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qui le sauva. Il émigra, ne rentra dans sa patrie qu'après le 9thermidor, et fut nommé député en l'an 5, parle département de Vaucluse, au conseil des cinq - cents. Les émigrés de Toulon,qui avaient appelé les Anglais en France, et contre lesquels la convention avait évi, trouvèrent en lui un défeneur; il fit abroger les lois portées ontre eux. La révolution du 18 Cructidor annula sa nomination. Il publia, en 1796, son Institution au droit français et criminel (2e éd., 1800); et, à l'avènement du premier consul au trône, il se réfugia, suivant l'expression d'un biographe, dans les bureaux du ministère de la justice, où il est encore caché sous le titre de chef de division des affaires civiles. Il a donné depuis ce temps, plusieurs ouvrages de jurisprudence, entre autres, nouvelle Théorie des lois civiles (1802); Cours de droit civil français (1803 et 1805, 4 vol. in-4°); Observations sur l'ancienne constitution francaise, et sur les lois et les codes du gouvernement révolutionnaire, par un ancien jurisconsulte (1814, in-8°); de l'origine et des progrès de la Législation française (1816, in 8°). Un de ses meilleurs ouvrages est son Essai sur la vie, les lois et les écrits de Michel de l'Hopital (1807). Il est un des collaborateurs de la Biographie universelle, et a coopéré à la rédaction de plusieurs jour naux et ouvrages périodiques. Nommé, en 1812, membre de la seconde classe de l'institut, et admis, en 1816, à l'académie des inscriptions, il a reçu du roi deux distinctions bien différentes, le ti

tre de censeur des journaux, et la croix de la légion-d'honneur.

BERNARDIN DE SAINTPIERRE (JACQUES-HENRI). Il y a deux hommes à qui la gloire a fait perdre pour ainsi dire leur nom de famille; JEAN-JACQUES et BERNARDIN. Le nom de famille de celuici est SAINT-PIERRE, mais nous le plaçons sous le nom patronimique de BERNARDIN, où la plupart des lecteurs le chercheront sans doute. Un tel rapport est singulier entre ces deux écrivains, qui d'ailleurs ont encore d'autres ressemblances. Tous deux, disciples d'une philosophie qu'ils modifièrent et quittèrent souvent; tous deux éloquens, et puisant leur éloquence dans l'excessive sensibilité de leur âme; misantropes par amour de l'humanité; méconnus et négligeant de se faire connaître; amis des idées nouvelles qui étaient belles et grandes; ennemis de tout préjugé et de tout despotisme, ils se virent, s'apprécièrent, et malgré une morosité, trop souvent excitée par les contrariétés, malgré la susceptibilité de leur caractère, et peut-être la rivalité de leur talent, ils s'aimèrent. Jean-Jacques Rousseau a porté dans le domaine de la pensée, dans les institutions sociales et dans les mœurs, le même esprit d'innovation et de système, que Bernardin de SaintPierre porta un peu plus tard dans l'étude de la nature. Le talent descriptif, l'onction, le natu rel, la grâce originale de l'auteur de Paul et Virginie, suppléent à la verve, à l'éclat, à l'inimitable vigueur, au génie de l'auteur d'Emile. Plus subtile chez l'un,

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plus profonde chez l'autre, la pensée, chez tous les deux, a quelque chose d'audacieux, de surnaturel. Bernardin de Saint-Pierre met la grâce du dessin, la magie du coloris, où Jean-Jacques Rousseau a employé le burin de la nature et de la vérité : le raisonnement vigoureux, la dialectique serrée, l'éloquence entraînante, remplacent chez le Génevois ces douces peintures, où semblent se confondre la facilité de Fénélon et l'élégance de Barthélemi. La vie de J. J. Rousseau a dû être plus agitée, plus malheureuse : il avait la source de son génie dans ses passions. Bernardin de SaintPierre, doué d'une sensibilité plus tendre et moins active, a su souffrir plus paisiblement. Non moins facile à s'affliger, il était plus aisé à consoler. J. J. Rousseau a fouillé le cœur humain: c'est dans la nature extérieure que Bernardin de Saint-Pierre a trouvé ses plus délicieux tableaux. Par un rapport non moins bizarré, et comme si la destinée s'était plu à soumettre aux mêmes épreuves le génie de ces deux hommes, tous deux passèrent leur jeunesse dans une sphère qui ne laissait rien à la pensée, et qui donnait tout à la vie active. Bernardin de Saint-Pierre, né au Havre, en 1757, d'une famille considérée, commença ses études à Rouen, fut conduit, dès l'âge de 12 ans, à la Martinique, par un oncle, capitaine de vaisseau; revint en France, où le rappelait sa santé délicate, et finit ses classes à Caen, sous les jésuites, qui n'oublièrent rien pour se l'attacher. Mais son père le destinait à être employé dans le service des

ponts et chaussées. Il étudia les sciences exactes, dont plus tard il devait se servir contre ellesmêmes. Reçu ingénieur à 20 ans, il fit sous M. de Saint-Germain, la campagne de Malte; eut à se plaindre des prétentions et de l'orgueil de certains nobles militaires; donna sa démission, et alla offrir ses services à Frédéric-leGrand. S'ennuyant bientôt de la discipline mécanique des Prussiens, il passa en Russie, fut accueilli de l'ambitieuse Catherine II, se vit au moment de parvenir à une haute fortune; mais pénétrant les vues de l'impératrice sur la Pologne, il s'en indigna, trouva le moyen de les faire connaître au ministère français des affaires étrangères, puis quitta la Russie. Mais le cabinet russe, informé de ce qu'il avait écrit, le fit poursuivre et arrêter par des hullans. Le pistolet à la main, il leur résista longtemps, donna le temps à ses amis d'emporter ceux de ses papiers qui avaient quelque importance politique, et se laissa prendre quand on ne pouvait plus prendre que lui. Il réussit cependant à se sauver lui-même. M. de Breteuil, ambassadeur de France en Pologne, qu'il avait vu à son passage à Varsovie, le fit nommer capitaine-ingénieur de la colonie de l'Ile-de-France. Il ne reçut pas d'autre dédommagement de ce qu'il avait souffert; et son travail, qui lui avait nui, ne servit en rien à la Pologne. A l'Ile-de-France, de nouveaux chagrins l'attendaient; ses vues philantropiques et vastes heurtèrent le mobile éternel des hommes, l'intérêt individuel. Il s'opposa à ce que l'ile

devint une station militaire et un point d'appui pour le commerce des Indes; il sentit son cœur se révolter contre les abus de la puissance illimitée: il plaignit les esclaves et fut haï de leurs oppresseurs. Echoué sur l'île Bourbon, il ne reçut aucune indemnité du gouvernement. On se plaint toujours du mécontentement et de la misantropie des hommes d'un grand talent. Mais on ne se représente pas la délicatesse exquise de ces âmes privilégiées, dont l'irritabilité tient au génie même, et dont la sensibilité n'est que trop souvent froissée, meurtrie par l'ingratitude d'un monde qu'elles s'efforcent de servir. «Les plus dou» ces odeurs, dit Bacon, sont plus >> douces encore quand on les » agite. >>>> Beaucoup de chefsd'oeuvre ont été le fruit de grands chagrins. Bernardin de SaintPierre, que les injustices des hommes et de la fortune forcèrent à chercher des plaisirs dans la nature, contempla avec délices les magnificences singulières du ciel et du sol sous l'équateur, et prépara de loin la délicieuse pastorale de Paul et Virginie. D'autres ouvrages germaient aussi peu à peu dans cette tête plus méditative qu'ardente. Il avait cherché le bonheur dans l'agitation et les voyages. C'était la pensée qui seule pouvait lui offrir, sinon ce bonheur, du moins quelque joie et quelques repos. Il donna d'abord son Voyage à l'Ile-de-France, et prépara dans la retraite ses Etudes de la nature, qu'il publia, en 1784. Le premier de ces deux ouvrages avait déjà jeté quelques idées audacieuses dans le public.

La révolution grondait sourde ment; mille signes annonçaient qu'elle allait éclater: tous les eșprits et tous les yeux étaient fixés. sur le volcan. Les Etudes de la nature parurent tout à coup comme une production d'un autre siècle et d'un autre monde, comme une belle fleur près du cratère prêt à vomir la flamme. Cet ouvrage n'attira d'abord à son auteur que des persécutions; certains savans murmurèrent, mais moins haut que les théologiens. Le clergé, qui accordait quelquefois des pensions aux gens de lettres dociles, scandalisé de ce qu'on osait parler de Dieu autrement que la Bible, raya de la liste l'homme hardi qui avait si éloquemment démontré l'existence de Dieu par la magnificence et le but de ses œuvres. Cependant l'ouvrage, à sa 5e édition, prenait sa place parmi les plus belles productions littéraires du siècle. Moins scrupuleux que le clergé, le gouvernement, averti du mérite des Etudes de la nature, par leur succès, fit à l'auteur une pension de 1,000 francs. L'auteur donna 300 francs à sa sœur, 100 francs à une vieille domestique, se réserva le reste et vécut retiré. Louis XVI le nomma intendant du jardin des plantes, à la place de Buffon, et en lui annonçant luimême cette faveur, ajouta avec bonté : «Vos écrits, que j'ai lus, » sont d'un honnête homme. » La révolution éclate: Bernardin de Saint-Pierre refuse l'électorat qui lui est offert, et se tient éloigné de toute fonction publique. Ses Vœux d'un solitaire, qu'il publia alors, sont trop purs et trop beaux

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