I. 32. Ibid.)

4. C'est par l'usage du bon sens et de la science que les juges. doivent discerner dans les questions, ce qui fait naître la difficulté, et pénétrer les causes des doutes; car comme chacun des deux partis a son fondement qui forme le doute, et que ce doute ne peut venir d'une égalité de justice et de vérité qui soit dans les deux, puisqu'il ne peut y avoir ni deux justices, ni deux vérités qui soient opposées, et que rien ne met en balance les deux partis, que le défaut de vue du juste point de la justice et de l'équité, qui ne peut-être que dans l'un des deux, c'est par la vue de ce point qu'on cesse de douter et de balancer, et pour le trouver il faut avoir et le bon sens et la science, et observer la règle qui suit.

à une

5. Comme les difficultés en toute sorte de questions viennent ou de l'opposition apparente d'une règle à une autre, d'un principe d'équité à la disposition littérale d'une loi écrite, d'une rigueur étroite du droit à un tempérament que l'équité semble demander, d'une maxime générale à une autre, qui peut en faire une exception, ou de l'application d'une règle propre matière dans une autre qui a d'autres règles toutes différentes, ou de la faveur que chaque parti peut tirer des considérations d'équité qui se rencontrent de part et d'autre, soit par la qualité des parties, comme entre un donateur et un donataire, un père et un fils, ou par la nature des prétentions opposées, s'agissant par exemple d'une part de quelque perte considérable, et seulement d'un profit de l'autre, et d'autres semblables combinaisons de motifs opposés qui forment des doutes et des difficultés de plusieurs natures, on ne peut s'y déterminer que par les différentes vues de diverses sortes de règles pour distinguer quelles sont celles qui conviennent à toutes matières, et quelles sont celles qui ont leurs bornes à quelques-unes, quelles sont les règles de l'équité naturelle, et celles qu'on appelle arbitraires; quelles sont celles qui sont générales, et si elles souffrent des exceptions ou n'en souffrent point, et quelles sont les exceptions de celles qui en souffrent, quels sont les cas où il faut suivre la rigueur du droit, et quand on peut la modérer par des tempéramens d'équité, quel est l'effet des lois nouvelles à l'égard du passé (C. civ. 2. «Nulle puissance humaine ni surhumaine ne peut justifier l'effet rétroactif d'aucune lois, Mirabeau »); et quels sont les cas où elles règlent également et le passé et l'avenir, et ceux où elles n'ont leur effet que pour l'avenir, quelles sont les règles et les différentes manières d'interpréter les obscurités et les autres diffi

cultés dans les conventions, dans les dispositions à cause de mort, dans les bienfaits des princes, et pour mettre en usage ces connaissances toutes nécessaires, il faut un sens qui ait l'étendue, la lumière et la justesse, pour juger par toutes ces vues des divers égards qu'il faut avoir à chacun, et savoir choisir la décision par les principes et les règles qui ont le plus juste rapport aux faits et aux circonstances.

SECTION II.

De la probité ou intégrité des officiers de justice.

Ce n'est pas sans raison qu'on a distingué la probité des officiers de justice, de celle des autres sortes d'officiers par le nom propre d'intégrité, puisqu'en effet ils ont besoin d'un caractère de probité si pure, si délicate et si entière, qu'elle doit être de beaucoup au-dessus du caractère de probité que toutes les autres sortes de charges peuvent demander; car au lieu que, pour toutes les autres charges, soit de guerre ou de finances, il suffit que l'officier soit homme de bien, c'est-à-dire de bonnes mœurs par rapport à ses fonctions, et qu'il les exerce fidèlement sans faire tort à personne: de sorte que, par exemple, il suffit pour la probité d'un receveur, en ce qui ne regarde que les fonctions de sa charge, qu'il ne fasse point de concussions (p. 174), et qu'il l'exerce avec la modération que peut y demander l'humanité, et qu'il suffit pour les officiers de guerre, pour ce qui regarde la probité, qu'ils ne commettent point de violences et d'injustices, et qu'ils se contentent de ce qu'ils ont de la part du roi (1): il n'en est pas de même des officiers de justice; car ils sont non-seulement obligés à ne point faire de concussion (p. 175, 177, s.), ni de violences (p. 188, s.), et à se contenter de leurs gages et des émolumens qui peuvent leur être accordés; mais ils doivent de plus avoir au moins les qualités que devaient avoir ceux que Moïse choisit pour juger les moindres différends du peuple, c'est-à-dire, qu'ils doivent avoir la force et le courage nécessaires pour leurs fonctions, la crainte de Dieu, la connaissance et l'amour de la vérité, et un éloignement de l'avarice qui aille jusqu'à la haïr (2), et on peut dire que ces qualités comprennent tout ce qui peut être nécessaire pour faire un bon juge, et qu'on ne saurait l'être si l'on manque de quelqu'une.

On peut remarquer sur ces qualités, qu'elles consistent principalement dans les dispositions du cœur, et que l'esprit y a la moindre part, et quoiqu'elles comprennent également ce qui

(1) Luc. 3. 14. (2) Exod. 18. 21. L 1, § 5. C. de offic. præf. præt, affr

regarde la capacité des juges, et ce qui regarde leur intégrité, elles font consister le plus essentiel de leurs devoirs dans les dispositions du cœur qui font l'intégrité, et réduisent ce qui regarde la capacité à posséder la vérité, in quibus sit veritas, c'est-à-dire en avoir une plénitude qu'ils puissent mettre en usage; sur quoi il faut remarquer que lorsque Moïse choisit des juges pour le soulager dans son ministère de juge du peuple, il n'y avait pas encore d'autres lois que celles de la nature, ni de différends qui demandassent d'autres règles pour les décider, et qu'ainsi la capacité de ces juges devait consister à connaître cette équité, dont la connaissance et l'amour fait ce devoir qui se doit entendre par celui de posséder la vérité; mais comme aujourd'hui la multiplication des lois oblige les juges non-seulement d'avoir un esprit de vérité que devaient avoir ces juges choisis par Moïse, mais de plus encore la connaissance du détail des lois et des règles dont nous avons aujourd'hui l'usage, leur capacité doit avoir bien plus d'étendue; et, pour ce qui est de l'intégrité, elle doit être au moins la même aujourd'hui qu'au temps de ces juges, et peut-être la faudrait-il encore plus grande : puisque les obstacles au devoir de l'intégrité, sont aujourd'hui bien plus grands qu'ils n'étaient alors; ear ces juges n'avaient ni fortune à ménager, ni d'égard aux personnes dont ils eussent quelque chose à craindre, ayant de leur part en main l'autorité divine qui se rendait visible dans le ministère du gouvernement et de l'administration de la justice, dont Moïse leur faisait part.

C'est donc au moins à ces qualités nécessaires aux juges des moindres affaires que doit se réduire l'intégrité dont on parle ici, et il est facile d'en voir les raisons, et quelles sont les causes qui demandent ces dispositions dans le cœur d'un juge; qu'il ait de la force et du courage, qu'il craigne Dieu, qu'il aime la vérité, et qu'il ait de l'horreur pour l'avarice.

La première de ces qualités est sans doute la crainte de Dieu, puisqu'elle est le fondement des autres et les comprend toutes; car si la crainte de Dieu est un devoir commun à toutes personnes de toutes sortes de conditions, personne n'y est plus étroitement obligé que ceux qui, tenant sa place au-dessus des autres, ont à lui rendre compte de l'usage qu'ils auront fait du pouvoir qu'il leur a confié, et c'est à ce rang de dignité, d'autorité, que doivent être proportionnés les devoirs de ceux qui en sont les dépositaires, et de qui les fonctions sont de maintenir cette dignité, et de mettre en usage cette autorité.

Comme les juges tiennent la place de Dieu, c'est par cette raison qu'il les appelle lui-même des Dieux (1): car comme la

(1) Ps. 81. v. 1. v. 6. Joan. 10. 34 et 35. Exod. 7. 1.

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