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OBSERVATIONS

SUR LES

HYMNES, POÈMES ET FRAGMENTS

ATTRIBUÉS A HOMÈRE.

HYMNE I. A APOLLON.

[v. 1.] Je me ressouviendrai, je n'oublierai point Apollon.

Le texte des hymnes, comme celui de la Batrachomyomachie, présente de graves difficultés, sans doute parce que ce texte n'a pas été fixé d'une manière positive par les grammairiens d'Alexandrie, comme celui de l'Iliade et de l'Odyssée. De nos jours, Ilgen, Matthiæ, Hermann, Franke ont publié des travaux fort estimables sur les hymnes homériques. Ils ont signalé quelques interpolations et de nombreuses lacunes que Wolf avait aussi remarquées; mais ces conjectures, plus ou moins ingénieuses, souvent indiquent le mal sans y remédier. Je m'en suis donc tenu, comme dans les autres poèmes, à l'édition de M. Boissonade qui, du moins, donne presque toujours un sens suffisant.

Ces hymnes sont-ils d'Homère, ou du moins des temps homériques? Je ne le suppose pas. Je les crois plus modernes que l'Iliade et l'Odyssée. On y trouve plusieurs différences de mœurs et d'expressions; et je serais assez porté à croire qu'ils remontent au moment où le culte des divinités prit dans la Grèce proprement dite un caractère plus sacerdotal, par suite des communications

de la péninsule avec les côtes de l'Asie mineure (1). L'hymne à Apollon se rattache à une révolution religieuse dans le Péloponnèse, et la fin de cet hymne présente, sous ce rapport, des détails extrêmement remarquables.

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[v. 19.] Comment vous honorer, ô Phébus, digne de toutes les louanges?

Πῶς τ' ἄρ σ' ὑμνήσω, πάντως εὔυμνον ἔοντα;

Nous n'avons pas en français le verbe du substantif hymne, et j'ai employé l'expression générale d'honorer. Il faut observer que ce verbe iuvaiv n'existe pas non plus dans l'Iliade et dans l'Odyssée. Je ne doute pas que ce ne soit à cette expression qu'on doive la dénomination d'hymne donnée à ces chants qui sont bien plutôt des récits que des vers à la louange d'un dieu, comme l'exprime notre mot hymne et le mot grec ὕμνος.

[v. 42.] Cos, ville des Méropes.

Je traduis la ville des Méropes, parce que, à l'exemple de presque tous les éditeurs, Wolf et Boissonade écrivent Meρónov par une capitale, pour faire entendre qu'il s'agit ici d'un nom de peuple, et non pas d'une épithète. En effet, il paraît, par plusieurs autorités, que l'ile de Cos avait eu anciennement le nom de Méropis, et ses habitants celui de Méropes (2). Cependant je crois que ce surnom donné à l'île et à la ville de Cos est postérieur aux temps homériques; on n'en trouve aucune trace dans les passages de l'Iliade où il est parlé de la ville de Cos (3); et je serais fort tenté de croire que même l'auteur de l'hymne emploie ici μερόπων comme epithete d' ἀνθρώπων, ainsi que cela se

(1) Voy. les obss. sur le v. 39 du premier ch. de l'Iliade.

(2) Strab. XV, 686. Callim. in Del. 160. Steph. Byz. in voc. Μέρωψ. Thucyd. VIII, 41. Anton. Liber. XV. Lucas Holst. in Steph. Byz. voc. Κως, etc.

(3) Cf. Iliad. E, 255; c', 28.

rencontre en mille autres passages de l'Iliade ou de l'Odyssée (1). Ainsi il est bien possible que πόλις μερόπων ἀνθρώπων, ville des hommes qui ont la parole en partage, signifie seulement que la ville de Cos était très-populeuse, Aussi Homère lui donne-t-il ailleurs l'épithète de súvacuévrv, bien habitée (2). Observez, à l'appui de cette opinion, que l'on trouve assez souvent dans l'Iliade le mot äv♪pes joint à un nom de peuple (3), mais jamais le mot avoρwo. Toutefois, si Meрónov est ici un nom de peuple, c'est une nouvelle preuve que cet hymne est beaucoup moins ancien que les poésies homériques.

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[v. 58-60.] Si long-temps ce roi te féconde, et que les dieux te protégent, sans cesse pour toi s'élèvera la fumée des sacrifices que t'apporteront les étrangers, parce que ton sol n'est pas fertile.

J'adopte avec M. Boissonade la correction d'Hermann pour le vers 59. Mais Hermann, tout en corrigeant ce vers, le renferme entre deux parenthèses, ainsi que le vers suivant. Je crois que ces deux vers peuvent être conservés, et qu'en suivant la ponctuation de mon édition, ils offrent un sens satisfaisant, sans avoir recours à la supposition des lacunes indiquées dans l'édition de Wolf.

[v. 73.] Et que, me frappant de son pied, il ne me précipite dans la mer.

Tous les interprètes rendent les mots πισσὶ καταςρέψας par m'arrachant de ma base. J'ai suivi l'interprétation de Boissonade, qui explique ici qu'Apollon précipitera l'ile d'un coup de pied dans la mer (4).

(1) Voyez l'index de Sébérus au mot μɛpóжwv. (2) V. citt. et d'.

(3) Ανδράσι Πυγμαίοισι (Iliad. γ', 6). Κιλίκεσσ ̓ ἀνδράσιν (Iliad. ζ' 397). Παίονας ἄνδρας (Iliad. φ', 155). Θρήκες ἄνδρες (Iliad. ω', 234). Observons ici que l'auteur de l'hymne écrit Koos comme Homère, tandis que les auteurs plus modernes cités plus haut écrivent tous Kō; par contraction. (4) Notul. in h. v.

[v. 94.] Thémis qui poursuit le coupable.

Tel est le sens de l'adjectif ixvain, donné à Thémis, dérivé du verbe izvaobat, poursuivre, rechercher la trace. Cependant, selon Étienne de Byzance, Thémis n'aurait été ainsi nommée que parce que Jupiter la poursuivit (1). Quelle que soit l'étymologie de cette épithète, j'observerai qu'elle n'est point dans le goût d'Homère. J'ai déja eu l'occasion de dire que jamais le poète n'a considéré Thémis comme déesse de la justice (2).

[v. 97.] Cependant la seule Ilithye, déesse des accouchements, ignorait cette nouvelle.

Ici comme dans l'Iliade c'est Ilithye qui préside aux accouchements. Mais, si cette mythologie est encore celle d'Homère, tous les détails relatifs à l'accouchement de Latone et à la naissance d'Apollon n'appartiennent point à notre poète, qui ne parle jamais de l'origine des dieux (3).

[v. 120.] Aussitôt, divin Phébus....

Le grec porte ïa Poïbe, ce que les interprètes rendent par jaculator Phœbe, en faisant dériver l'épithète de inut, lancer. Aussi Aristarque voulait-il qu'on écrivît ce mot avec l'esprit rude. D'autres au contraire l'écrivaient avec l'esprit doux, en le dérivant de laos, guérison (4). Les petites scholies, dans un passage de l'Iliade où la même épithète est appliquée à Phébus, rejettent l'étymologie ⚫ de laos, parce que, dit le scholiaste, ce n'est pas Apollon, mais Péon, qui est le médecin des dieux dans l'Iliade (5). Cela est vrai pour l'Iliade, mais non pour l'hymne à Apollon, puisque plus loin

(1) Voc. Ïxva!.

(2) Voyez les obss. sur le v. 87 du XVe ch. de l'Iliade.

(3) Voyez les obss, sur le v. 197 du premier chant de l'Iliade.

(4) Etym. magn. voc. ini.

(5) Iliad. o', 365. Cf. Iliad ', 152.

cette divinité est nommée Inańwv (1), nom du dieu de la médecine. Par ce mot ʼn Ilgen veut qu'on entende une simple exclamation.

[v. 123.] Latone n'allaita point Apollon au glaive

étincelant.

J'ai traduit pusźcpa par au glaive étincelant. Cependant quelques interprètes veulent qu'on entende ici le baudrier qui servait à porter le carquois ou même la lyre; car, disent-ils, Apollon était un dieu pacifique (2). Matthiæ a traduit aureo telo insignis; ce qui ne peut s'entendre de ses flèches. Ilgen observe que dans Homère cet adjectif est de la seconde déclinaison xpusάopcs, et non imparisyllabique, χρυσάωρ. II remarque aussi que θήσασθαι signife téter, et non pas allaiter; ce verbe s'applique aux enfants, mais non pas à leurs mères (3). Par ces divers motifs Ilgen tient ce vers pour suspect.

[v. 146.] Mais, ô Phébus, Delos est le lieu le plus cher à votre cœur.

Ce vers et les quatre suivants sont cités par Thucydide comme étant d'Homère (4). Cela prouve-t-il que cet hymne soit de notre poète ou même appartienne à l'antiquité homérique? Non, sans doute. On ne peut en conclure autre chose, sinon que déja du temps de Thucydide une sorte de renommée les attribuait à Homère; et l'historien, sans prétendre établir aucune autorité critique, admet la chose comme elle était racontée généralement.

[v. 151-2.] Si quelqu'un survenait, quand les Ioniens

(1) V. 272.

(2) Brev. sch. in Iliad. c', 256.

(3) Iliad. ', 58.

(4) Lib. III, § 104.

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