Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub
[ocr errors]

826

L'utilité de Codes annotés n'est plus à démontrer l'expérience a prononcé. Depuis trente ans et plus que les premières publications de ce genre ont eu lieu, leur succès n'a fait que s'accroître, malgré tout ce qu'elles présentaient d'incomplet et de défectueux. C'est qu'en effet, nul livre, sans contredit, n'offre aussi éminemment le moyen, soit de se fixer à l'instant sur les principes du droit et sur les points controversés, soit de faciliter la recherche des précédents judiciaires et des solutions diverses dont les jurisconsultes, les magistrats, les hommes de pratique ont journellement besoin dans l'exercice de leur profession. Nul ne favorise autant cette pénible investigation des volumineuses collections d'arrêts et des nombreux ouvrages de droit dont nos bibliothèques sont encombrées; nul en un mot n'abrége au même degré le temps d'étude. Or, aujourd'hui plus que jamais, dans l'ordre intellectuel comme dans l'ordre physique, ce que l'on veut surtout, c'est arriver vite. Jusqu'à ces derniers temps, on s'était borné dans les Codes annotés à présenter séparément, les uns, la jurisprudence des arrêts, les autres, la doctrine des auteurs. On a senti, depuis, la nécessité de réunir ces deux sources d'interprétation de la loi, de les combiner, de les coordonner de manière à ce qu'elles se prêtent un mutuel appui et suppléent chacune à ce qui peut manquer à l'autre. Nous n'avons donc pas dû hésiter à adopter ce système de combinaison, de fusion des solutions jurisprudentielles et doctrinales, en y joignant, bien entendu, tous autres documents se rattachant à notre législation codifiée.

Qu'il nous soit permis de retracer ici le plan que nous avons suivi dans notre travail, et les idées qui ont présidé à son exécution.

Tout d'abord, nous devons dire que nous n'avons pas eu la prétention de faire un commentaire qui fût nôtre. Par le fait cependant, comme on le verra, les Codes se trouveront en réalité largement commentés dans notre livre, mais commentés par les tribunaux et par les auteurs, non par nous : le lecteur ne s'en plain

dra pas.

Sous chacun des articles, nous avons classé dans un ordre méthodique et rationnel toutes les décisions de la jurisprudence intervenues depuis la promulgation des Codes, qui fixent le sens de leurs dispositions et en déterminent l'étendue: beaucoup d'arrêts antérieurs ont en outre été reproduits, lorsqu'ils pouvaient servir à l'explication de la législation nouvelle. Là, se trouveront sans exception, et les arrêts consacrant des principes généraux, et ceux contenant des applications spéciales. Point de choix, point d'omissions; nous avons voulu être complets, au risque de paraitre trop abondants. Que si parfois l'on pensait que pour certaines décisions nous avons trop tenu compte des circonstances particulières de l'espèce jugée, nous rappellerions avec Dumoulin que la moindre différence dans le fait en opère une très grande dans le droit: Modica circumstantia facti inducit magnam juris diversitatem.

Les arrêts identiques sont tous indiqués sous un même sommaire, de manière que le lecteur, une fois le doigt mis sur la question dont il s'occupe, sera certain d'y trouver tout ce qui concerne cette question. Inutile d'aller plus loin, car on pas à craindre de rencontrer d'autres décisions perdues au milieu de notions toutes différentes: un tel morcellement rend par trop difficile l'usage d'un livre de cette nature.

n'aura

Généralement, nous avons rappelé les arrêts sur chaque question dans l'ordre de

6

leur date: cela offre d'abord plus de facilité pour consulter les collections qui les renferment; et c'est ensuite se conformer autant que possible à ce précepte de Bacon, que les arrêts doivent être distribués suivant l'ordre des temps (1).

A la suite des décisions de la jurisprudence et immédiatement, nous avons indiqué l'opinion des auteurs tant anciens que modernes, venant appuyer ou contredire la solution. Par là, on reconnaîtra de suite la valeur réelle de la décision. acceptée par la doctrine, on peut, sans témérité, regarder comme incontestable le principe qu'elle consacre; combattue, au contraire, c'est un avertissement pour chacun d'examiner avec plus de soin les motifs sur lesquels elle repose.

Mais, outre l'opinion emise par les auteurs sur les points déjà soumis aux tribunaux, il existe dans les ouvrages écrits avant comme depuis notre nouvelle législation, une foule de notions sur lesquelles la jurisprudence n'a pas eu encore à se prononcer : nous ne devions pas les négliger. Aussi trouvera-t-on dans nos annotations une grande quantité de propositions appuyées seulement de citations d'auteurs. -Et, nous ne craignons pas de le dire, cette partie du livre présentera, aussi bien que celle relative à la jurisprudence, un ensemble et une variété de solutions que l'on chercherait vainement ailleurs. Plus de cinq cents ouvrages ont été compulsés et mis à contribution par nous, et dans nos recherches nous n'avons négligé aucun des points qui nous ont paru avoir quelque utilité.

A cet égard, on le remarquera, nous avons tenu à être positifs et formels dans les propositions doctrinales, comme dans les décisions d'arrêts: pas de ces renvois vagues aux auteurs; toujours leurs opinions sont précisées, à moins que l'avis exprimé par l'auteur n'offre qu'une raison d'analogie.

Voulant, du reste, présenter un résumé de questions de droit proprement dites, un livre de difficultés résolues ou à résoudre, nous avons dû élaguer de notre travail, tout ce qui était purement élémentaire, règles ou principes écrits dans la loi : paraphraser les dispositions des Codes n'entrait pas dans notre cadre.

Comme il a déjà été dit, nous avons reproduit par analyse ou textuellement, selon que cela nous a paru nécessaire, les monuments législatifs (lois, décrets, ordonnances, avis du conseil d'Etat, décisions ministérielles, etc.), qui sont venus depuis la promulgation des Codes combler des lacunes, interpréter, modifier ou abroger quelques dispositions. Ajoutons que sur certaines matières à l'égard desquelles la législation présente un ensemble de documents en dehors des Codes, nous les avons indiqués sous forme de résumés, afin d'en faciliter la recherche dans les Collections de lois.

Une observation que nous ne devons pas négliger, c'est que dans l'exécution de notre travail nous avons eu constamment le soin de placer la jurisprudence au premier plan; c'est-à-dire que la notion jurisprudentielle se trouve suivie du sentiment des auteurs, et non l'opinion des auteurs, fortifiée de la décision. Cela était tout naturel, et tient à ce qu'à nos yeux, comme aux yeux du plus grand nombre, c'est encore aux décisions des tribunaux, intervenues après des débats contradictoires, qu'il faut généralement accorder le plus de confiance, surtout dans la discussion et dans la pratique journalière des affaires. Les temps sont déjà loin de nous où les détracteurs de la science des arrêts disaient qu'ils ne sont bons que pour ceux qui les obtiennent, et l'on reconnait généralement aujourd'hui qu'ils sont bons aussi pour ceux qui les consultent. La jurisprudence, cette science pratique des lois, cet interprète vivant du droit (2), aura toujours, quoi qu'on dise, une prépondérance sur de simples opinions adoptées dans le silence du cabinet.

Il ne suffisait pas de présenter un résumé complet de jurisprudence et de doc trine; il fallait que ce résumé offrit toute clarté en même temps que toute garantia d'exactitude. Nous avions deux écueils à éviter : une trop grande extension donnée à chaque proposition, ce qui eût rendu notre ouvrage trop volumineux, et partant moins propre à la rapidité des recherches; d'autre part, une trop grande concision eût pu lui ôter de sa clarté. Nous avons fait tous nos efforts pour tenir un milieu : on jugéra si nous y avons réussi,

(4) Aph. 76, de Justitia universali.
(9) Viva vox juriš (L. 8, ff. de Just, ¿

Pour ce qui est de l'exactitude de nos propositions, on y croira sans peine lorsqu'on saura que celles de jurisprudence consistent principalement dans la reproduction des notices du Recueil géneral des lois et des arrêts, avec les modifications, toutefois, qu'exigeaient leur rapprochement et leur classement sous le texte auquel elles se rapportent. En choisissant de préférence les notices de ce Recueil, à la rédaction duquel nous n'avons cessé un seul jour de cor pérer depuis plus de vingt-cinq ans (1), soit sous la direction de notre vénérable maître M. Sirey, soit avec notre savant ami M. de Villeneuve, rédacteur en chef depuis 1831, nous n'avons pas été déterminé seulement par notre position personnelle; nous l'avons été surtout par ce motif, que, dans l'opinion générale, ce sont les sommaires de ce recueil qui rendent le plus exactement la pensée, le jugé de l'arrêt, disant tout, mais ne disant pas plus que n'ont voulu dire les magistrats, et ne présentant jamais comme décision, ce qui n'est souvent que l'opinion plus ou moins juridique du rédacteur de l'arrêt.

Quant aux propositions doctrinales, comme elles sont extraites des ouvrages, telles, la plupart, qu'elles ont été rédigées par les auteurs eux-mêmes, leur exactitude ne saurait être douteuse.

Une chose que nous avons soigneusement évitée, c'est de formuler_nousmêmes des propositions générales, pour y rattacher ensuite les autorités. Par ce moyen, sans doute, on peut donner à son livre une couleur plus scientifique, mais c'est toujours aux dépens de la vérité et de l'exactitude, parce qu'alors on se trouve forcé de faire disparaître les nuances, les circonstances particulières de chaque décision, qui viennent si souvent en modifier profondément le caractère (2). Nous avons fait suivre chaque arrêt de l'indication, par volume et par page, des principaux recueils qui l'ont publié : ancien Recueil Sirey; Collection nouvelle de Villeneuve et Carette, et Recueil périodique des mêmes auteurs; Recueil alphabétique et périodique de Dalloz; Journal du Palais (3). Au moyen de ces indications, quelle que soit la collection que l'on ait sous la main, on pourra recourir à l'arrêt cité. D'ailleurs, il est bon quelquefois de conférer les arrêtistes entre eux pour s'éclairer sur un point douteux, car tel a pu omettre une circonstance essentielle qu'un autre aura relevée. C'est l'observation pleine de justesse que fait un illustre magistrat dans un livre que devraient consulter tous ceux qui ont à cœur de faire un utile emploi de la jurisprudence des arrêts (4).

Les auteurs dont les ouvrages présentent un numérotage, sont indiqués par le numéro où se trouve la proposition. Pour ceux qui n'offrent pas ce moyen de recherche, nous avons dù indiquer la page; mais on comprend que l'édition dont nous nous sommes servi peut n'être pas celle que possède le lecteur; ce sera à lui, s'il ne trouve pas la solution à l'endroit désigné, de consulter la table de son édition: il ne nous était pas possible d'éviter cet inconvénient. Quant aux titres des ouvrages, nous ne les avons le plus souvent rappelés, qu'autant que la notion était tirée d'un livre traitant d'une matière étrangère à celle dont nous nous occupions. Le texte des Codes est accompagné d'une conférence des articles entre eux, signalant les dispositions corrélatives ou analogues, moins toutefois celles qui se trouvent dans la même section ou le même chapitre : c'eût été une superfétation. De plus, nous avons indiqué: Sur le Code civil, les dispositions afférentes du droit romain (Institutes, Digeste, Code, Novelles); -... Sur le Code de procédure, celles de l'ordonnance de 1607;-... Sur le Code de commerce, celles des

(1) Entré dans le cabinet de M. Sirey en juin 1820, nous fâmes peu de temps après attaché à la rédaction du Recueil, que nous n'avons pas quittée depuis.

(2) Ce n'était pas à nous à combiner les résultats des arrêts, à en tirer des déductions générales. Un tel travail pourrait faire l'objet d'un livre intéressant, où se trouveraient recueillis et développés tous ces principes généraux de jurisprudence, toutes ces règles importantes que l'on peut considérer à l'égal de la loi : ce serait l'Esprit de la jurisprudence. Plus que personne M. Sirey eût été à même de produire un tel livre, et il en avait en effet formé le projet (V. la préface de sa Table vicennale), que les circonstances ne lui ont pas permis de réaliser. Dans les derniers temps de sa vie, il nous entretenait encore de ses idées sur ce point, et nous honorait assez pour nous demander notre concours. Un jour peut-être, et dans la mesure de

nos forces, pourrons-nous entreprendre un pareil travail, avec le regret toujours de ne l'avoir pas vu exécuter par notre ancien patron.

(3) V. inf. p.34, l'explication du mede de désignation de ces recueils. (4) De la Jurisprudence des Arrêts, par M. Dupin.

[blocks in formation]

ordonnances de 1673 et 1681;-...Sur le Code d'instruction criminelle, celles du Code du 3 brum. an 4;-...Sur le Code pénal, celles de la loi du 19 juill. 1791 et du Code pénal de 1791;-..Sur le Code forestier, celles de l'ordonnance de 1669. La comparaison des anciens textes avec le nouveau est souvent le meilleur moyen de découvrir le véritable sens de la loi.

-

En tête des annotations d'une certaine étendue, et pour faciliter d'autant les recherches, nous avons placé une Table ou Indication alphabétique des mots caractéristiques de toutes les notions qu'elles contiennent, renvoyant par numéros à chacune de ces notions. De plus, pour celles de ces annotations qui l'ont comporté, nous avons, dans le même but, divisé la matière en paragraphes.

Quelques personnes bienveillantes, qui avaient pris connaissance d'une partie de nos travaux, voulurent bien nous donner le conseil d'exprimer notre propre sentiment; elles pensaient, qu'obligé souvent, avant de rédiger notre sommaire, de prendre connaissance des arguments présentés sur la question, notre opinion, donnée à la suite, eût pu avoir quelque valeur. Nous n'avons pas cru devoir céder à ce conseil, quelque flatteur qu'il put être; il nous a semblé, comme il nous semble encore, que c'eût été changer la nature de l'ouvrage que de faire d'un Code annoté un livre de discussion. Resserrés d'a lleurs par l'espace, nous n'aurions pu nous livrer à un pareil travail qu'au prix d'un grand nombre de décisions qu'il aurait fallu écarter. Or, nous n'aurion; pas atteint par là le but que nous nous étions proposé, d'offrir un résumé comp. et de la jurisprudence et de la doctrine. Nous avons donc persisté à nous borner au rôle de simple rapporteur, excepté pour quelques questions importantes; ce qui cependant ne nous a pas empêché de signaler dans l'occasion, mais par un mot, les solutions qui nous ont paru hors de toute controverse, en même temps que nous nous sommes permis de critiquer parfois celles qui nous paraissaient heurter de front les dispositions de la loi.

Dans le classement de nos matériaux, nous avons éprouvé assez souvent de l'embarras pour le choix de l'article sous lequel nous devions les placer. On sait, en effet, que beaucoup de décisions se rattachent à plusieurs articles à la fois. Quand cela nous a paru nécessaire, nous n'avons pas hésité à les répéter, ou tout au moins à les indiquer par un renvoi placé soit à la fin de l'annotation, soit dans le cours de cette annotation, lorsque la solution se trouvait avoir un rapport direct avec la notion à laquelle le renvoi est attaché. Ces renvois ou rapprochements sont fréquents dans l'ouvrage; ils ont pour résultat d'en relier les diverses parties et d'en faire un tout homogène.

Comme appendice de l'ouvrage, nous donnerons la loi sur la Contrainte par corps, qui fait en quelque sorte partie des Codes, et la loi sur le Notariat, qui intéresso un si grand nombre d'officiers publics. Ces deux lois seront annotées d'une manière toute spéciale. Chaque Code sera d'ailleurs accompagné d'une table alphabétique des matières qu'il renferme.

En terminant cet aperçu de notre livre, nous pouvons le dire sans présomption, ce n'est qu'après un travail opiniâtre que nous sommes parvenu à remplir la tâche que nous nous étions imposée. Classer et résumer plus de 40,000 décisions d'arrêts, et un aussi grand nombre d'opinions d'auteurs, présentait, on le croira, beaucoup de difficultés. Mettre dans cette immensité de matériaux l'ordre indispensable pour la facilité, la rapidité et la plénitude des recherches, exigeait une grande patience, une attention soutenue. Peut-être, en consultant le résultat de nos travaux, reconnaîtra-t-on la vérité de cette pensée, que l'ordre n'est pas seulement une facilité pour ceux qui lisent ou consultent, mais qu'il est aussi une garantie. Notre livre, nous le croyons, sera regardé comme un arsenal complet, où chacun pourra trouver des armes. En le publiant nous ne prétendons à d'autre mérite qu'à celui de l'exactitude et d'une laborieuse persévérance.

P. GILBERT.

« VorigeDoorgaan »