Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

la seconde espèce est celle des peines qui touchent particulièrement l'honneur; car, encore que toute peine détruise ou diminue l'honneur de celui qui est condamné, il y a des peines qui regardent singulièrement l'honneur, comme l'amende honorable et le blâme, et qui emportent l'infamie du condamné lors même qu'elle ne touche ni la personne ni le bien, comme est le 'simple blâme; et la troisième espèce de peines est de celles qui ôtent les biens, ou une partie, comme les restitutions, les réparations civiles, les amendes, et les confiscations.

Toutes ces peines ont cela de commun, qu'encore qu'elles ne regardent pas toutes directement l'honneur du condamné, il n'y en a aucune qui ne déshonore, et celles même qui sont les plus légères, comme l'aumône et l'admonition, et qui ne notent pas de cette infamie qu'on appelle de droit, et qui rend les condamnés incapables de certaines fonctions, ne laissent pas de flétrir, ou tacher l'honneur dans l'estime commune des hommes; et quelquefois on accumule les trois espèces de peines ensemble, comme en ceux qui sont condamnés à l'amende honorable, à la mort, et à la confiscation, qui suit toujours la peine de mort.

Les accusés peuvent éviter les peines en trois manières, par la justification, par la grace du prince, et par une abolition.

La justification ne décharge pas seulement de la peine, mais aussi du crime, et il ne faut aucune grace du prince, ni aucune indulgence du juge, pour celui dont le crime n'est pas prouvé, ou qui se justifie contre les preuves qu'il peut y avoir; et on l'absout ou par le défaut de preuves contre lui, ou par l'effet de celles qu'il allègue de sa part, et qu'il établit.

La grace du prince, qui serait superflue à ceux qui sont mal accusés d'un crime qu'ils n'ont pas commis, est nécessaire pour ceux qui ont commis un crime, qui, de sa nature, peut mériter le dernier supplice, ou qui se trouvent chargés de quelque espèce de complicité, mais qui se trouvent dans des circonstances qui peuvent mériter que le crime soit pardonné, et que le prince remette la peine. Ainsi, par exemple, si celui qui a commis un homicide, qui est un crime qui mérite la peine de mort, a tué sans dessein, par un événement fortuit, ou s'il a tué pour sauver sa vie, en se défendant de cette manière qu'on appelle dans la police une défense légitime, parce que dans l'ordre extérieur de la police on l'excuse, et qu'on lui pardonne, ou qu'il se soit trouvé d'intelligence avec celui qui a tué en sa compagnie, il faut qu'en ces cas le criminel ait recours au prince pour obtenir que le crime lui soit par lonné, et que la peine lui soit remise; ce qui fait bien voir la différence entre l'innocent qui n'a pas tué, et celui qui a tué, ou contribué à l'homicide, de quelques circonstances que l'homicide soit accompagné; puisque l'un est absolument sans

crime et sans faute, et que l'autre est tellement dans le crime, ou dans la faute, qu'il a besoin d'être pardonné.

L'abolition est nécessaire pour ceux qui sont convaincus, et qu'aucune circonstance ne peut excuser; car alors si le prince veut pardonner, il faut qu'il le fasse par une autre voie que par la grace et la rémission qui sont fondées sur les circonstances, et que, par sa volonté et son autorité absolue, il abolisse le crime et la peine par des motifs qui lui font préférer l'impunité à la punition, comme par le mérite du criminel ou la considération qu'il a pour sa famille, ou par d'autres vues, dont il ne doit rendre compte qu'à Dieu seul.

Comme les graces, les rémissions et les abolitions ne sont en usage que pour les crimes qui méritent de leur nature la peine de mort, on n'a pas mis au nombre des manières par lesquelles les accusés évitent les peines, la mort et la fuite; car il y a des crimes dont la mort ne finit pas les recherches et les supplices, et la fuite est elle-même une peine, et ne délivre pas de toutes les

autres.

LIVRE IV.

Deux manières de terminer les procès et les différends, et de l'ordre judiciaire.

Ce n'est pas assez, pour connaître et pour exercer la science du droit et des lois, de savoir à fond la nature, les principes et le détail de toutes les diverses matières qui font le sujet des contestations, des différends, des crimes et des délits, et toutes les divisions qui troublent la paix et l'union qui doit lier la société, mais il faut encore savoir les manières dont on juge et termine ces différends, ces divisions, et les affaires de toute

nature.

Il y a trois différentes manières dont on peut finir toutes sortes d'affaires et de différends entre particuliers, en comprenant sous ce mot de particuliers toutes sortes de personnes, sans en excepter même les communautés.

La première est l'accommodement volontaire que les parties font entre elles, ou par elles-mêmes, ou par l'entremise de leurs amis, de leur conseil, ou de quelque tiers, sans attendre aucun jugement.

La seconde est le choix de quelques personnes à qui elles donnent le pouvoir de régler et terminer leurs différends.

La troisième, qui devient nécessaire lorsque ceux qui ont quelque contestation, où l'un deux ne veut aucune des deux premières voies, est d'aller aux juges, soit qu'une partie y soit attirée, ou qu'elle veuille y attirer l'autre.

On ne met pas dans ce rang des manières de terminer les différends deux autres voies, qui semblent produire le même effet. L'une tyrannique, lorsque l'une des parties impose silence à l'autre par sa violence, et l'autre toute simple, lorsqu'une partie, aimant assez la paix et méprisant ce qui pourrait faire le différend, abandonne, non par négligence, mais par prudence et par vertu, ou ce qu'il pourrait demander, ou ce qu'on lui ravit injustement. Ces deux partis ne peuvent être mis au nombre des manières de terminer les différends; car l'un est un crime punissable, quoique très-fréquent et très-peu puni; et l'autre est une vertu si peu connue, que plusieurs lui donnent un autre nom, et que peu de ceux qui la connaissent veulent en user; et d'ailleurs la violence des uns et la patience des autres, ne rendant pas à chacun ce qui lui appartient, ne sont pas des manières de terminer les différends, non plus que l'impuissance de plaider, et les autres manières dont on peut abandonner son droit.

On a restreint ces trois manières de terminer les différends à ceux qui sont entre les particuliers, de quelque nature qu'ils puissent être; car, dans les crimes où l'intérêt public de la punition se trouve mêlé à l'intérêt des particuliers, quoiqu'ils puissent, pour ce qui regarde leurs intérêts, finir en celle de ces trois manières qu'ils voudraient choisir, ils ne peuvent toucher à ce qui regarde l'intérêt public; car l'officier qui en est chargé ne peut prendre que la seule voie de la poursuite en justice, parce qu'il n'est pas le maître de cet intérêt public, comme les particuliers. le sont des leurs propres pour en disposer; car cet officier étant obligé par son ministère de poursuivre la punition du crime, il ne peut être déchargé de ce devoir, qu'en poursuivant sans aucun accommodement et pardevant le juge, qui est le seul à qui l'intérêt public a été commis.

Ces trois manières de terminer les différends entre particuliers ont leurs noms, leurs natures, et leurs principes, tous différens. La première, qui est l'accommodement volontaire, dont les parties conviennent, s'appelle transaction, c'est-à-dire, un traité sur un différend ou commencé, ou à commencer, et qui le termine.

La seconde, qui est le choix d'une ou de plusieurs personnes qu'on prend pour juges, s'appelle arbitrage, parce qu'on appelle arbitres ceux qu'on prend pour juges, et à qui on donne le pouvoir de terminer le différend par une sentence, qu'on appelle par cette raison sentence arbitrale; et le traité par lequel on leur donne le pouvoir, et qui porte l'engagement des parties, s'appelle un compromis, parce que les parties se promettent mutuellement d'exécuter ce que les arbitres auront ordonné; et parce que les arbitres n'étant choisis que par de simples particuliers, n'ont pas l'autorité de vrais juges, qui exercent la fonction pu-

blique de juger, il a été nécessaire de donner à leurs sentences une autre force que celle de l'autorité publique, et qui fût proportionnée au pouvoir que les arbitres tiennent seulement des parties qui les ont nommés; et c'est par cette raison, qu'au lieu que les sentences des juges s'exécutent par la force naturelle que leur donne l'autorité, on supplée au défaut de l'autorité que les particuliers ne peuvent donner à ceux qu'ils choisissent pour leurs arbitres, par une autre voie qui dépend d'eux, qui est la convention d'une peine où ils s'engagent par le compromis, et que celui qui refusera d'exécuter la sentence, sera tenu de payer à l'autre de sorte que tout l'effet des compromis se réduit au paiement de cette peine (1), qu'on appelle par cette raison la peine compromissaire, et celui qui n'est pas content a le choix entre le paiement de la peine, et l'exécution de la sentence.

La troisième manière de terminer les différends et les procès, et qui est beaucoup plus fréquente que les deux autres, est le recours aux juges, qu'on appelle la voie de la justice: ce n'est pas qu'il soit plus juste de se pourvoir par cette voie, que de finir par un arbitrage, ou par une transaction; car, au contraire, il est infiniment plus conforme à la loi divine, et par conséquent plus juste, et d'ailleurs plus utile aussi, d'éviter cette voie, et de rechercher la paix au péril même de quelque perte, que de plaider et de s'engager dans les suites où conduisent tous les procès, qui sont également contraires à la charité et à l'amour propre. Mais on appelle cette troisième manière de terminer les procès et les différends la voie de la justice, parce qu'il est juste que l'autorité légitime juge et termine les procès et les différends que les parties n'ont pas voulu assoupir par une autre voie, et que ce doit être la justice qui accompagne cette autorité, et aussi parce que c'est la justice que les parties doivent attendre par cette voie, et qu'enfin, quand il arriverait que les derniers juges, qui ont l'autorité de mettre la dernière fin à tous les procès, rendraient un jugement qui serait injuste, il est juste d'y demeurer, et il n'y aurait rien de plus propre à introduire les rebellions et les séditions, et par conséquent rien de plus injuste que de laisser aux particuliers la liberté de résister à l'autorité, et de se rendre à eux-mêmes la justice qu'ils n'auraient pas trouvée dans le lieu où elle devait leur être rendue; et il n'y a que les souverains, qui, ne reconnaissant aucun supérieur commun à qui ils puissent demander justice, lorsqu'ils ne peuvent s'accorder, se trouvent naturellement engagés à la voie de la guerre, qui est une espèce de recours au jugement que Dieu, qui est seul leur maître commun, voudra rendre entre eux par l'événement qu'il donnera par le sort des armes.

(1) L. 2, ff. de recept.

Ce sont donc ces trois manières de terminer les procès et les différends par transaction, par arbitrage, et par la voie de la justice qui feront la matière de ce dernier traité; et parce que les matières particulières des transactions et des arbitrages ont peu d'étendue, et qu'il est naturel de ne venir à la voie de la justice, que lorsqu'un d'eux n'a pu réussir, ce traité général des manières de terminer les procès et les différends, et de l'ordre judiciaire, sera commencé par deux traités particuliers, l'un, des transactions, et l'autre des compromis et des arbitrages, et celui de l'ordre judiciaire sera mis ensuite.

On ne marquera pas ici les matières particulières, qui doivent entrer dans le traité des transactions et des arbitrages; car, outre qu'elles ont peu d'étendue, il suffit de donner ici ces idées générales, pour concevoir la nature et l'ordre des matières: mais, pour ce qui regarde l'ordre judiciaire, la multitude et la diversité des matières qu'il en fera, ont obligé à donner les idées nécessaires, pour en concevoir la nature, et en faire l'ordre.

Comme on a vu au commencement du partage général de toutes les matières du droit, qu'il faut considérer les personnes, les choses, et les manières dont les personnes usent des choses, il faut aussi considérer dans la matière de l'ordre judiciaire les personnes qui y ont part, les choses qui s'y passent, et les manières dont elles se passent.

Les personnes qu'il faut considérer dans l'ordre judiciaire sont les parties qui plaident, les juges qui doivent leur rendre justice, et tous ceux dont le ministère est nécessaire, ou pour agir pour les parties, et défendre leurs droits, ou pour leur faire rendre justice.

Les parties viennent en justice en quatre manières, qui donnent autant de noms différens à ceux qui plaident. Celui qui vient demander justice, et qui y en appelle un autre contre lequel il la demande, s'appelle le demandeur. Celui contre lequel on demande justice s'appelle le défendeur; et lorsqu'il arrive qu'un tiers prétend quelque droit sur la chose contestée entre le demandeur et le défendeur, et que sans appeler ni être appelé, il intervient pour son intérêt, on appelle l'intervenant; et lorsque celui à qui on demande, prétend qu'un autre est tenu pour lui, et le fait appeler pour le mettre en sa place et le garantir, ou que, sans ètre appelé, il s'offre lui-même, il devient partie, et on l'appelle garant et défendeur en sommation, c'est-à-dire, sommé de garantir. Ainsi, pour voir dans un seul exemple ces quatre parties, demandeur, défendeur, intervenant et garant; si Jean a vendu à Pierre un héritage qui appartient à Jacques, et que Pierre étant en possession, Jacques fasse appeler Pierre, pour lui rendre son héritage, et que Pierre fasse appeler Jean, qui le lui a vendu, pour le garantir, Jacques sera le demandeur, Pierre le défen

« VorigeDoorgaan »