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[v. 10.] Télémaque se rend aussi dans l'assemblée en tenant une lance d'airain.

Madame Dacier traduit : « Télémaque se rend au milieu d'eux, << tenant au lieu de sceptre une longue pique (1).» Les mots au lieu de sceptre ne sont point dans le texte. Ici madame Dacier ne traduit pas Homère, mais Eustathe, qui dit qu'au lieu de sceptre Télémaque s'arma d'une lance pour se défendre de ses ennemis (2). D'ailleurs cette conjecture, qui peut à la rigueur se trouver dans un commentaire, ne me paraît pas très-fondée. Les anciens héros ne prenaient le sceptre qu'au moment où ils parlaient, et le quittaient quand ils avaient terminé leurs discours (3). Aussi voyonsnous un peu plus loin que Pisenor remet le sceptre entre les mains de Télémaque au moment où celui-ci s'adresse à l'assemblée des Ithaciens (4).

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[v. 52-3.] Ils [les prétendants] refusent même de se rendre dans la maison de son père Icare.

D'après la tradition commune, Icare, ou plutôt Icarius, père de Pénélope, était Lacédémonien (5). Cependant comme il n'en est nullement question dans le voyage de Télémaque à Lacédémone, Aristote, s'appuyant d'une ancienne tradition des Céphaléniens, dit que le père de Pénélope était de Céphalénie, et qu'il se nommait Icadius, et non Icarius (6). Dacier soutient au contraire, sur l'autorité de Strabon (7), qu'Icarius était bien réellement de Lacédémone, mais qu'en ayant été chassé par Hippocoon, il s'empara de l'Acarnanie, la partie du continent qui est la plus voisine de l'île d'Ithaque, et qu'il se trouvait dans ce pays lorsque Télémaque

(1) L'Odyssée, trad. par mad. Dacier, t. I, p. 118, éd. de 1716. (2) P. 1430, l. 44.

(3) Voyez les obs. sur le v. 567 du XXIII ch. de l'Iliade.

(4) V. 37 de ce chant.

(5) Pausan., 1. III, c. 20. Apollodori Bibl. III, c. 10, § 8 et 9. (6) Arist. de Art. poet., c. 26, p. 277, ed. Bip.

(7) L. X, p. 461.

se rendit à Lacédémone (1). D'autres critiques vont plus loin, et soutiennent d'après ce passage que non seulement Icarius n'était pas de Sparte, mais qu'il habitait Ithaque. En effet, Télémaque dit ici się olxov, dans la maison, et si son grand-père avait été étranger, il aurait dit πρὸς τὸ ἄστυ, ou bien πρὸς τὴν γαῖαν, dans la ville ou dans le pays habité par Icare (2). Ces mêmes critiques ajoutent : « Comment Eumée, qui chérissait si tendrement ses maîtres, aurait<«< il dit, au quatorzième chant, v.68: Plut aux dieux que toute la race «ď'Hélène eût péri jusque dans sa source; car Hélène étant la fille de « Tyndare, frère d'Icarius, Pénélope se serait trouvée comprise « dans l'imprécation, si elle eût été la fille de ce même Icarius (3).» Enfin ils observent qu'au quinzième chant, v. 16, lorsque Télémaque est encore à Sparte, Minerve l'engage à hâter son retour, parce que le père et les frères de Pénélope la pressent d'épouser Eurymaque (4), ce qui prouve bien que les parents de cette princesse habitaient auprès d'elle. Au reste, cette raison n'arrête pas ceux qui soutiennent qu'Icare et ses fils résidaient dans l'Acarnanie (5); sans doute à cause de la proximité des deux pays. Mais il serait difficile de rien affirmer touchant ces traditions qui déja, sans doute, étaient fort incertaines quand les premiers chanteurs commencèrent à célébrer les retours (6).

[v. 60-1.] Tel que je suis, je ne puis me défendre; un jour je leur serai terrible, quoique je ne sois pas instruit à la guerre.

Le sens de cette phrase n'est pas sans difficulté. Voici la note de madame Dacier à ce sujet : « Il m'a paru qu'on a toujours mal «<expliqué ce vers:

ἢ καὶ ἔπειτα

λευγαλέοι τ' ἐσόμεσθα.

(1) Poët. d'Arist., trad. par Dacier, p. 515-6, in-12. 1733.

(2) Sch. ed. Buttmanno in Odyss. 6', 52.

(3) Ead. schol.

(4) Ead. sch.

(5) Voyez Strabon et Dacier aux endroits cités.

(6) Voy. l'Hist des poésies homér., p. 34 et p. 41 et suiv.

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« Car on l'a expliqué et je suis encore foible, mais ce n'est point « du tout le sens ; c'est une parenthèse. Après que Télémaque a « dit : je ne suis pas encore en áge de m'y opposer, il adjoute, comme «par une espèce d'inspiration, mais il viendra un jour que je leur paroistrai terrible. Asuyaλéo, signifie foible, exposé aux injures, mais «< il signifie aussi terrible, pernicieux, et il est ici dans cette dernière signification; le mot éñeɩta seul le prouve. Cela donne beau-coup de force au discours de Télémaque, et est très-propre à en« courager ses sujets (1).» Clarke combat cette opinion, et pense que la conjonction xxì qui suit s'oppose à l'explication de madame Dacier (2); mais on peut supposer que xai est là pour xaíñep, quoique; d'ailleurs il restera toujours ἔπειτα, et le futur ἐσόμεσθα, qui ne peut s'entendre que d'une chose à venir. Au reste, il faut avouer que la suppression de ces deux vers faciliterait bien la narration. Dans ce cas, il faudrait lier ainsi les phrases: Il n'est point de héros qui, tel qu'Ulysse, puisse écarter la ruine de ma maison. Comme je les repousserais, si j'en avais la force!» Observez sur ces deux vers que Télémaque y parle au pluriel, quoique dans tout le reste du discours il emploie le singulier; observez aussi que la triple répétition du même verbe en quatre vers, ἀμύναι, ἀμυνέμεν et ἀμυναίμην, peut paraitre une négligence.

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[v. 78.] Je vous redemanderais mes richesses.

Knight observe que le mot xpriuata, richesses, ne se trouve point dans l'Iliade, où, pour exprimer la même idée, le poète emploie le mot plus général de xtrμata, possessions, et il en conclut que l'Iliade est plus ancienne que l'Odyssée (3). Cette réflexion est ingénieuse et juste, car l'expression de l'idée générale a dû de toute nécessité précéder celle des idées secondaires, qui en résultent directement. Knight donne plusieurs autres raisons de l'antériorité de l'Iliade; je les ai rapportées aux endroits cités par

(1) L'Odyssée, trad. par mad. Dacier, t. I, p. 159.

(2) Not. in h. v.

(3) In prolegom. § 43.

le critique (1). Cependant j'observerai que les Prières, les Heures ne sont jamais personnifiées dans l'Odyssée, et qu'elles le sont dans l'Iliade (2), ce qui me paraît annoncer une mythologie plus récente. Il est fort difficile de rien avancer de positif à ce sujet; certains passages prouveraient que l'Iliade est plus ancienne, d'autres que c'est l'Odyssée; et peut-être cela tient-il à ce que dans l'un et l'autre poëme on trouve des rhapsodies qui appartiennent à une antiquité plus ou moins reculée.

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[v. 120.] Alcmène, Tyro, l'élégante Mycène.

La plupart des éditions écrivent ici ἐϋπλόκαμός τε Μυκήνη; mais comme au vers précédent on trouve ἐϋπλοκαμίδες Αχαιαί, et que ces deux adjectifs semblables si rapprochés sont d'un mauvais effet, Wolf et Boissonade se sont crus suffisamment autorisés par divers manuscrits, par les petites scholies et une citation de Pausanias (3), à substituer lüoréçavos à éümλóxaμoç. Au reste, toute cette phrase depuis le vers 115 est longue et d'une interprétation pénible. Knight supprime ici quatre vers, 119-22, mais ce retranchement ne remédie pas à la difficulté, car il laisse le sens suspendu, et le vers 115,

εἰ δ ̓ ἔτ ̓ ἀνιήσει γε πολὺν χρόνον υἷας Αχαιών,

«si long-temps encore elle trompe les fils des Grecs, » exige un verbe qui se trouve supprimé dans le texte de Knight. Toutefois il a raison de regarder comme un signe d'interpolation le mot Ayatal, au lieu de Åxaides, qui est la véritable expression homérique (4).

[v. 132-3.] Mais toujours éprouverais-je un grand

(1) Voy. les obss. sur le v. 328 du XVIIIo ch. de l'Odyssée.

(2) Cf. Iliad. ', 749; t', 502.

(3) Corinth., lib. II, c. 16.

(4) Knight, Not. in Odyss. 6', 119-22.

dommage pour m'acquitter envers Icare, si c'est moi qui veux renvoyer ma mère.

Eustathe nous apprend que d'anciens critiques (oi malacoi), trouvant qu'il était indigne à Télémaque de ne vouloir renvoyer sa mère que parce qu'il serait obligé de rendre sa dot, ponctuaient différemment ce passage, et lisaient ainsi :

· . . . κακὸν δέ μs πολλ ̓ ἀποτίνειν,

Ικαρίῳ αἰκ ̓ ἀυτὸς ἑκὼν ἀπὸ μητέρα πέμψω (r).

C'est à dire «Il me serait funeste, et les dieux me puniraient, « si je voulais renvoyer ma mère à son père Icare.» Aucun éditeur n'adopte cette ponctuation; tous placent la virgule après Ixapío, et non après άоτívatν, avec grande raison; l'autre leçon appartenait sans doute à quelques grammairiens d'Alexandrie qui avaient l'habitude de juger les mœurs héroïques d'après celles de leur siècle.

[v. 136-7.] L'indignation des hommes pèserait sur moi. Non, jamais je ne prononcerai cette parole.

Aristarque retranchait le vers 137 comme inutile (2). Knight le retranche aussi. Je ne doute pas qu'il n'ait été ajouté par quelque grammairien qui aura cru que le verbe oosta: était nécessaire pour compléter la phrase.

[v. 154.] Ces oiseaux s'envolent à droite, et s'éloignent de la ville.

S'envolent à droite, c'est-à-dire du côté de l'orient, ce qui était d'un heureux présage, ainsi que l'explique Eustathe, qui justifie

(1) Eustath. p. 1438, l. 29 et suiv. Cf. brev. schol. in eumd. v. 132. (2) Cf. Sch. edit. a Buttm. in Odyss. 6', 134 et 137. Ernesti a connu la scholie qui se rapporte au v. 134; il la cite dans son édit. v. 137.

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