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verte. Enfin, en 1875, les arpenteurs du gouvernement prouvent, par leurs rapports, l'exactitude des travaux de Schoolcraft et de Nicollet.

Tel était l'état des connaissances géographiques quand le capitaine Glazier vint, en 1881, contredire tout ce qui était jusqu'alors accepté comme vérité. Glazier a écrit des souvenirs de guerre, où il dit être un héros des plus remarquables1». D'ailleurs il ne parle point des connaissances nécessaires à celui qui voulait revoir les travaux de deux savants de pareille valeur.

En mai 1881, il organise une partie de plaisir à Saint-Paul et part avec ses compagnons pour explorer les déserts du Minnesota ». Dans un « sleeping car» sans doute, il arrive à Brainerd; une bonne route le conduit au lac << Leech » (de la Sangsue), une autre au lac « Fish Hook » (de l'Hameçon), au sud-est du lac Itasca », et il ne lui reste qu'à en suivre une troisième, finissant au coin de la Section 26, en vue du lac « Elk» (de l'Élan). Quelle différence avec les explorations de Schoolcraft et de Nicollet, à une époque où aucun blanc n'était encore établi dans le pays!

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En arrivant à l'ltasca », il s'en va tout droit à « l'île de Schoolcraft », au milieu du lac, et de là se dirige sans hésitation vers un autre lac inconnu qu'il découvre, et qu'il prétend être la vraie source du Mississipi. Immédiatement il fait connaitre ses prétentions aux Sociétés géographiques, au monde entier. Bientôt après il publie une carte qu'il envoie à la Société américaine de Géographie, ainsi qu'à la Société royale de Géographie d'Angleterre; puis il fait paraître, dans le Journal météorologique d'Amérique, un compte rendu de la Récente découverte de la vraie source du Mississipi ». Le volume « Plume et Épée» reproduit aussi cette histoire.

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Le lac dont il s'agit se trouve dans la Section 22, District nord 143, Rangée 36, à l'ouest du cinquième méridien principal. Mesurant environ 250 acres 3, il n'est qu'à 350 pieds du bras sud-ouest de l'Itasca, où il se jette par un ruisseau de 1184 pieds de long. - Or M. Glazier n'a pas été le premier à découvrir ce lac, qui n'est pas d'ailleurs la source du Mississipi, et en voici des preuves.

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1° En 1836-1837, Nicollet déposa au bureau des ingénieurs des États-Unis une carte de la région de « l'Itasca », que le Sénat fit publier parmi les documents exécutifs (N° 237, 2o session, 26e congrès, 1843). Nicollet représente ce lac comme une simple baie de « l'Itasca »; quand les eaux étaient plus hautes, les deux lacs n'en faisaient bien certainement qu'un seul, car ils sont très proches l'un de l'autre. D'ailleurs le révérend J.-B. Gilfillan, qui les a vus en 1881, dit que les Indiens appellent ce lac Elk Gabukgumag, ce qui signifie << eau qui avance d'un côté comme le pouce d'un côté de la main » : ce qui indiquerait qu'il y a peu de temps les deux lacs n'en faisaient encore qu'un seul et que le canal les réunissant s'est comblé peu à peu. Jadis les Indiens appelaient l'ensemble de l'Itasca Omosh-kos, nom tiré de la forme d'un cerf, le lac. << Elk » formant une partie de la silhouette de l'animal.

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2o En 1855, Henry R. Schoolcraft publia (Lippincott Grambo et C, éditeurs,

1. Le premier blanc établi fut A. Sigimore, le 22 août 1878.

2. Sword and Pen, par J. A. Owens. Philadelphie, 1884.

3. Acre

40,470.

4. Pied 0,3048.

Philad.) sa« Narration sommaire d'un voyage d'exploration aux sources du Mississipi», accompagnée d'une carte nouvelle du capitaine Seth Eastman indiquant le lac absolument comme l'avait décrit Nicollet.

3o En 1855-1856, « une carte militaire du Nord-Ouest, dressée par ordre du secrétaire de la guerre John-B. Floyd, par le lieutenant G.-K. Warren, sous la direction d'A.-A. Humphrey, d'après ses propres explorations et les conseils des capitaines J.-C. Freemont et J. Pope, du gouverneur I.-I. Stevens et du lieutenant Allen, porte clairement le lac dont il s'agit à l'endroit même où le placent maintenant les plans officiels.

En 1879, sept ans avant M. Glazier, J. Chambers, du New-York Herald, visite le pays, et, dans une lettre du 6 juillet, décrit comme absolument séparé de l'Itasca le lac « Elk », qu'il nomme « Dolly Varden »; il publie même une carte.

Quelque chose de plus probant encore, c'est l'arpentage fait pour toute cette région; le District nord 143, Rangée ouest 36, fut levé par le capitaine E.-S. Hall de Saint-Cloud, en octobre 1873. Cette carte fut transmise en février 1876 au bureau général du cadastre, où elle fut approuvée et cataloguée le 3 mai. Le lac y était relevé avec ses quatre sinuosités, deux à l'est et deux au nord; d'ailleurs on lui avait laissé le nom de lac « Elk », qui devenait son nom officiel et immuable, étant inscrit sur la carte oficielle des États-Unis. Et, malgré tout, M. Glazier maintient ses injustifiables prétentions.

On pourrait même invoquer d'autres témoins contre M. Glazier; ce seraient Ch. Lauman, venu dans le pays en 1846; le Rév. Ayer et son fils, en 1849; W. Bamgs, en 1865; 0.-E. Garrison, en 1880; W.-E. Neal, en 1880 et 1881; le Rév. J.-A. Gilfillan, en mai 1881; et aussi M. C.-M. Terry, qui décrit le lac << Elk » comme un tributaire de l'Itasca dans le Neuvième Rapport annuel sur l'étude de la géologie et de l'histoire naturelle du Minnesota (1880, p. 321), et reconnaît l'Itasca comme la vraie source du Mississipi. L'Itasca et les environs étaient parfaitement connus du monde savant d'Europe; on le trouvait dans l'Atlas Stieler.

M. Glazier n'avait donc qu'à regarder n'importe où; il aurait vu son lac indiqué.

Du reste, il se lançait dans cette exploration sans aucun des instruments nécessaires pour résoudre un problème topographique. Arrivé à « l'Itasca le 21 juillet, il s'en allait tout droit au lac qu'il devait découvrir, et le 22, en sept heures, il faisait plus pour la découverte du Mississipi qu'on n'en avait fait depuis de Soto en 1541!

Il y aurait eu du moins à explorer les sinuosités des rives de « l'Itasca » et du lac « Elk », ainsi que cinquante milles1 de cours d'eau. Glazier avait prétendu d'abord en avoir visité une partie; mais, devant la Société historique, il a reconnu qu'il n'en était pas ainsi. Les cartes mêmes qu'il a publiées en 1884 et en 1886 sont complètement erronées, donnant une surface exagérée au lac et le plaçant quatre milles trop au sud. Dans sa lettre à la Société royale de Géographie d'Angleterre, il dénature la géographie, plaçant son lac à un degré au sud du lac Turtle (de la Tortue). Il fixe le niveau du lac tantôt à 3, tantôt à

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7 pieds au-dessus de l'Itasca », tandis qu'il est réellement à 13 pouces. Il prétend faire déboucher dans le lac Elk le lac Whipple (qu'il appelle lac Alice >). Enfin il va jusqu'à changer les noms des lacs sur une surface de 320 milles carrés s'étendant du lac « Leech au lac « Winnebegoshish », ( leur donnant les noms de ses compagnons d'armes ou de ses parents. En un mot, il change toute la géographie du pays. Du reste, son compagnon de route C. Paine et son guide indien Che-no-wa-ge-sic répudient toutes ses assertions.

Encore une fois ce n'est pas lui qui a démontré l'existence de lacs situés au delà de l'Itasca toute cette théorie des sources a été exposée par A.-H. Siegfried, dans le Lippincott's Magazine (août 1880). Quant à sa prétention de faire déboucher son lac « Alice » dans le lac « Elk », il faut attendre, pour y répondre, l'achèvement des arpentages officiels. - Le plus curieux, c'est que Glazier, dans sa narration publiée par le Journal météorologique, a copié mot pour mot la narration de voyage de Schoolcraft en 1832, sans tenir compte des changements survenus depuis cinquante années; il a même reproduit des observations météorologiques contenues dans une narration de voyage de Schoolcraft en 1820. Mais on lit toujours les œuvres de Schoolcraft. L'examen définitif de cette question géographique vient d'être fait par M. H. Clarke. Muni des instruments nécessaires, il a relevé toute la région, confirmant l'exactitude des explorations de Nicollet et des arpenteurs du gouvernement au sujet du lac « Elk ». Avec Nicollet, il constate que l'affluent de « l'Itasca » est la rivière qui, débouchant au S.-O. du lac, est large de 16 pieds et profonde de 1 1/2 à son embouchure, et a sa source à 92 pieds du niveau de « l'Itasca », tandis que le lac « Elk » n'est qu'à 13 pouces1 au-dessus de ce niveau. Enfin, notant des marques qui prouvent que le niveau des eaux de << l'Itasca était jadis plus haut et celui du lac « Elk plus bas, il démontre que l'un n'était qu'un estuaire de l'autre, et il prouve que « l'Itasca » est bien, comme disait Nicollet, « le plus important réservoir des sources du Mississipi ».

Le rapport se termine par des conclusions adoptées par la Société, et qui ne font que résumer ce qui précède; aussi les présentons-nous en quelques lignes.

C'est H. Schoolcraft qui, le premier, découvrit le principal réservoir des sources du Mississipi, réservoir qu'il nomma « Itasca ». Le savant français Nicollet explora la région en détail en août 1836; il trouva et remonta un ruisseau prenant sa source dans la Section 34, District nord 143, Rangée ouest 36, au pied de la Hauteur des Terres, qui, se courbant pour se jeter dans << l'Itasca, forme le vrai Mississipi enfant. Il serait à désirer qu'on donnât le nom de «Nicollet » à ce cours d'eau. La vraie source du Mississipi est donc << l'Itasca », et non point le lac de M. Glazier. Enfin les Sociétés de Géographie devront se garder de remplacer le nom de lac Elk par celui de lac < Glazier ».

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Voilà donc la question des sources du Père des eaux tranchée par une So

1. Pouce = 0ш,0254.

phie du Minnesota.

ciété plus autorisée que toute autre à éclairer les points obscurs de la géograEspérons que nous n'aurons plus à y revenir et que M. Glazier n'aura pas d'imitateurs'.

DANIEL BELLET.

1. Ouvrages traitant de cette question: 1o Narration des expéditions de Schoolcraft en 1820 et en 1832 aux sources du Mississipi; 2° Rapport de Nicollet pour accompagner sa carte du bassin hydrographique du Mississipi supérieur (1845); 3° Rapport de H. Clarke sur un relevé des affluents de l'Itasca (Ivison, Blakeman, Taylor et C'e, édit. New-York.)

LES

PROGRÈS DE LA SCIENCE GÉOGRAPHIQUE

EN BELGIQUE

A PROPOS DU RAPPORT DE M. LE GÉNÉRAL WAUWERMANS
SUR LE PRIX DÉCERNÉ AU NOM DE S. M. LE ROI LÉOPOLD II

La Belgique est peut-être le pays qui, tout mis en balance, a contribué le plus aux progrès de la géographie dans ces douze dernières années. C'est que l'exemple y est parti de haut. Le roi Léopold II s'est empressé d'appeler à lui, même du dehors, les géographes les plus marquants. Il a créé l'Association internationale africaine, à laquelle est dû l'établissement de stations aussi secourables aux indigènes qu'aux explorateurs. En 1876 ont pris naissance deux Sociétés royales de Géographie, à Bruxelles et à Anvers, dont l'une doit tant à M. du Fief, son secrétaire général 1, l'autre à M. Wauvermans, son président. Le Congrès international de Géographie commerciale, auquel le souverain fit grand accueil, s'est tenu à Bruxelles il y a quelques années. Depuis lors, l'État libre du Congo, reconnu par les puissances, s'organise sous le sceptre pacifique de Léopold II.

Ce n'est pas tout. Dès le 14 décembre 1874, S. M. le roi des Belges avait institué un prix annuel de 25000 francs, ayant, pour la période 1882-1885, un caractère mixte ou international. La question mise au concours fut formulée comme suit dans l'arrêté royal du 28 septembre 1881 :

Le prix à décerner sera attribué au meilleur ouvrage exposant les moyens à employer et les mesures à prendre pour populariser l'étude de la géographie et pour développer l'enseignement dans les établissements d'instruction des divers degrés.

Un autre arrêté royal, en date du 20 juin 1886, constitua un jury international pour juger les travaux, au nombre de soixante, provenant de dix-sept nations ou colonies diverses et rédigés en huit langues différentes 3:

MM. le lieutenant général Liagre, secrétaire perpétuel de l'Académie royale de Bruxelles, ancien ministre de la guerre, président;

1. M. du Fief nous écrivait de Bruxelles, le 28 juillet 1885 : « Pendant que vous luttez vaillamment pour créer en France un enseignement géographique supérieur qui soit digne d'un grand pays, je travaille en Belgique à élever l'enseignement moyen le plus possible, en l'absence d'un enseignement supérieur de géographie. »>

2. Les deux Sociétés publient d'excellents bulletins. Parmi les périodiques de création plus récente, le Mouvement géographique (Bruxelles), de M. Wauters, notre collaborateur, a droit à une mention toute spéciale. N'oublions pas la création d'un institut cartographique belge.

3. Le français, le flamand, l'anglais, l'allemand, l'italien et l'espagnol étant les seules angues admises, on a dù écarter trois ouvrages norvégien, danois et magyar).

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