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Gravure d'après P. BRUEGHEL (le vieux), Rijks Museum, Amsterdam.

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1 était autrefois un dicton populaire en Hollande: en parlant d'un individu, dont l'équilibre mental paraissait dérangé, on disait communément de lui:,,Il a une pierre dans la tête." La locution remonterait, parait-il, aux romans du roi Arthur; les gens du peuple l'employaient couramment, et, dans les farces jouées en plein air, les acteurs ambulants avaient coutume de l'appliquer au personnage qui remplissait le rôle d'un sot naïf et ridicule.

L'idée qu'un corps étranger logé dans le cerveau peut être la cause des, dérangements de l'esprit, se retrouve d'ailleurs dans le langage populaire de tous les pays. On dit, en France, d'un fou ou d'un déséquilibré, qu'il a un grain", „,un hanneton dans la cervelle", ,,une araignée dans le plafond", etc.

Et, de fait, certains aliénés semblent donner raison au proverbe. Nous avons eu l'occasion d'en observer plusieurs qui prétendaient avoir la tête remplie de caillous, d'insectes,,,d'araignées," de,,nids de perce-oreilles," etc., et qui mettaient sur le compte de ces parasites imaginaires la céphalée dont ils souffraient réellement.

Ces exemples ne sont pas rares et leur bizarrerie même les fait retenir du vulgaire. Par une pétition de principes, dont il est coutumier, il prend ici l'effet pour la cause: il croit que la pierre engendre la folie, tandis qu'en réalité l'idée de cette pierre n'est que le résultat d'une véritable conception délirante.

Les préjugés s'accréditent aisément; celui-ci fit fortune. Un corollaire thérapeutique en découlait logiquement: pour guérir le malade de sa folie, il fallait le débarasser du corps étranger enfermé dans son crâne.

Ainsi devait naître la pensée d'extraire les pierres de la tête. Il n'en fallut pas davantage pour tenter une foule d'empiriques audacieux qui résolurent d'exploiter à leur profit la crédulité populaire, en se posant comme Arracheurs de pierres de tête.

Ces adroits imposteurs ne furent pas aussi imaginaires que les pierres mêmes qu'ils prétendaient extraire.

Barbiers, rebouteur, descendants des mires et des mèges du moyen âge, charlatans, colporteurs de drogues, toute une bande de ces chirurgiens interlopes abuseurs, coureurs et larrons", dont parle Ambroise Paré, se mirent à pratiquer une opération qui promettait de fructueuses recettes.

Car les clients ne manquaient pas: Les maladies mentales et les affections nerveuses permettaient d'en recruter à foison.

En dehors des aliénés, des épileptiques, des hystériques etc., combien de névropathes sont disposés à assigner les causes les plus bizarres aux douleurs dont ils souffrent, comme aussi à subir tous les traitements qui leur sont proposés. Les neurasthéniques, pour se débarasser du „,casque" qui les écrase, les migraineux pour sauver leur tête qui semble „éclater", ceux qui sont atteints de nevralgies faciales, tenaces, exaspérantes, et tant d'autres simples déséquilibrés ou nevrosés, sont toujours prêts à s'abandonner entre les mains de ceux qui leur promettent, le plus souvent à tort, de faire cesser leur torture. Les Arracheurs de pierres connaissaient à merveille le pouvoir de leurs alléchantes promesses de guérison et ils ne se firent pas scrupule d'en user et d'en abuser à l'occasion.

A grand renfort de parade, dans un bizarre accoutrement, parlant haut, et payant d'audace, ils débitaient, sur les places publiques, leurs boniments pompeux, entremêlés de mots barbares et de termes techniques, exaltant leurs cures miraculeuses, exhibant des parchemins crasseux et des pièces à conviction. On accourait au bruit, on écoutait la tirade, on souriait, on hésitait, puis quelqu'un se décidait et après celui-ci un second, un troisième, toute une troupe.

D'autres opéraient à demeure dans des officines où l'on ne chômait pas. Les femmes elles-mêmes aux jours de grande presse, extrayaient les pierres de tête."

Et la clientèle affluait toujours.............

Aussitôt assis sur le fauteuil opératoire, la chaière des barbierschirurgiens, le client était empoigné par un aide, les bras, les jambes, le corps solidement ligottés; au besoin, on lui bandait les yeux.

Doctoral et sûr de lui, le chirurgien, armé d'un long bistouri, faisait au front une légère entaille. Le patient hurlait de douleur, se débattait, voulait s'enfuir..... peine perdue: les liens et les aides paralysaient ses mouvements.

Cependant l'opérateur, saisissant une énorme pince, faisait mine de la plonger dans la plaie; mais, en même temps, approchant son autre main à demi fermée, il glissait dans les mors de la pince une pierre qu'il dissimulait entre ses doigts.

Un simple tour de passe passe, un jeu d'enfant pour un prestidigitateur expérimenté, donnait l'illusion d'une extirpation chirurgicale. La pierre était là: on pouvait la voir, la toucher; le patient aveuglé par le sang, ahuri par la douleur, restait convaincu que ce maudit caillou sortait véritablement de son crâne. Et même, il se disait soulagé.

Un linge enduit de quelque onguent, serré autour du front, suffisait à panser cette légère entaille.

Tant de naïveté chez le malade, tant de cynisme de la part de

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» LES PIERRES DE TÊTE «

Tableau de JAN STEEN, peintre hollandais, (XVIIe siècle).

Musée Boijmans, à Rotterdam.

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