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'si, par l'événement, l'accusé est justifié, le procureur du roi est obligé de lui nommer son dénonciateur, afin qu'il le poursuive sur la fausse accusation; et pour les accusateurs, qu'on appelle autrement plaintifs, qui sont les parties intéressées, ils sont nommés dans les actes de la procédure qui se font sous le nom et à la requête du procureur du roi, et sur la plainte et à la diligence de la partie plaintive, qu'on appelle partie civile, parce qu'elle n'agit que pour son intérêt civil: car il y a cette différence entre cet intérêt de la partie, et celui du procureur du roi, que toutes les démarches de la partie civile ne tendent à son égard qu'à obtenir une condamnation de dommages et intérêts, ou de réparation civile de la perte que le crime peut lui avoir causée; mais elle ne peut requérir que l'accusé soit condamné à la peine que le crime peut mériter envers le public, car c'est le ministère du procureur du roi de requérir cette peine, soit de mort, galères, ou autre; ce qui fait une police conforme à l'esprit de la religion chrétienne, qui met entre les mains du prince et de ses officiers, le droit de venger et punir les crimes (1), et qui défend la vengeance aux particuliers (2). Ainsi, notre usage est en cela différent du droit romain, qu'il ne laisse à aucun particulier la liberté de requérir la punition d'un crime, et il en est encore différent, en ce qu'au lieu que par le droit romain plusieurs crimes qui méritaient une punition publique n'étaient pas pour cela des crimes publics. Nous mettons au rang des crimes publics, et dont les procureurs du roi peuvent poursuivre la punition des crimes qui n'étaient pas publics dans le droit romain, comme le larcin, le crime des recéleurs, de larrons, ou de voleurs, de ceux qui coupent des arbres en cachette, de ceux qui s'attroupent pour commettre quelque violence, ou enlever quelque chose de force, l'enlèvement de bétail, le bris des prisons (3). Car il n'y a aucun de ces divers crimes, dont la justice ayant eu connaissance, le procureur du roi ne puisse poursuivre la punition, quoique la partie qui en avait fait sa plainte s'en désiste, ou s'accommode avec l'accusé.

Il a été nécessaire de faire ces remarques des différences de notre usage, et du droit romain sur les manières dout on considère les crimes et les délits en quelque sens qu'on veuille entendre l'un et l'autre de ces deux mots; et on peut maintenant juger qu'il importe peu, et qu'il ne serait pas même facile de donner une idée bien juste et précise de la distinction des crimes et des délits; et qu'il suffit de savoir que par notre usage on considère comme crimes et crimes publics tous crimes et tous délits dont il est important au public qu'ils ne demeurent pas

(1) Deuter. 32. 35. Rom. 3. 4. (2) Rom. 12. v. 17. 18 et 19. Matth. 5. v. 39. Eccli. 28. v. 1. 2. 3. (3) Tous ces divers crimes sont mis au rang des délits privés dans le 47 livre du Digeste. V. ci-dessus quelles sont les attributions du ministère public, p. 402 et suiv.

impunis, afin qu'ils ne se multiplient pas par l'impunité, et que les peines retiennent au moins quelques-uns de ceux qui ne s'en abstiendraient pas par d'autres motifs. Car, encore qu'il soit vrai que les plus grands supplices ne font cesser aucun crime, ils en diminuent la fréquence, et l'impunité serait suivie d'une multitude infinie de toute sorte de crimes; et c'est par cette raison que lorsque quelques crimes sont plus fréquens, on en aigrit les peines, et on en ordonne de plus grands supplices.

[Il ne suffit pas que nos lois sur l'instruction publique fassent espérer une grande amélioration, disait un célèbre criminaliste, M. Treilhard, orateur du gouvernement, en préparant le développement des vertus et des talens que la nature a placés dans nos ames; des réglemens sages dirigeront, il est vrai, le premier pas du citoyen dans la ligne de ses devoirs; il apprendra de bonne heure cette grande vérité, qu'il n'est pas pour ceux qui s'écartent de cette ligne, de vraie prospérité ni de bonheur durable. Mais, lorsque les barrières qui doivent nous séparer du crime sont une fois rompues, il faut qu'on se saisisse des méchans pour les ramener à l'ordre, s'il est possible, ou pour effrayer par l'exemple de leur punition tous ceux qui seraient tentés de les imiter. Voilà, MM., l'objet des lois criminelles; ils seraient imparfaits, ces monumens de législation que S. M. élève à la raison et à la philosophie pour le bonheur de l'humanité, si l'on ne trouvait pas des moyens de répression contre les pervers. Constater les atteintes portées à l'ordre social, convaincre les coupables, appliquer les peines, voilà le devoir du magistrat.]

C'est à cette punition des crimes et des délits que se rapportent toutes les règles de cette matière, et tout ce qui en sera dit dans ce troisième livre n'a son usage que par son rapport à cette punition, sans quoi la matière des crimes ne serait pas une matière des fois humaines, et elle n'aurait pour règles que la loi divine; sur quoi il faut remarquer les différentes manières dont l'esprit de la loi divine et celui des lois humaines regardent les crimes; car c'est en cette différence que consiste la distinction entre la conduite que doivent tenir les pasteurs de l'église, et les ministres de la puissance spirituelle à l'égard des crimes; et celle que doivent y tenir les ministres de la justice et de la puissance temporelle.

L'esprit de la loi de Dieu, qui prépare aux crimes qu'il n'aura pas remis en cette vie d'autres supplices que la mort, et que toutes les peines les plus sévères, tend à la correction des plus criminels, et à les ramener à leurs devoirs par un changement qui, de grands scélérats les rend de grands saints; et on en voit quelquesuns, ou qu'il dérobe aux peines des lois temporelles, pour en faire un tel changement, ou que même il touche au milieu des peines, comme il arriva à ce voleur, qui, au dernier moment de sa vie, fit de son supplice un passage au ciel. Mais la police des lois humaines, qui tend à régler la société des hommes, et à réprimer les entreprises qui en troublent l'ordre, a établi des peines pro

portionnées aux différens crimes, et celle de la mort même contre quelques-uns qui ne seraient pas assez réprimés par de moindres peines, et elle y ajoute même des supplices qui impriment plus de terreur que la simple mort; et comme cet usage des peines et des supplices a toujours été nécessaire dans la multi-tude des crimes qui ont toujours régné, on a vu dans les temps où il plut à Dieu de gouverner lui-même d'une manière visible le peuple qu'il s'était choisi, et de mêler le gouvernement spirituel et le temporel par sa loi divine qu'il donna à Moïse, il y établit la peine de mort contre plusieurs crimes (1). Mais lorsqu'il a envoyé son fils dans le monde pour faire succéder l'évangile à l'ancienne loi, il a séparé du ministère spirituel de la religion, l'usage de la peine de mort et des autres peines corporelles, et il l'a laissée aux puissances temporelles, pour maintenir autant qu'il se peut, l'ordre de la société.

On ne s'étendra pas davantage sur cette distinction de l'esprit de la religion, et de celui de la police temporelle, le lecteur peut voir ce qui en a été dit dans le chapitre 10 du traité des lois, et dans le titre 19 du premier livre du droit public. Il suffit de remarquer ici les causes de la nécessité de punir les crimes, sur quoi il faut premièrement distinguer deux sortes de crimes.

La première, de ceux qui, sans faire tort à personne en particulier, blessent l'ordre public, et troublent la société, comme les impiétés, les hérésies, les blasphemes, le désespoir de ceux qui se font mourir, et autres crimes, dont quelques-uns ne doivent pas même être nommés. Et la seconde, de ceux qui, outre qu'ils blessent l'ordre public, font tort à quelques personnes, comme le larcin, le vol, le péculat, la fausse monnaie, l'homicide, et autres. Les crimes de la première de ces deux sortes ne méritent qu'une simple peine, qui venge le public du crime, et qui châtie le criminel; et ceux de la seconde méritent, outre cette vengeance et ce châtiment, une réparation du donmage causé par le crime, comme la restitution de la chose dérobée, le désintéressement d'une veuve de qui le mari a été tué, et les autres semblables intérêts civils à qui ils sont dus. Ainsi, il y a deux sortes de peines pour cette seconde espèce de crimes: celle du crime sans rapport au dommage par la simple vue du châtiment qu'il peut mériter, et celle du dédommagement du mal causé par le crime.

Outre cette première distinction de ces deux sortes de peines, nécessaire pour entendre l'usage des peines dans l'esprit des lois, il faut remarquer une seconde distinction de quatre diverses espèces de ces châtimens, qui font la première des deux sortes de peines dont on vient de parler. La première, à commencer par les moindres, est celle des peines qu'on appellé pécuniaires, qui sont

(1) Levit. 24. v. 11, etc. v. Exod. 21. 23. 24. Deuter. 19.

bornées à une condamnation à quelque somme, d'une manière qui ne note pas d'infamie; et il faut mettre dans ce même rang de cette première sorte de moindres peines, les admonitions et corrections qui se font en justice, et qui ne notent pas non plus d'infamie. La seconde, est celle des peines qui regardent l'honneur, et qui notent d'infamie; comme une condamnation d'une amende envers le roi, et cette sorte de correction, qu'on appelle en justice blâme. La troisième, de celles qu'on impose à la personne, et sur le corps de l'accusé, comme le fouet, la flétrissure, l'amende honorable, le bannissement, les galères et autres peines corporelles, qui toutes emportent aussi l'infamie. Et la quatrième est des diverses sortes de derniers supplices ( P. 12.), par la corde, le feu, la roue et autres.

On peut juger par ces diverses sortes de peines, des diverses vues des lois qui les ont ordonnées. La première de ces vues, commune à toutes ces quatre sortes de peines, est de punir et venger le crime par la satisfaction publique imposée au criminel (1). La seconde, commune aussi à toutes peines, est de retenir par l'exemple des châtimens, ceux qui n'ont pas de meilleurs motifs pour s'abstenir des crimes (2). La troisième, qui ne convient qu'aux trois premières sortes de peines, est celle de la correction des criminels; car, encore que quelques-unes de ces peines aient une sévérité qui passe les bornes de la correction, elles renferment toutes l'effet d'une correction qui oblige les accusés à s'attendre à de plus grandes peines, s'ils tombent dans de nouveaux crimes; et il y a quelques-unes de ces peines qui sont des corrections dans la bouche des juges, lorsqu'ils font à quelques accusés des admonitions; car la fin de ces sortes d'admonitions n'est pas seulement de punir les accusés par la honte d'être repris en justice, mais aussi de les corriger et les avertir de changer de vie (3); et on peut ajouter pour une quatrième vue des lois dans les peines, celle de mettre les scélérats et les coupables de grands crimes hors d'état d'en commettre de nouveaux; ce qui ne convient proprement qu'à la peine de mort (P. 12. ), quoiqu'il y en ait d'autres qui peuvent avoir cet effet.

Quoiqu'il soit certain que la sévérité des peines diminue de beaucoup le nombre des crimes dans un état, et qu'à proportion que les lois apportent plus de précaution, et les officiers plus de diligence et d'exactitude à en faire la recherche et à les punir, il s'en commette moins; il faut reconnaître que ces remèdes n'empêchent pas que les crimes ne soient bien fréquens; car ils ne sauraient guérir les causes du mal, qui sont les différentes passions des hommes, si fortes en plusieurs et tellement maîtresses du cœur, que la vue mème des supplices ne les empêche pas de

(1) 1, Pet. 2. 14. (2) Deuter. 9. 20. (3) L. 19. C. ex quib. caus, in f. irr,

tomber dans les crimes dont ils voient la punition. Ainsi, ceux que l'avarice a engagés dans l'habitude du larcin, dérobent aux spectateurs d'un larron pendant le supplice; et les habitudes des autres crimes, les emportemens de la vengeance, et des autres passions, allument un feu que rien ne saurait éteindre, et qui éteint même toute vue des suites des crimes, et fait qu'on s'abandonne aux événemens tels qu'ils puissent être.

C'est de cette source qu'on voit naître tous les jours ces divers crimes, si fréquens surtout dans les grandes villes, où les occasions en sont plus fréquentes, et où il est plus facile de cacher les crimes, et de dérober les criminels à la vigilance des juges.

Cette fréquence des crimes est-elle donc un mal sans aucun remède, qui puisse au moins la diminuer? Et ne serait-il pas possible de rendre moins fréquens ceux qui le sont le plus, comme les larcins, les vols, les assassinats? Ne pourrait-on pas espérer, de l'exemple si grand et si singulier de la cessation des duels, la diminution de ces autres crimes, non par les mêmes voies qui n'auraient pas de rapport à un tel dessein, mais par d'autres, proportionnées aux causes du mal. Les causes de la fréquence des larcins, des vols, et des meurtres qu'on en voit suivre, sont la pauvreté jointe à la mauvaise éducation, la fainéantise, les méchantes habitudes, la débauche, et les déréglemens où se jettent ceux qui, de ces premières causes, viennent à ces crimes. La naissance en met plusieurs dans la pauvreté, la mauvaise éducation entretient la fainéantise, et l'habitude à ne rien faire conduit à faire le mal, qui ne peut plus être arrêté que par les forces de la justice qui viennent trop tard, et qui ne sont que comme des digues à un torrent, dont le cours surmonte.

Il semble donc qu'il serait d'une grande utilité dans un état d'y établir une police, pour y diminuer autant qu'il serait possible ces méchans effets, en diminuant leurs causes, qui sont l'oisivité, la pauvreté, la mauvaise éducation, qui multiplient les larcins, les vols, et les meurtres qui suivent les vols; car ce sont ces sortes de crimes qui sont les plus fréquens, et ils ne le sont que parce qu'ils naissent de ces trois causes communes partout; de sorte qu'il y a cette différence entre ces sortes de crimes et tous les autres, qu'encore qu'il y ait plusieurs autres espèces de crimes, comme de lèse-majesté divine et humaine, d'impiété, de blasphemes, de sortiléges, de séditions, de rebellion à justice, de fausse monnaie, d'homicides, et d'assassinats pour des querelles et des vengeances, empoisonnemens, de faussetés, de concussions, d'adultères, et autres, on voit autant ou plus de crimes de la seule espèce des larcins, des vols, et des meurtres que font les voleurs, que de toutes les autres espèces de crimes. Et il y a aussi cette autre différence entre ces crimes et tous les autres, qu'au lieu qu'il n'y a aucun remède pour prévenir la multitude des dif–

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