Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub
[ocr errors]

» pour prévenir sa recherche et sa sévérité, travaillez fortement » à juger avec tant d'exactitude, de diligence et d'application, » que vos jugemens soient purs de toute iniquité; parce qu'il n'y en a aucune en Dieu dont vous tenez la place, et qu'ils » soient remplis des lumières de l'équité et de la justice comme >> les siens, parce que ce sont ses propres jugemens que vous » devez rendre. » Tout le monde voit que c'est le sens véritable de cette instruction abrégée selon la force admirable de l'éloquence divine et inimitable de l'écriture, qui, nous apprenant que le peuple doit trouver la science de la loi divine dans la bouche du prêtre (1), nous apprend aussi que le peuple doit trouver le jugement de Dieu dans la bouche du juge : c'est ce que Moïse a enseigné lorsque jugeant les moindres affaires, il disait que le peuple venait à lui pour lui demander les jugemens de Dieu (2); c'était par cette raison que David demandait à Dieu pour lui et pour Salomon, son jugement et sa justice pour juger son peuple, et Salomon demandait la sagesse; parce qu'il savait qu'il ne pouvait rendre le jugement de Dieu sans cette sagesse ; que c'est elle qui est le principe unique de toute justice et de l'intelligence des lois et de l'équité, comme il l'a remarqué au même endroit, et que sans elle, les plus habiles ne peuvent que tomber dans l'erreur et l'égarement; et comme cette sagesse n'est pas donnée à tous avec la même plénitude, l'unique voie commune et nécessaire à tous les juges, pour acquérir cette sagesse selon leur besoin et l'étendue de leurs fonctions, est de s'appliquer à cette recherche d'une manière qui y soit proportionnée.

Il faut donc que les juges travaillent et qu'ils travaillent beaucoup pour bien entendre leur profession; cette application au travail consiste à l'exercice actuel de toutes les fonctions qui sont différentes selon les charges; les uns doivent s'appliquer à la recherche de la punition des crimes, d'autres à instruire les procès, d'autres à les juger, quelques-uns à plusieurs de ces fonctions, et d'autres à toutes ensemble; mais tous sont également obligés à s'appliquer à toutes leurs fonctions, et à y travailler avec la diligence et l'application que demande ce divin emploi: il est important de faire voir quel est le motif qui doit porter les juges à cette application de leurs fonctions, et quelles sont les causes qui les en détournent.

Pour se porter au travail, il faut l'aimer, parce que le cœur, qui est le principe de toutes nos actions, ne peut agir que pour ce qu'il aime, ainsi qu'on l'a déja remarqué dans le préambule de la section précédente; et pour aimer le travail, il faut quelque

(1) Malac. 2, 6. 7. (2) Exod. 18. 15. 16.

il

attrait qui nous y porte et nous y engage; et parce que nous devons être toujours disposé, à nous appliquer dans chaque occasion au travail et à l'application que la justice demande de nous, faut que cet attrait qui nous y porte soit un attrait perpétuel qui dure toujours, et qui nous attire dans toutes les occasions, et il ne peut y en avoir d'autres de cette nature que la justice, elle est perpétuelle, comme dit le sage (1), et c'est elle qui s'offre toujours dans toutes les occasions du devoir des juges, et c'est aussi la justice qui est la fin unique et naturelle que Dieu a prescrite au travail des juges. Ceux qui aiment la justice et qui ne se proposent que cette fin, sont toujours prêts à s'appliquer à rendre justice, parce que cet attrait ne manque jamais de les attirer; mais, au contraire, ceux qui agissent par d'autres fins sont toujours dans la disposition ou dans le péril de se détourner de la justice, et de négliger l'application qu'ils doivent aux fonctions de leur ministère.

L'amour du repos, qui fait la paresse, éloigne quelques-uns de cette application, d'autres la négligent par l'attrait du plaisir qui les porte ailleurs, plusieurs s'en dégoûtent par le défaut du profit qui est leur principal attrait, et quand la justice se trouve seule dans la cause de la veuve et de l'orphelin, ils les laissent dans l'oppression. La plupart s'appliquent aux fonctions de la justice, mais par d'autres vues que pour la justice: il y en a plusieurs qui s'appliquent vigoureusement à la punition des crimes, quand ils y trouvent lieu de se venger ou quelqu'autre avantage particulier; mais ils se reposent quand il ne s'agit uniquement que de la justice; quelques-uns étalent leur autorité pour exercer leur ambition, et ils abandonnent lâchement les devoirs les plus essentiels si la justice est opposée à leurs propres intérêts; c'est par ces motifs et par d'autres semblables que plusieurs juges négligent l'assiduité et l'application qu'ils doivent à leurs charges.

1. La capacité et l'intégrité des officiers de justice seraient inutiles s'ils ne s'appliquaient à l'exercice de leurs fonctions; car si ce leur est un devoir indispensable de s'en acquitter selon les règles que leur prescrivent les lois divines et humaines, ce leur est un devoir aussi, et le premier même, de les exercer ce qui renferme la fidélité à s'appliquer à leurs fonctions et à les remplir

toutes.

2. La première règle de cette application que les officiers de justice doivent à leurs charges, est celle qui les oblige à la résidence dans le lieu où leurs fonctions doivent s'exercer; et comme il y a des compagnies de justice qui sont semestres, les officiers de chaque semestre doivent la résidence pendant leur

service.

(1) Sap. 1. 15.

3. La résidence consiste en un séjour continuel dans le lieu où elle est due de sorte que l'officier y soit assidu et ne s'absente que pour de justes causes, dont il doit se rendre lui-même son juge, et qu'il doit peser à la balance du compte que Dieu lui en fera rendre.

4. Cette résidence est principalement le devoir de ceux qui doivent régler l'instruction des procès; et ce devoir leur étant assez recommandé par leur intérêt de ne pas perdre les émolumens qui peuvent leur revenir de cette instruction, ils pèchent rarement contre ce devoir; mais ceux qui ne doivent leur présence qu'au jugement des procès, n'y trouvant pas le même attrait, n'ont souvent pour principe de leur assiduité que l'engagement indispensable qui les y oblige, encore qu'ils n'y trouvent ni profit ni autre avantage; ainsi c'est par le motif de s'acquitter de ce devoir, qu'ils doivent être fidèles à la résidence.

5. Comme la résidence n'est nécessaire que pour faciliter l'assi duité au détail des fonctions où l'officier doit être présent, le devoir de l'application l'oblige à joindre à la résidence l'exactitude à chacune de ses fonctions, et ceux même qui, ne devant pas juger seuls, comme les conseillers d'une compagnie de justice, pourraient croire que leur absence n'empêcherait pas que la justice ne fût bien rendue par les autres juges, ne sont pas parlà dispensés d'être présens au rapport et au jugement des procès; car ce devoir est commun à tous, et chacun doit craindre que son absence ne nuise à la bonne cause: ainsi chacun doit contribuer de ses lumières à faire rendre la justice, et ne pas se reposer de ce devoir sur les sentimens des autres, dont il peut, sans en mal juger, craindre que la justice et la vérité ne soient pas assez défendues, puisque souvent les plus habiles et les plus clair-voyans peuvent se tromper, ou dans les faits ou dans les raisons, et que les vues des autres, quoique moins habiles, les font revenir à des sentimens qu'auparavant ils trouvaient injustes; ainsi chaque juge doit son assiduité à sa fonction, dont il faut supposer qu'il ait la capacité: car s'il en manquait, son devoir serait de prendre un autre parti que celui de juge.

6. Outre la résidence et l'assiduité que les juges doivent à leurs fonctions, ils doivent en chacune une exactitude d'application et de vigilance pour s'en acquitter selon que leur devoir pent les y obliger: ce qui consiste en général à bien entendre les faits dont il doivent juger, peser les circonstances, balancer les raisons de part et d'autre, et donner à ces fonctions l'attention et la patience que demande le devoir de rendre justice; cette vigilance, cette attention et cette patience sont nécessaires surtout à ceux qui doivent être les rapporteurs : car ils sont obligés de voir par eux-mêmes et les pièces et les écritures, et de s'ins

truire parfaitement des droits des parties, ils doivent enfin ne blesser jamais les intérêts des particuliers ni ceux du public (1).

7. Comme il arrive souvent que les juges ne peuvent être exactement assidus à toutes leurs fonctions, et que des absences légitimes et d'autres justes obstacles peuvent les en détourner, il a été pourvu par les lois à y suppléer, et il n'y a point d'officier de qui un autre ne puisse exercer les fonctions en son absence selon leur ordre et les réglemens; et pour ce qui regarde les causes qui peuvent justement dispenser, ou de la résidence ou de l'exercice de quelques fonctions, il faut voir la règle expliquée dans l'article sixième de la section troisième du titre précédent.

TITRE V.

Des fonctions et des devoirs de quelques officiers autres que les juges, et dont le ministère fait partie de l'administration de la justice.

L'administration de la justice renferme l'usage de plusieurs sortes de fonctions autres que celles des juges; car ce qu'ils ordonnent serait inutile s'il n'y avait des ministres pour mettre leurs ordres à exécution: et pour les y mettre, il faut qu'ils soient écrits, et que le dépôt en soit conservé par d'autres que par eux-mêmes. Ainsi, pour la juridiction volontaire, tout ce qui est ordonné pour des réglemens de justice, de police, et autres, demande l'usage de ces deux sortes de fonctions, et elles sont aussi nécessaires pour ce qui regarde la juridiction contentieuse, et les arrêts et jugemeus entre les parties. C'est pour cette fonction d'écrire et conserver le dépôt des réglemens, des arrêts et des jugemens, et autres actes qui doivent être conservés, qu'on a établi des greffiers, et que, pour les mettre à exécution, on a eu besoin d'huissiers, et de sergens et comme dans l'une et dans l'autre juridiction volontaire et contentieuse, on a eu besoin de prisons publiques pour la garde des prisonniers, soit pour dettes, ou pour crimes, ou délits, il a été nécessaire aussi qu'il y eût des personnes chargées de cette garde; et c'est la fonction de ces officiers qu'on appelle concierges; mais, pour la juridiction contentieuse, comme la justice ne se rend qu'à ceux qui la demandent, et qu'il est de sa dignité que les demandes, les défenses, et les autres procédures qui doivent se faire devant les juges, se fassent avec l'ordre et le respect dû à leur ministère, et qui serait souvent violé par les parties mêmes, qui d'ailleurs ignorent ces procédures, on a établi des procureurs qui représentent les parties, postulent pour elles, font des procédures, et les autres fonctions qui sont de leurs charges.

(1) L. ult. ff. si contr. jus.

Outre ces fonctions nécessaires dans l'administration de la justice en toute sorte d'affaires importantes ou légères indistincte-ment, celles où le droit des parties doit être expliqué, et appuyé sur des principes des lois, soit dans les plaidoyers de vive voix ou par écrit, ont demandé le ministère de personnes capables de ces fonctions, et elles sont exercées par des avocats; mais il y a cette différence entre ce ministère et tous les autres des diverses fonctions de l'administration de la justice, qu'au lieu que pour les autres on a établi des officiers, on a laissé libre celui des avocats à toutes les personnes qui ont obtenu les degrés de bachelier et licencié dans les facultés du droit canonique et du droit civil, et qui ont prêté le serment d'avocats dans un tribunal de justice; car comme il sera expliqué dans le titre 6, les fonctions des avocats sont d'une nature qui a demandé que leur ministère ne fût pas érigé en titre d'office.

C'est par la considération de cette différence entre la fonction des avocats, qui ne demande pas qu'ils soient officiers comme il faut l'être pour toutes les autres qui sont nécessaires dans l'administration de la justice, qu'on n'a pas compris dans les titres précédens, et qu'on ne comprendra pas non plus dans celui-ci ce qui regarde le ministère et les fonctions des avocats, et qu'on en a fait un titre séparé, qui est le titre suivant.

Outre ces sortes de fonctions des greffiers, des procureurs, des huissiers, des sergens et des concierges qui sont nécessaires dans l'administration de la justice, il y a une autre sorte de fonctions qui entrent dans l'ordre de cette administration, mais d'une manière toute différente, qui sɔnt celles des notaires établis pour deux principaux usages qu'ont les actes passés devant eux, l'un que leur seing sert de preuve de la vérité des actes qu'ils signent, et l'autre que leur présence e leur signature donnent à ceux envers qui d'autres s'obligent par les actes qu'ils signent, un droit d'hypothèque, que ne donnerait pas un acte sous seing privé; ce qui fait une fonction de juridiction volontaire attribuée à leurs charges, ainsi qu'on l'a expliqué dans l'article 23 de la section 1 du titre 1.

Comme ces fonctions des notaires font une matière de trop peu d'étendue, pour en faire un titre; et que, comme on vient de le remarquer, elles font partie de l'ordre de l'administration de la justice, on les expliquera dans ce titre comme celles des greffiers et autres, dont le ministère fait partie de cette administration; ainsi, ce titre sera divisé en cinq sections; la première, des greffiers; la seconde, des procureurs; la troisième, des huissiers et sergens; la quatrième, des concierges, et la cinquième, des notaires.

« VorigeDoorgaan »