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voir des arbitres ne regarde que l'effet que doit avoir le compromis, pour donner à ce pouvoir l'étendue, ou les bornes que les parties veulent y donner. Ainsi, on expliquera dans ce titre ce qui regarde les fonctions et les devoirs des arbitres par rapport à la fonction de rendre justice, ce qui convient aux matières du droit public, et sera la matière de deux sections, l'une des fonctions des arbitres et de leur pouvoir, et l'autre de leurs devoirs. (V. sur cette matière, t. 1, p. 346 et suiv. )

SECTION PREMIÈRE.

Des fonctions des arbitrès et de leur pouvoir.

1. Quoique les arbitres ne soient pas juges par un titre qui leur donne absolument cette qualité, et qu'ils ne soient juges que des parties qui les ont nommés, pour juger ce qui est remis à leur jugement par le compromis, ils exercent les mêmes fonctions que feraient les juges si les parties plaidaient en justice. Ainsi, les arbitres peuvent instruire les procès qu'ils ont à juger, rendre des sentences interlocutoires, donner du temps, entendre des témoins, et après l'instruction rendre une sentence définitive qui termine les différends dont ils étaient juges (1).

2. Après que les arbitres ont rendu une sentence définitive, leurs fonctions sont finies, et ils n'ont pas même le pouvoir de la mettre à exécution, quand même il n'y aurait point d'appel de leur sentence; mais la partie qui veut en poursuivre l'exécution doit se pourvoir pardevant les juges ordinaires, pour faire ordonner contre celui qui refuserait de l'exécuter, ou qu'il y acquiescera, ou qu'il paiera la peine portée par les compromis (2).

Par notre usage celui qui veut faire exécuter la sentence arbitrale en poursuit l'homologation, c'est-à-dire, la confirmation pardevant le juge ordinaire; et s'il y a appel, il est jugé comme il sera dit dans l'article 8.

3. Comme les arbitres sont choisis, pour accommoder autant que pour juger les affaires qu'on met en leurs mains, et que par cette raison ils sont comme des médiateurs, à qui les ordonnances donnent les noms d'arbitres, arbitrateurs et amiables compositeurs, leurs fonctions ne sont pas bornées à la même sévérité, ni à la même exactitude que celle des juges; mais au lieu que les juges doivent régler les condamnations suivant les droits des parties, sans y apporter d'autres tempéramens que ceux que les lois permettent selon la qualité des affaires, et que les faits et les circonstances peuvent y obliger par les règles qui ont été expliquées en leur lieu, les compromis marquant aux arbitres que

(1) L. 1, ff. de recept. L. 3, § 1, ff. de reccp. 1. 14, § 1. C. de judic. (2) L. 2, ff. de recept.

chaque partie veut se relâcher de ce qu'elle pouvait espérer en justice, et remettre pour le bien de la paix une partie de ses intérêts, cette disposition des personnes, qui, au lieu des juges ordinaires prennent des arbitres, donne pouvoir à ceux qu'ils choisissent de préférer les considérations du bien de la paix à l'exactitude de la justice, qui pourrait laisser des occasions de division. Ainsi, on voit quelquefois que, dans des questions douteuses, que les juges sont obligés de décider en faveur de l'une ou de l'autre des parties sans aucun milieu, les arbitres prennent des tempéramens et des moyens, tels que les parties les prendraient elles-mêmes, si au lieu d'un jugement elles prenaient la voie d'une transaction (1).

4. Comme le motif de conserver la paix entre les parties est singulièrement favorable entre personnes proches, et dans les affaires de famille, les ordonnances obligent ceux qui ont des différends pour des partages de successions entre proches, pour des comptes de tutelle et autres administrations, restitution de dot, et douaire, à nommer des arbitres, et ordonner, qu'au refus d'une des parties, il en soit nommé par le juge; et les ordonnances veulent aussi qu'on fasse juger par des arbitres les différends entre marchands pour leurs commerces, et entre associés pour le fait de leur société. Ce qui donne aux arbitres nommés pour toutes ces sortes de différends, le droit de les terminer avec toute la diligence possible, pour éviter les longueurs des instructions qui se font en justice, et aussi le droit d'apporter dans les jugemens de ces sortes d'affaires les tempéramens que la qualité des faits et les circonstances peuvent rendre justes (2). (Pr. 1004,s.) 5. Le pouvoir des arbitres est réglé par le compromis pour ce qui regarde les différends qu'ils ont à juger; et ce qu'ils pour raient ordonner au-delà de cette étendue sur des contestations que le compromis ne comprendrait point (3) serait sans effet; et pour les différends dont le compromis les rend juges, ils y ont le pouvoir d'exercer les fonctions qu'on vient d'expliquer, et ce qui pourrait être réglé par le compromis. (Pr. 1006, 1007, s.)

Il y a deux sortes de causes qui empêchent qu'on ne puisse mettre de certaines affaires en compromis: l'une regarde des affaires qui intéressent le public; ainsi, comme le public a intérêt que les crimes soient punis, on en compromettrait inutilement, et le compromis fei ait même une preuve des crimes; et l'autre regarde les affaires qui intéresseraient l'honneur de ceux qui compromettraient; car au lieu qu'on peut honnêtement compromettre tout autre intérêt, il serait contre les bonnes mœurs d'exposer au jugement d'arbitres un intérêt d'honneur, puisque ce serait en hasarder la perte volontairement, ce qu'on ne peut pas

(1) V. l'ord. de juin 1510, art. 34. (2) V. l'ord. d'août 1560. art. 2, 3 et 4, celle de Moulins, art. 83, et de 1673, ch. des sociétés, art. 9 et suiv. (3) L. 32, § 15, ff. de recept. L. 32, §7, ff. de recept. qui arb. L. ult. c. cubi caus. stat. ag. deb. V. les art. 7 et 8 de la sect. 1 des compromis.

III.

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imputer à ceux qui défendent leur honneur devant les juges ordinaires, car il faut de nécessité qu'ils les aient pour juges; ainsi, celui qu'on prétendrait n'être pas légitime, n'être pas gentilhomme, ou à qui on ferait de semblables contestations, ne pourrait en compromettre pour les faire juger par des arbitres. Ainsi, on dit communément des affaires qu'on tient chères et importantes, qu'on ne les met pas en compromis : ce qui confirme la remarque qu'on a déja faite, que ceux qui compromettent consentent à relâcher de leurs droits pour le bien de la paix ; et qu'on ne doit pas faire dans une affaire où il s'agit de l'honneur, comme dans une question d'état, de savoir si un homme est båtard ou légitime, roturier ou gentilhomme; car pour ces sortes de causes il faut avoir pour juges ceux qui ont naturellement l'autorité et la dignité jointe au droit de juger.

6. Le pouvoir des arbitres est horné aux matières dont les parties peuvent avoir la liberté de compromettre; et si le compromis n'était dans ces bornes, les arbitres jugeraient inutilement, et se rendraient même coupables de l'entreprise qu'ils pourraient faire contre les défenses des lois; ainsi, par exemple, comme il est de l'intérêt public que les crimes soient punis en justice, on ne peut compromettre d'un crime (1); et il y a d'autres matières qu'on ne peut mettre au jugement d'arbitres, comme il a été expliqué dans le titre des compromis, et dans la remarque de l'article précédent. (V. ce tit. dans les lois civiles, t. 1, p. 346.)

7. Les sentences des arbitres n'ont pas le mème effet que celles des juges, car elles n'obligent ceux qui ne veulent pas les exécuter qu'à payer la peine dont on est convenu par le compromis; de sorte que si celui qui se trouve blessé par la sentence arbitrale aime mieux payer cette peine que de se soumettre à cette sentence, elle demeurera sans autre effet que celui d'acquérir cette peine à l'autre partie (2). (C. civ. 1989, 1997; pr. 1003, s. co. 50, 60, s.) 8. La faveur des sentences arbitrales n'empêche pas qu'on n'en appelle, et les appellations de ces sentences vont d'abord aux juges supérieurs, de qui il n'y ait point d'appel, soit au parlement, ou aux présidiaux pour ce qui est de leur compétence (3). 9. S'il y a appel d'une sentence arbitrale, ou que la sentence n'ayant pas été rendue dans le temps porté par le compromis, il demeure sans effet, une des parties ne voulant le proroger, c'està-dire le renouveler, et y donner aux arbitres un autre délai ou temps pour juger, les actes qui se trouveraient faits en exécution du compromis pour l'instruction, subsisteraient pour l'effet qu'ils devraient avoir; ainsi, par exemple, s'il y avait quelque reconnaissance d'une des parties sur la vérité d'un fait contesté, ou qu'il en eût été fait quelque preuve devant les arbitres, ces actes pourraient être produits en justice, et les juges y auraient l'égard que la qualité et la forme de ces actes pourraient mériter (4).

(1) L. 32, § 6, ff. de recept. qui arb. (2) L. 2, ff. de recept. (3) V. l'ord. d'août 1560, art. 1. (4) L. penul, in f. c. de recept. arb.

10. Toutes ces fonctions des arbitres, qu'on vient d'expliquer, ne pouvant convenir qu'à des personnes en qui il n'y ait point d'obstacles qui les en excluent, on ne peut prendre pour arbitres les personnes en qui il y aurait de pareils obstacles. Ainsi, les femmes, les sourds, les muets, et les autres, qui se trouveraient en de semblables incapacités, ne peuvent être arbitres (1).

Il semble par ce texte qu'il n'y ait que les impubères qui ne peuvent être arbitres, et qu'un adulte pourrait l'être après quatorze ans mais il est dit dans la loi 41, au même titre, qu'il faut avoir 20 aus; il est difficile que de pareils cas arrivent, mais s'il arrivait qu'un jeune homme de moins de vingt ans, , d'une capacité extraordinaire, eût été nommé arbitre, et eût rendu sa sentence, elle ne serait pas nulle dans notre usage comme elle l'aurait été à Rome par cette loi, et il n'y avait que la voie d'appel, car, par notre usage, les actes où il se trouve des nullités ne sont annullés que lorsqu'ils le sont en justice; et c'est ce qui fait qu'on dit que les nullités n'ont point de lieu en France.

SECTION II.

Des devoirs des arbitres.

On peut remarquer ici sur les devoirs des arbitres, que nous n'observons pas quelques règles de ces devoirs qui étaient établies dans le droit romain (2), et trois entre autres des plus singulières.

La première qui obligeait les arbitres après qu'ils avaient promis aux parties de juger leurs différends, à rendre leur sentence, et même on les y contraignait en justice par cette raison, qu'il aurait pu arriver qu'un arbitre ayant vu le fonds d'une affaire, et connu les secrets des parties, et tous leurs moyens, et voulant favoriser la mauvaise cause, ou étant corrompu par l'argent, ou par quelque recommandation, refusât de rendre sa sentence, et fit par-là tort à la bonne cause.

Par notre usage on n'impose pas aux arbitres une telle néces→ sité, et si l'arbitre était capable d'une telle corruption, ce ne serait pas un grand bien de le forcer à rendre une sentence dans de telles dispositions; et d'ailleurs, comme il peut survenir des causes qui obligent un arbitre à s'abstenir de juger, quoiqu'il eût promis, et mème des causes qu'il ne devrait pas être obligé d'expliquer en justice, quoiqu'il fût incapable de ces sortes de corruptions, on laisse la liberté d'exercer, ou ne pas exercer cette fonction, qui doit être libre, et on évite par là des inconvéniens qu'il est facile de voir; mais les arbitres ne s'engagent et n'acceptent les compromis que lorsqu'ils font quelque fonction de l'arbitrage qui est en leurs mains, et c'est toujours avec la liberté de s'en abstenir quand il leur plaira.

(1) L. ult. C. de recept. L. 9, § 1, ff. eod. L. 41, ff. de recept. L. 5, ff. de rec pt. (2) L. 3, § 1, ff. de recep. qui arb.

La seconde règle du droit romain, qui faisait un second devoir aux arbitres, et qui n'est pas de notre usage, était celle qui dans les cas où il n'y avait que deux arbitres nommés par le compromis ordonnait qu'ils fussent contraints par le magistrat de choisir un tiers, de qui le sentiment faisait la sentence si les deux ne s'accordaient point (1); ce qui ne serait pas approuvé dans notre usage, et blesserait même l'équité; car ceux qui compromettent ne veulent pas d'autres juges que ceux qu'ils choisissent eux-mêmes, et si les arbitres veulent prendre un tiers, ce ne peut être que du consentement des parties; et lorsqu'on nomme des arbitres en nombre pair, si on leur donne pouvoir de prendre un tiers, on y ajoute que ce tiers ne soit pas suspect aux parties, ce qui suppose qu'elles en confirmeront la nomination. (Co. 60.)

La troisième de ces règles est celle qui veut que celui qui devait être juge d'un procès ne puisse en être arbitre (2). Il est vrai qu'il est de la dignité d'un juge et de son devoir de ne pas s'abstenir de ses fonctions, ni se mettre hors d'état de rendre la justice dans les occasions de son ministère; et qu'ainsi un juge, qui devrait naturellement connaître d'un différend, en cette qualité, et non comme arbitre, doit demeurer dans cet état, et ne pas s'exposer à ne pouvoir dans la suite rendre la justice par des engagemens à un compromis, qui pourrait l'obliger à s'abstenir de ses fonctions de juge, soit par une récusation ou par d'autres suites de compromis; ainsi, cette règle est pleine de justice, et il y a même une ordonnance qui défendait aux présidens et conseillers de se charger d'arbitrages, d'affaires pendantes dans les cours, ou devant les juges inférieurs (3); ce qui semblait moins nécessaire que dans le droit romain, où chaque affaire n'avait pas le nombre de juges que nous avons en France, où les compagnies sont composées de plusieurs juges; mais cette ordonnance ne s'observe point, et on souffre dans notre usage que des officiers d'une compagnie soient pris pour arbitres des procès, dont ils doivent être juges, et on préfère à cette règle du droit romain le bien des accommodemens; et quoique les parties aient soin de choisir pour arbitres les plus habiles, et qu'il puisse arriver que l'affaire ne s'accommodant pas, elle se juge sans eux, ceux qui les auraient choisis pour arbitres ne peuvent l'imputer qu'à. eux-mêmes, et ils auront pour juges ceux qui resteront. Ainsi, quand on ne considérerait cet usage que par la vue du bien public, il ne semble pas qu'il y soit contraire; et la faveur des accommodemens peut l'autoriser.

On ne mettra pas dans cette section parmi les règles des engagemens des arbitres celui de la capacité; car, encore qu'il soit vrai que pour juger d'une contestation il faut savoir les règles

(1) L. 17, § 6, eod. (2) L. 9, § 2, eod. (3) V. l'ord... d'octobre 1535, chap. 1, art. 75.

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