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une sorte de mésintelligence parut s'élever entre ses soldats et ceux des autres divisions de l'armée de Bonaparte; mais l'amour de la patrie et celui de la gloire réunirent bientôt ces braves, qui se distinguèrent également au passage du Tagliamento, et à la prise de Gradisca, que Bernadotte, soutenu par le général Serrurier, enleva de vive force le 19 mars. Le 24, il s'empara de Trieste, et fit arrêter à Venise le comte d'Antraigues, attaché à la légation russe. Ce personnage, renommé par son esprit d'intrigue, correspondait avec tous les ennemis de la France. Ses papiers furent envoyés au directoire, et ce fut, dit-on, leur examen qui décida la journée du 18 fructidor. On sait qu'à cette occasion les armées envoyèrent des adresses au directoire. Ce fut le premier essai de l'intervention de la force-armée dans le système du gouvernement, et il est remarquable que c'est Bonaparte qui en fut l'auteur. Bernadotte hésita quelque temps avant de suivre cet exemple. Le général en chef lui envoya, par son aide-de-camp Croisié, l'ordre d'assembler sa division, et de faire signer une adresse semblable à celles des divisions Masséna, Augereau et Joubert. On lui fit observer que son refus ferait croire à une mésintelligence entre les généraux, et que les ennemis de la république ne manqueraient pas d'en tirer parti. Bernadotte, cédant à ces considérations, envoya une adresse, non au général en chef, mais au directoire, et cette adresse ne ressemblait point à celles

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des autres divisions. Il partit ensuite pour Paris, avec la mission de présenter au directoire les drapeaux enlevés, à Peschiera, après la bataille de Rivoli. Les éloges mérités que le général en chef faisait de Bernadotte, ses qualités personnelles, ses sentimens patriotiques, firent concevoir de lui de grandes espérances. A l'époque de son arrivée à Paris, Marseille était livrée à l'anarchie; la réaction royaliste y faisait couler des flots de sang; Bernadotte fut envoyé dans cette malheureuse ville comme commandant la division militaire, et il parvint à y rétablir l'ordre. Bientôt après il alla reprendre son poste en Italie. Après le traité de Campo - Formio, il refusa de suivre Bonaparte à l'armée d'Angleterre. Les vues ultérieures de ce général étaient déjà soupçonnées; le directoire lui-même avait des craintes ; et, pour avoir un général en chef en qui il pût avoir confiance, il donna à Bernadotte le commandement de l'armée d'Italie, laissé à Berthier par interim. Pendant que Bernadotte se rendait à son quartier-général, il reçut à Véronne une lettre de Bonaparte, qui lui mandait que bien qu'il eût vivement désiré l'avoir avec lui à l'armée d'Angleterre, il ne s'était pas opposé à sa nomination, parce qu'il espérait qu'il éclairerait les nouveaux républicains d'Italie, et leur donnerait une bonne direction. Mais au moment où Bernadotte, arrivé à Milan, croyait recevoir de Berthier le commandement de l'armée, celui-ci lui remit une lettre du directoire, qui l'envoyait ambassa~

deur à Vienne. Convaincu que ce changement était l'effet de la faiblesse du directoire et de l'ascendant de Bonaparte, Bernadotte refusait de se rendre à Vienne. Berthier lui représenta que son refus allait retarder l'exécution des ordres qu'il avait reçus luimême de marcher sur Rome; que le directoire avait pensé qu'il fallait, dans cette circonstance, envoyer à Vienne un homme qui eût assez d'influence pour faire entendre à ce cabinet que la marche de l'armée française n'avait nullement pour but de détruire le gouvernement papal, mais seulement d'obtenir une réparation éclatante de l'assassinat du général Duphot. Berthier ajouta qu'il trouverait à Vienne des instructions dans ce sens. Bernadotte voyant alors une trop grande responsabilité à retarder, par son refus, la marche de l'armée, se rendit à Vienne, où sa loyauté connue iui valut un accueil trèsdistingué. Huit jours après, la Suisse était envahie, et Berthier avait proclamé la république romaine. La cour de Vienne gardait le silence; et Bernadotte, sentant le besoin de la circonspection, vécut d'une manière très-retirée. Ce fut à cette époque que certains journaux de Paris se déchaînèrent contre Bernadotte absent. On rappelait ses premières hésitations relativement aux adresses de l'armée d'Italie; on annonçait que les officiers et la suite de l'ambassadeur français à Vienne ne portaient la cocarde tricolore que dans l'intérieur de l'hôtel, conséquence naturelle, ajoutait on, de la condescendance que

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Bernadotte avait montrée pour le cabinet de Vienne, après les préliminaires de Léoben, et à des époques antérieures. Le directoire envoya ces articles de journaux à Bernadotte, en lui écrivant <«< qu'il ne pouvait croire » qu'un général, qui avait si bien >> servi la nation sous le drapeau tricolore, négligeât de faire res» pecter ses couleurs, et qu'il lui » ordonnait de faire distinguer >> son hôtel par les couleurs na>>tionales, s'il ne l'avait déjà fait.» A l'instant même, l'hôtel de l'ambassadeur français arbora le drapeau tricolore, qui fut le prétexte, et qui donna le signal de l'émeute, dans laquelle, sans le sang-froid le plus rare, et l'intrépidité la plus active, Bernadotte eût éprouvé à Vienne le sort du général Duphot à Rome. Il serait triste de penser que ces deux événemens aient été le résultat des mêmes combinaisons. Bernadotte, après un tel éclat, ne pouvait rester à Vienne. Il envoya son rapport au directoire, et se rendit à Rastadt, pour y attendre des ordres ultérieurs. L'indifférence ou la faiblesse avec laquelle le directoire traita l'affaire de Vienne, décida Bernadotte à refuser l'ambassade de La Haie; ce fut du moins le motif apparent de cette conduite. Avant cette époque, il avait épousé la fille d'un des négocians les plus considérés et les plus estimables de Marseille, Mile Eugénie Clary, sœur de l'épouse de Joseph Bonaparte, depuis roi d'Espagne. On assure que le père de Mile Clary l'avait d'abord refusée à Bonaparte, et qu'il la destinait au général Du

phot, depuis assassiné à Rome. En 1799, la guerre ayant été déclarée à l'Autriche, Bernadotte fut nommé général en chef de l'armée d'observation sur le Rhin. Les frontières garanties, le commerce de Manheim assuré, l'université d'Heidelberg protégée, le soulagement du pays opéré par des restrictions apportées au droit de réquisition, tels sont les actes qui signalèrent son commandement. I chassa de Francfort les agens de l'Autriche, et fit retirer les émigrés français à vingt lieues au-delà des positions occupées par les armées de la république. Bientôt arriva la révolution du 30 prairial, qui fit sortir du directoire Merlin, Treilhard et La Réveillère-Lépeaux. Le parti qui venait de triompher, considérant dans Bernadotte le militaire plutôt que le citoyen, espéra trouver en lui un instrument docile, et l'éleva au ministère de la guerre. Le nouveau ministre, par sa fermeté et sa gestion, ne tarda point à tromper cette espérance. A peine installé, il écrivit aux généraux pour exciter leur patriotisme, et enflammer celui des armées. Il leur recommandait la discipline et l'unité d'action. Il confia le commandement en chef des armées des Alpes et d'Italie au général Championnet, antérieurement disgracié. Il invita, de la manière la plus pressante, le général Moreau à examiner la conduite des commandans qui, en Italie, avaient rendu les places fortes qui leur étaient confiées. Il fit incorporer dans les bataillons de leurs départemens les officiers qui étaient à Paris en ré

clamation. Enfin, sous le gouvernement le plus faible, et dans un temps où les revers de nos armées portaient le découragement dans toutes les âmes, il signala son ministère par une énergie et une activité remarquables à toutes les époques. Le pouvoir d'opinion, l'influence acquise par de tels moyens, portèrent ombrage au directoire, jaloux d'une autorité dont l'exercice plein et entier était au-dessus de ses forces. Bernadotte fut remplacé par le général Milet-Mureau; et le directoire, en annonçant au premier cette détermination, lui écrivit « qu'il »> ne faisait en cela que céder au » vœu manifesté par le ministre, » de reprendre un service actif » dans les armées. » Bernadotte répondit qu'il n'avait jamais parlé de démission, demanda son traitement de réforme, et, voulant rester étranger aux intrigues qui s'ourdissaient à Paris, se retira à la campagne. Il ne prit aucune part à la révolution du 18 brumaire, qu'il désapprouva même assez hautement, ainsi que beaucoup d'autres. Cependant il fut nommé, après l'installation des consuls, conseiller-d'état et général en chef de l'armée de l'Ouest. Il battit, en diverses rencontres, les royalistes insurgés; et le 16 mai 1800 (16 floréal an 8), il empêcha le débarquement des Anglais à Quiberon. L'année suivante, le mauvais état de sa santé le força de remettre le commandement de son armée au général Laborde, ce qui donna lieu à différentes conjectures. Les uns prétendaient qu'il avait été empoisonné comme le général Hoche: c'était

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