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de la matière dont il s'agit, la capacité des arbitres étant de l'intérêt de ceux qui les choisissent, ils ne manquent pas de choisir ceux qu'ils estiment les plus capables; ainsi, on choisit d'ordinaire des juges ou des avocats; mais si, pour unequestion de droit, des parties avaient choisi d'autres personnes par la vue de leur bon sens et de leur probité, ces arbitres pourraient ou s'abstenir de juger, s'ils s'en reconnaissaient incapables, ou se faire instruire des difficultés, pour les entendre d'une manière dont les parties eussent sujet d'être contens, et d'en attendre une décision d'accommodement, que ces arbitres pourraient former, ou par leurs lumières, selon que l'intention des parties leur en donnerait des ouvertures, ou par le secours des personnes, dont les parties trouveraient bon qu'ils prissent l'avis; et on pourrait justifier un tel choix d'arbitres par le conseil même de saint Paul qui, pour si peu de chose qu'un bien tenporel, conseille aux fidèles d'en prendre plutôt pour juger les moindres d'entre eux, que de porter aux tribunaux des infidèles (1) des prétentions, dont aucune ne saurait être de la conséquence de la paix qui doit les unir; ainsi, il ne paraîtrait pas d'inconvéniens qu'un bourgeois, qu'un gentilhomme, on autre personne de bon sens et de probité, fût pris pour arbitre de questions de droit.

1. Quoique le choix des parties qui nomment les arbitres tienne lien de preuve qu'ils sont capables de juger les affaires qu'on met en leurs mains, c'est un devoir de ceux qui se trouvent nommés arbitres par un compromis de ne pas se charger de juger des matières qui passeraient leur capacité, et de faire entendre leur juste défiance aux parties, ou s'excuser par quelqu'autre voie (2), à moins qu'après leur déclaration les parties ne veuillent bien les avoir pour juges, et qu'ils ne prennent les mêmes pour s'instruire, et régler les différends par les tempéramens que les droits des parties et le bien de la paix peuvent demander. (Pr. 1003, s. 1016, s.)

2. Comme il arrive souvent que dans les compromis chaque partie nomme son arbitre, et le considère moins comme son juge que comme son avocat engagé à la défense de ses intérêts, et que par cette raison on nomme des surnuméraires, cette intention des parties n'empêche pas que ceux qu'elles nomment ne soient en effet arbitres, obligés à discerner les droits de part et d'autre, et à former en conscience leurs sentimens sur les différends qui sont à juger; ainsi, ce leur est un devoir de, ne pas se considérer comme arbitres pour une partie, obligés à juger plutôt en sa faveur qu'en faveur de l'autre, mais ils doivent se regarder comme médiateurs de la paix entre les parties; ce qui les oblige, dans le (1) 1. Cor. 6. 1, etc. (2) Deuter. 1. 17.

choix des tempéramens, à ne pas pencher, par acception de personnes (1), à diminuer plutôt des droits d'une des parties que de ceux de l'autre, mais d'avoir les mêmes égards à toutes les deux, et ne distinguer le plus ou moins de retranchement sur les droits de l'une des deux que par les vues des différences de ces mêmes droits, comme le feraient ceux à qui les parties seraient inconnues; car cette acception de personnes serait une injustice, que la liberté des tempéramens permis aux arbitres ne saurait

excuser.

Quoique ces textes regardent le devoir des juges, on peut les appliquer ici, puisque ceux qui sont nommés arbitres en exercent les fonctions. Il faut distinguer entre les considérations qu'un arbitre peut avoir pour une partie plutôt que pour l'autre, celles qui regardent la personne par la seule vue que l'arbitre a pour elle quelque attachement, soit à cause de ce qu'elle l'a nommé pour son arbitre, ou qu'il est son ami, et les autres semblables, et celles qui regardent dans les personnes la qualité de leurs droits, s'agissant, par exemple, d'une prétention d'une grosse somme de la part d'une partie riche contre une pauvre, et par un titre contentieux; les considérations de la première sorte sont une acception de personnes qui n'est jamais permise, car on ne peut jamais préférer en justice l'intérêt d'une personne à celui d'une autre, parce qu'on l'aime, qu'on l'estime, qu'on lui a quelque obligation, et cette vue est toujours injuste; mais ce n'est pas une acception de personne dans un arbitrage sur un droit douteux, si, pour le bien de la paix, on est obligé de prendre un tempérament, et qu'on penche plutôt a retrancher de la prétention d'une des parties que de celle de l'autre, à cause des différends que mettent entre elles, non l'affection de l'arbitre pour l'une et pour l'autre, mais la qualité de leurs prétentions et les circonstances, soit des personnes ou de leurs droits.

[5. Le droit des citoyens, de terminer définitivement leurs contestations par la voie de l'arbitrage, ne peut recevoir aucune atteinte par les actes du pouvoir législatif. (Décret, 3 sept. 1791, chap. 5.) — 210. Il ne peut être porté atteinte au droit de faire prononcer sur les différends, par des arbitres du choix des parties. (Const. 5 fructidor an 3.) 3. Il n'est point dérogé au droit qu'ont les citoyens de faire juger leurs contestations par des arbitres de leur choix; la décision de ces arbitres ne sera point sujette à appel, s'il n'est expressément réservé. (Loi, 27 ventose an 8.) - Les dispositions de ces lois, en matière d'arbitrage, sont remplacées par celles du code de procédure civile; v. art. 1003, s. 1010, S. 1027, et par celles du code du commerce; v. art. 51, s. 64.]

3. La liberté que peuvent avoir les arbitres de ne pas rendre la justice en rigueur, et d'apporter des tempéramens pour le bien de la paix entre les parties, a ses bornes et son étendue selon l'équité, et ne doit pas aller à des injustices sous prétexte d'accommodement; ainsi, c'est un devoir des arbitres d'user sagement des tempéramens, de les choisir tels dans les cas où l'é

(1) Deuter. 16, 19. Ibid. 1. 16. Deuter. 16. 20. Ibid. 1. 17. Levit. 19. 15. Eccli. 35. 16. Ps. 8. v. 2. 3 et 4. Deuter. 16. v. 18. 19, 20.

quité peut les demander, qu'ils ne blessent pas cette équité même par quelque excès, et de n'en mettre aucun dans les cas où la justice est due entière à des demandes si justes et si claires, qu'elles ne souffrent ni retranchement ni difficulté (1).

4. Comme il y a des matières qui ne peuvent être mises en compromis, ainsi qu'il a été dit dans l'article 6 de la section précédente, s'il y avait quelque compromis contraire à cette règle, il serait du devoir de ceux qui seraient nommés pour arbitres de s'abstenir de connaître de telles matières.

LIVRE III.

Des crimes et délits.

Nous n'avons dans notre langue aucun mot commun, qui comprenne en général et précisément tout ce qu'on entend par ces deux mots de crimes et de délits; car le mot de méfaits, qui pourrait signifier l'un et l'autre, n'est plus en usage; mais nonseulement nous n'avons pas de mot propre dont la signification comprenne les crimes et les délits, nous n'avons pas même de règle ni d'usage qui distingue précisément le sens du mot de délits de celui de crimes. (P. 1, 2.) Et quoiqu'on entende communément par le mot de crimes, un vol, un meurtre, un homicide, une fausseté et autres méchantes actions, qui méritent les peines de mort, de galères, de bannissement et autres grandes peines; et que le simple mot de délits s'entende d'ordinaire d'actions moins méchantes et moins punissables, mais qui peuvent mériter quelque peine, comme des injures, quelque blessure dans une querelle; on ne laisse pas d'user quelquefois du mot de délits, pour exprimer les plus grands crimes. Ainsi, l'on dit qu'un accusé à fait quelque disposition de ses biens après le délit, qu'un larron, un voleur, un meurtrier a été surpris en flagrant délit; mais on ne donne jamais le nom de crime à des injures, ni à des blessures dans une querelle; et on les appelle de simples délits. Ainsi, le mot de délit s'entend quelquefois des crimes, mais le mot de crime ne se dit jamais d'un léger délit. (P. 1, 3.)

C'est par cette considération du défaut dans notre langue d'un terme commun qui convienne à tous crimes et à tous délits, qu'on a intitulé ce livre : des crimes et des délits; et comme ces deux mots ont de différentes significations, mais qui ne sont pas assez distinguées; pour en donner une idée juste et précise, il a été nécessaire, avant que de parler des crimes et des délits, de faire cette première réflexion sur l'usage de ces deux mots; et il faut encore y ajouter que, dans le droit romain, d'où ces mots ont été tirés, ils n'y ont pas non plus leur signification propre à chacun, (1) 2. Paralip. 19. 6. Levit. 19. 35.

et qui ne convienne point à l'autre, mais souvent on les y confond; et il n'y a pas non plus dans le droit romain de mot juste et propre qui signifie exactement et précisément tout ce que signifient les deux mots et de crimes et de délits, sur quoi il serait inutile de s'étendre ici; mais il est nécessaire d'y remarquer une différence qu'on faisait dans le droit romain de deux sortes de crimes ou de délits qui les comprenaient tous, et les divisaient en deux espèces, qu'il faut entendre à cause du rapport qu'elles ont à notre usage.

La première de ces deux espèces de crimes ou de délits, était de ceux qu'on appelait publics; et la seconde de ceux qu'on appelait privés. Les crimes publics étaient ceux dont quelque loi avait permis à toute sorte de personnes de former l'accusation en justice, encore qu'on n'y eût aucun intérêt; et les délits privés étaient ceux dont la poursuite n'était permise qu'aux personnes intéressées. Ainsi, les crimes de lèse majesté, de péculat, de fausseté, d'adultère, et plusieurs autres étaient des crimes publics. Ainsi, les empereurs Arcadius, Honorius et Théodose mirent au nombre des crimes publics l'hérésie des Manichéens (1). Ainsi, au contraire, les injures, les libelles diffamatoires, le larcin, le stellionat, et quelques autres étaient des délits privés.

On verra dans la suite ce qu'il y a dans cette distinction des crimes publics et des délits privés, qui se rapporte à notre usage; mais il faut auparavant remarquer qu'encore que dans le droit romain on usât communément du mot de délits pour les délits privés, et du mot de crimes pour les crimes publics, on donnait le nom de crimes à des délits privés, et le nom de délits à toute sorte de crimes indistinctement. (P. 2, 3, 4.)

Le stellionat était un délit privé, et il est mis dans ce rang au titre 20 du 47° livre du digeste ; et dans le 34o titre du 9o livre du code, il est appelé crime, quoiqu'il soit dit dans la troisième loi de ce titre qu'il n'est pas un crime public.

Quoiqu'en quelques lieux les délits soient distingués des crimes comme dans le § 18 de la loi 17, ff, de Ædil. edit. où les délits sont opposés aux crimes publics, « quæcumque committuntur ex delictis non publicis criminibus. » On voit en d'autres lieux, que le mot de délit signifie toute sorte de crimes. Ainsi, dans la loi 2, ff, de re militari, tous les crimes des soldats sont appelés délits. Ainsi, dans la loi 131, S1, ff, de verb. signif., le mot de peine est défini comme un nom général, qui signifie le châtiment de toute sorte de délits; ce qui comprend bien évidemment tous crimes et tous délits, puisqu'ils ont tous leurs peines, « cum pœna generale sit nomén omnium delictorum coercitio. d. 1. »

Cette distinction du droit romain entre les crimes publics et les délits privés, a fait qu'encore qu'elle ne soit pas de notre

(1) L. 4. C. de hæret.

usage de la même manière que dans le droit romain, nous avons conservé ces expressions de crimes publics et délits privés dans un autre sens et un autre usage, dont il faut remarquer ce qui le distingue de celui du droit romain.

Dans le droit romain il n'y avait de crimes publics que ceux qui étaient déclarés tels par quelque loi (P. 3, 4.); et on les appelait crimes publics, parce que la punition en était importante au public, et que par cette raison quiconque voulait se rendre accusateur d'un crime de cette nature, y était reçu, comme l'on vient de le remarquer; et quoique la personne, s'il y en avait qui fût intéressée au crime, ne s'en plaignît point, l'accusateur pouvait poursuivre l'instruction du crime, et en faire les preuves, pour parvenir à la punition. (I. 29, 30, 31.) Et dans les délits privés il n'y avait que les parties intéressées qui pussent s'en plaindre, et en poursuivre la punition, comme il a été aussi remarqué, parce qu'on jugeait que la punition de ces crimes n'importait pas de même au public. Et on mettait dans ce rang le larcin, les libelles diffamatoires, l'enlèvement du bétail, le crime de ceux qui coupent des arbres en cachette, le stellionat et quelques autres.

Dans notre usage, personne n'a droit de poursuivre l'instruction et la punition d'un crime, que la partie intéressée et l'officier public chargé de ce soin; et c'est pour cet usage que, dans tous les tribunaux et dans toutes les justices, il y a des officiers dont l'une des fonctions plus importantes est la vigilance, et l'application à la punition des crimes, comme il a été dit en un autre lieu. Ce sont ces officiers qu'on appelle gens du roi, qui sont les avocats et procureurs généraux dans les cours supérieures, les avocats et procureurs du roi dans les bailliages, sénéchaussées (I. 22, s.), et autres justices, et les procureurs qu'on appelle fiscaux, ou procureurs d'office, dans les justices des seigneurs, comme il a été remarqué dans le même lieu; de sorte que ces officiers étant obligés par le devoir de leurs charges de poursuivre la punition de tous les crimes, dont la vengeance importe au public, on ne permet à aucun particulier de se rendre accusateur d'aucun crime, pour en poursuivre en son nom l'exécution; mais parce qu'il peut arriver que des personnes qui ont quelque connaissance particulière des preuves d'un crime et qui veulent par quelque motif s'intéresser à ne le plus laisser impuni, on leur permet de se rendre dénonciateurs, c'est-à-dire de dénoncer au procureur du roi qu'un tel a commis un tel crime, et lui marquer les circonstances d'où l'on pourra en tirer les preuves. Cette dénonciation, qui est écrite dans le registre du procureur du roi, et signée par le dénonçant (I. 31.), demeure secrète, sans que le procureur du roi fasse aucune procédure sous le nom du dénonciateur, ni qu'il le nomme dans aucun acte mais

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