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3. On peut, par une autre vue, distinguer ces fonctions par rapport aux personnes qui ont à les exercer, ce qui en fait trois sortes. La première, de celles qui sont propres et naturelles aux personnes qui ont charges auprès du prince. Ainsi, en France, les officiers de la couronne, les secrétaires-d'état et autres ont diverses fonctions des trois espèces expliquées dans le second article. La seconde, de celles des officiers qui, quoique éloignés de la personne du prince, se trouvent dans l'occasion et dans l'engagement de l'avertir des faits qui regardent leurs charges, et dont il est important qu'il ait connaissance. Ainsi, c'est une fonction des gouverneurs des provinces de donner connaissance au prince de ce qui se passe dans leurs gouvernemens qui mérite qu'ils l'en informent. Ainsi, c'est une fonction des premiers officiers de justice de recourir au prince dans les occasions qui demandent sa connaissance, soit pour la réformation de quelques abus, ou pour d'autres causes. (Charte, 19.) La troisième est des fonctions des personnes qui, sans engagement par des charges étant appelées auprès du prince, soit pour le ministère de l'état (Charte, 13.), ou pour avoir autrement part à sa confidence, sont naturellement dans l'engagement de lui donner des conseils ou des avis selon les occasions et les ouvertures que peut leur en donner l'honneur d'approcher le prince.

[Tit. 2, art. 6. Notre maison civile se divise en six services, savoir : celui du grand-aumônier, celui du grand-maître, celui du grand-chambellan, celui du grand-écuyer, celui du grand-veneur, celui du grandmaître des cérémonies.-Art. 7. Le grand-aumônier, le grand-maître, le grand-chambellan et le grand-écuyer sont grands-officiers de la couronne. Chacun d'eux est suppléé dans les honneurs de notre service par un ou plusieurs grands-officiers ou premiers officiers de notre maison, qui dirigent, ainsi qu'il est réglé ci-après, leurs services respectifs. Ordonnance du 1' novembre 1820.)

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Les Chambres ont la faculté de supplier le Roi de proposer une loi sur quelque objet que ce soit, et d'indiquer ce qui leur paraît convenable que la loi contienne. (Charte, 19.) La loi du 13 août 1814, porte, tit. 6, art. : les adresses que les Chambres font au Roi doivent être délibérées et discutées dans les formes prescrites pour les propositions de loi.]

4. Il faut remarquer cette différence entre les conseils et ce qu'on appelle ici les avis, qu'on entend par les conseils, les sentimens de ceux qui conseillent et ce qu'ils estiment qui doive être fait sur la chose dont on délibère; et que les avis sont des avertissemens au prince, des choses qu'il ignore et doive savoir, ou dont il serait utile de lui donner connaissance pour y pourvoir. Ce qui renferme le devoir de lui faire connaître les faits et les circonstances dont la vérité pourrait lui avoir été cachée ou déguisée.

Il est d'une part impossible que les princes connaissent par euxmêmes tous les faits qui méritent leur connaissance, et de l'autre né

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cessaire de les leur faire connaître, afin qu'ils y pourvoient; soit par eux-mêmes ou par la vigilance de leurs ministres. « Non possum solus sustinere vos: quia dominus Deus vester multiplicat vos... Non valeo solus negotia vestra sustinere, et pondus ac jurgia. Date ex vobis viros sapientes et gnaros, quorum conversatio sit probata in tribubus vestris, ut ponam cos vobis principes (1). »

5. Comme c'est pour le service du prince qu'il peut être nécessaire qu'on lui donne ou des conseils ou des avis, on peut par cette vue en distinguer deux sortes qui les comprennent tous. La première, de ceux qui regardent les intérêts et les droits du prince, et la seconde de ceux qui se rapportent à ses devoirs envers son état et envers ses sujets en particulier. (Charte, 74.)

6. Parmi ces différentes fonctions des personnes qui approchent le prince, officiers ou autres, quelques-unes sont essentielles aux charges ou aux engagemens où l'on se trouve par l'ordre du prince, et rien n'en dispense dans les occasions qui en demandent l'usage; et d'autres n'ont le leur qu'autant que la prudence peut les rendre utiles. Ainsi, les officiers ou autres à qui le prince confie quelque administration, ou qu'il engage à quelque autre sorte de service, ont leurs fonctions réglées par leurs emplois qui les obligent de donner les conseils et les avis qui sont de leur ministère. Ainsi, ces mêmes personnes et autres qui ont quelque accès auprès du prince peuvent avoir des occasions de conseils ou d'avis, qui sans être essentiels à leurs emplois, sont d'une utilité qui demande qu'ils usent de la confiance que le prince a en eux pour les lui donner; mais sans s'ingérer, et avec les précautions dont la prudence peut faire attendre quelque bon

succès.

Il y a cette différence entre ces deux sortes de fonctions, que celles qui sont attachées aux charges obligent indispensablement, et que les autres n'obligent pas si absolument; mais c'est par la prudence qu'il faut les mettre en usage, et la prudence est aussi dans les fonctions qui sont du devoir des charges, afin qu'on les exerce d'une manière qui en rende l'usage utile par les précautions que la nature des affaires et les circonstances peuvent demander.

7. Toutes ces diverses fonctions obligent les personnes qu'elles regardent à des devoirs proportionnés à leurs charges ou autres engagemens, ainsi qu'on l'expliquera dans la section suivante.

SECTION II.

Des devoirs des officiers, ministres ou autres qui sont engagés à donner aux princes des conseils ou des avis.

1. Comme les conseils et les avis que les personnes qui sont auprès des princes, soit par leurs charges ou autrement, peuvent

(1) Deuteron. 1. 9. 12. 13. Sap. 9. 16.

leur donner, regardent la conduite que les princes doivent tenir dans les occasions où ces conseils et ces avis peuvent avoir leur usage; la première règle du devoir de ces personnes est la même qui est la première de cette conduite des princes et de leurs devoirs. Ainsi, comme les devoirs d'un prince consistent à tenir en terre la place de Dieu, et à exercer selon son esprit la puissance qu'il tient de lui, comme on l'a expliqué en son lieu; ceux de ces personnes consistent à n'inspirer au prince, soit dans leurs conseils ou dans leurs avis, que des sentimens qui aient le caractère de ce même esprit. (V. l'art. 1, de la sect. 3, du tit. 2.)

2. Il s'ensuit de cette première règle et de ce premier devoir, que dans les avis et les conseils qu'on donne aux princes, toute sagesse, toute prudence, toute politique qui n'a pas pour principe et pour fondement la justice et la vérité que le prince doit faire régner, et qui font son affaire, son honneur, sa gloire, blessent ce devoir. Ainsi, tous les avis, et tous les conseils opposés à la vérité et à la justice, soit pour ménager la fortune de ceux qui les donnent, ou pour favoriser quelque passion ou quelque intérêt, ou d'eux, ou de leurs proches, ou de leurs amis, ruinent les fondemens et violent les règles essentielles de la conduite des princes dont Dieu veut qu'ils puisent les maximes dans l'esprit de sa loi comme dans la source de la sagesse, des forces et des conseils dont ils ont besoin (1). (Charte, 13.) Et ceux qui donnent des conseils sur d'autres principes ne sauraient que s'en attirer les mauvaises suites, et la vengeance que Dieu prépare à une telle prévarication (2).

[Art. 38. Tous les actes du gouvernement doivent être contre-signés par un ministre ayant département. - Art. 39. Les ministres sont responsables des actes du gouvernement signés par eux, ainsi que de l'exécution des lois. - Art. 40. Ils peuvent être accusés par la chambre des représentans, et jugés par celle des pairs. Art. 41. Tout ministre, tout commandant d'armée, de terre et de mer, peut être accusé par la chambre des représentans et jugé par la chambre des pairs, pour avoir compromis la sûreté ou l'honneur de la nation (3). ]

3. Ce premier devoir si essentiel et si indispensable renferme tous les autres, dont le plus général et le plus important est le discernement que doivent faire ceux qui donnent des conseils et des avis aux princes de la part que pourraient y avoir leurs passions et leurs intérêts, ou ceux des personnes qu'ils voudraient servir, pour n'en donner aucun où leur amour-propre ne cède à celui de la vérité et de la justice, et où ils ne mettent au-dessus de toute fortune, de tout intérêt, de toute grandeur, la gloire et

(1) Job. 12. 13. Prov. 8. 14. Prov. 21. 30. V. l'art 2 de la sect. 3 du tit. 2. (2) Job. 12. 17. (3) Acte additionnel aux constitutions de l'empire, tit. 4, du 22-23 avril 1815. Cet acte n'eut d'effet que pendant quelque jours; ses dispositions ont beaucoup de rapport avec la charte.

la stabilité qui suivent naturellement d'une conduite dont la justice et la vérité sont les fondemens (1).

4. Ces devoirs généraux en renferment dans le détail trois espèces qu'il faut distinguer, selon les trois espèces de fonctions expliquées dans l'art. 2 de la section précédente. La première, des devoirs qui regardent le prince, sa personne, ses droits et ses intérêts; la seconde, de ceux qui regardent l'état, et la troisième, de ceux qui regardent les affaires des particuliers.

5. Pour les conseils et les avis dans les fonctions qui peuvent regarder le prince, les devoirs de ceux qui les donnent, consis\tent en une sincère fidélité qui ne considère que son vrai bien inséparable de la vérité et de la justice, et en une conduite qui mette sagement en usage la nécessité de le lui faire connaître sans dissimulation et sans flatterie; mais avec une prudence, et une force qui remplisse le double devoir du respect qui lui est dû, et de son service. Ainsi, par exemple, s'il s'agit d'un bien ou d'un droit contentieux entre le prince et quelqu'un de ses sujets; comme le prince en est lui même le juge naturel, puisqu'il ne peut avoir de supérieur qui le juge, et qu'il est le dispensateur souverain de la justice dans son état; le devoir du conseil oblige à distinguer deux différens intérêts du prince : l'un qui ne regarde ni sa personne ni ses devoirs, mais seulement les droits dont il s'agirait, et l'autre qui est son intérêt réel et essentiel de rendre justice même en sa propre cause. Ainsi, ceux qui ont à le conseiller doivent régler leurs sentimens sur ce que demande ce second et principal intérêt du prince, et le proposer et appuyer avec la prudence, et la liberté que demande un devoir de cette

nature.

Comme le prince doit lui-même régler sa conduite par une prudence et une force dignes de l'esprit de la sagesse divine qui doit le faire régner; ceux qui ont part à ses conseils doivent régler là leur par ce même esprit à proportion de leur ministère. « Meum est consilium et æquitas, « mea est prudentia, mea est fortitudo, per me reges regnant (2).

[La personne du Roi est inviolable et sacrée, les ministres sont responbles; au Roi seul appartient la puissance exécutive. (Charte, 23.) Comme le dit un célèbre publiciste de notre époque (3), la responsabilité des ministres ne détruit pas celle de leurs agens, et cette responsabilité commence à l'auteur immédiat de l'acte qui en est l'agent. Cette règle établie en Angleterre est d'autant plus nécessaire à consacrer en France que nous sommes accoutumés à la négliger. Notre dernière constitution l'avait méconnue en dirigeant exclusivement la responsabilité sur les minis-. tres, et en déclarant inviolables tous les autres agens du pouvoir, nommément les conseillers d'états, bien que plusieurs d'entre eux fussent chargés de fonctions dont la responsabilité doit être une conséquence inséparable. Lorsqu'une route légale n'est pas tracée pour soumettre tous les agens à l'accusation qu'ils peuvent tous mériter, la vaine apparence de (1) Eccl. 4. 29. Eccl. 27. 9. (2) Prov. S. 14. V. 2. Paralip. 25. v. 7. 8. (3) Benjamin Constant, esquisse de constitution.

la responsabilité n'est qu'un piége funeste à ceux qui seraient tentés d'y croire. Il est à regretter que la Charte n'ait pas aholi formellement cet article de nos constitutions antérieures. Aujourd'hui encore, l'on ne peut poursuivre la réparation d'aucun délit commis par le dépositaire le plus subalterne de l'autorité, dans l'exercice de ses fonctions, sans le consentement de la puissance suprême. Un citoyen est-il maltraité, calomnié, lésé d'une manière quelconque par le maire de son village, la constitution actuelle, héritière de l'art. 75 de l'an VIII, se place entre lui et l'agresseur. Il y a ainsi, dans cette seule classe de fonctionnaires, 44,000 inviolables, au moins, et peut-être 200,000 dans les autres degrés de la hiérarchie. Ces inviolables peuvent tout faire, sans qu'aucun tribunal ait la faculté d'instruire contre eux, tant que l'autorité supérieure garde le silence.

Les trois pouvoirs politiques, tels qu'on les a connus jusqu'ici, le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, sont trois ressorts qui doivent coopérer, chacun daus sa partie, au mouvement général; mais quand ces ressorts dérangés se croisent, s'entrechoquent et s'entravent, il faut une force qui les remette à leur place. Cette force ne peut pas être dans l'un de ces ressorts, car elle lui servirait à détruire les autres; il faut qu'elle soit en dehors, qu'elle soit neutre en quelque sorte; pour que son action s'applique partout où il est nécessaire qu'elle soit appliquée, et pour qu'elle soit préservatrice et réparatrice sans être hostile. La monarchie constitutionnelle a ce grand avantage, qu'elle crée ce pouvoir neutre dans la personne du roi déjà entouré de tradition et de souvenir, et revêtu d'une puissance d'opinion, qui sert de base à sa puissance politique. L'intérêt véritable de ce roi n'est aucunement que l'un des pouvoirs renverse l'autre, mais que tous s'appuient, s'entendent et agissent de concert. Le pouvoir législatif réside dans les assemblées représentatives, avec la sanction du roi, le pouvoir exécutif dans les ministres, le pouvoir judiciaire dans les tribunaux. Le premier fait les lois, le second pouvoir a leur exécution générale, le troisième les applique aux cas particuliers. Le roi est, au milieu de ces trois pouvoirs, autorité neutre et intermédiaire, sans aucun intérêt bien entendu à déranger l'équilibre, et ayant au contraire tout intérêt à le maintenir. Sans doute comme les hommes n'obéissent pas toujours à leur intérêt bien entendu, il faut prendre cette précaution que le pouvoir royal ne puisse pas agir à la place des autres pouvoirs; c'est en cela que consiste la différence de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle. Comme il est toujours utile de sortir des abstractions par les faits, nous citerons la constitution anglaise. Aucune loi ne peut être faite sans le concours du parlement; aucun acte ne peut être exécuté sans la signature d'un ministre, aucun jugement prononcé que par les tribunaux indépendans. Mais quand cette précaution est prise, voyez comme la constitution anglaise emploie le pouvoir royal à mettre fin à foute lutte dangereuse et à rétablir l'harmonie entre les autres pouvoirs. L'action du pouvoir exécutif, c'est-à-dire des ministres, est-elle irrégulière, le roi destitue le pouvoir exécutif. L'action du pouvoir représentatif devient-elle funeste, le roi dissout le pouvoir représentatif (Charte, 50.); enfin l'action même du pouvoir judiciaire est-elle fâcheuse, autant qu'elle applique à des actions individuelles des peines générales trop sévères, le roi tempère cette action par son droit de faire grace. (v. Čharte, 67.)

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