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Le commandant Le Bon, attaché militaire de la légation de France à Bruxelles;

Le colonel de Tchitchagoff, attaché militaire de la légation impériale de Russie à Bruxelles;

Travers Twiss, conseiller de S. M. la reine de Grande-Bretagne et d'Irlande, membre de la Société de Géographie de Londres;

Valera, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire d'Espagne à Bruxelles;

Van Beneden, membre de l'Académie royale de Belgique, professeur à l'université de Louvain;

Le général-major Wauwermans, directeur des fortifications et président de la Société de Géographie d'Anvers.

Les fonctions de rapporteur furent dévolues à ce dernier1, dont le dévouement sans bornes à la cause géographique est connu de tous depuis les Congrès de Bruxelles et de Venise.

Son rapport, adressé au ministre de l'agriculture, de l'industrie et des travaux publics, a paru les 16 et 29 avril 1887 dans le Moniteur belge (nos 106 et 119).

L'extrait suivant montrera à nos lecteurs la haute idée que M. Wauwermans et ses savants collègues s'étaient faite de leur tâche :

« La Société de Géographie de Londres, dont nul ne contestera la haute compétence et les remarquables travaux, après une enquête faite dans les écoles les plus célèbres du continent, vient de créer dans les universités d'Oxford et de Cambridge, pour les étudiants des Honour Schools, des cours supérieurs de géographie, richement rétribués, semblables à ceux professés par Ritter à Berlin, Peschel et Richthofen à Leipzig. Elle a de plus fondé des missions scientifiques largement dotées, qui doivent être confiées aux élèves les plus remarquables, afin de s'enquérir de tous les progrès qui s'accomplissent dans l'enseignement de la science à l'étranger et de les conduire dans la GrandeBretagne. Nous rappellerons à ce sujet qu'en 1860, un de nos hommes d'État éminents, M. Ch. Sainctelette, qui consacre avec passion ses loisirs à l'étude de la géographie, proposait déjà la création de chaires de géographie savante dans les universités de notre pays et recommandait la traduction et la réimpression des meilleurs traités publiés en Allemagne et en Angleterre.

» La Société de Géographie de Paris elle aussi marque une tendance manifeste à favoriser l'organisation de Facultés de géographie dans les universités et semble vouloir déjà préparer les éléments primordiaux de la renaissance géographique, en encourageant les efforts tentés pour l'unification des mesures et du méridien initial universel, et aussi pour fonder, d'accord avec la Société de Londres, l'identité de la terminologie. On a dit avec raison que la science reste imparfaite aussi longtemps que la nomenclature et la classification des faits ne proviennent pas d'une origine commune. M. Drapeyron, qui conseille

1. M. Wauwermans a publié un excellent travail sur Liberia, histoire de la fondation d'un Etat nègre (Bruxelles, 1885).

2. M. Wauwermans a bien soin de dire que ce n'est encore chez elle qu'une « tendance ». Quant à l'idée, elle appartient à M. Bardoux, sénateur, ancien ministre de l'instruction Publique.

depuis plusieurs années en France la création d'une Ecole supérieure de géographie, de colonisation et d'administration coloniale, a pu dire : « La géographie, comme tous les États livrés à l'anarchie, réclame au plus vite une

constitution. >

» A côté de ces sociétés, nous voyons la Société de Géographie de Berlin poursuivre ses remarquables travaux sous l'influence évidente de Ritter, et la Société de Géographie de Saint-Pétersbourg, devenue une institution gouvernementale et presque une section de l'état-major général russe, diriger en suivant une méthode toute scientifique de magnifiques explorations dans ce vieux monde de l'Asie, entrevu dans le passé par Plan-Carpin, Van Ruysbroek (Rubruquis), et Marco-Polo, et depuis si oublié.

› Il est impossible, enfin, de ne pas tenir compte des tendances générales qui se manifestent par la création d'innombrables Sociétés de Géographie, dans toutes les grandes villes de l'Europe et de l'Amérique, et même en Asie et en Afrique. Dans ce phénomène remarquable, l'observateur attentif doit reconnaître mieux qu'une mode passagère provoquée par les brillantes découvertes qui se succèdent depuis quelques années sans interruption; il répond au besoin général d'expansion commerciale, qui constitue l'un des buts principaux de la géographie, destinée à faciliter le commerce et les relations entre les hommes de toutes les nations et de tous les climats. >

Plût à Dieu que la géographie fût ainsi comprise dans toute l'Europe! On lui ferait enfin sa part légitime; on cesserait de la traiter en rivale de l'histoire et parfois même en ennemie des humanités.

M. le général Wauwermans ajoute :

« C'est en s'inspirant de ces idées que le jury a dû rechercher le meilleur ouvrage parmi ceux qui répondent de la manière la plus complète à la question à résoudre, envisagée aussi bien au point de vue pédagogique qu'au point de vue philosophique, tout en tenant nécessairement compte de leur valeur propre. >>

Et les concurrents, que pensent-ils de la science de l'avenir (heureuse expression du rapporteur)? Ils se divisent, suivant M. Wauwermans, en deux catégories:

« Les uns persistent à ne considérer la géographie que comme une science purement descriptive et doutent que son enseignement, poursuivi au delà des écoles primaires et moyennes, produise d'autres résultats que la vulgarisation des découvertes nouvelles. Certains des concurrents, qui développent cette opinion, affirment que les grands voyageurs, tels que Mungo-Park, Baker, Cameron, Livingstone, Stanley, ont pu faire leurs découvertes sans avoir suivi un cours supérieur de géographie. Ceux-là oublient trop peut-être que les découvertes de Christophe Colomb furent le fruit de savantes méditations scientifiques. Il reste toujours utile, à côté des géographes actifs, des explorateurs, d'avoir des géographes de cabinet, tels que Murchison et Petermann, pour enregistrer les découvertes, les coordonner, les contrôler l'une par l'autre, en prévoir les conséquences, pour les introduire, en un mot, dans la science géographique.

> D'autres concurrents sont, au contraire, d'avis que l'étude de la géographie, pour produire tous ses effets, doit être poursuivie dans l'enseignement supé

rieur, qu'elle doit y être examinée comme une science pure, c'est-à-dire sans se préoccuper de ses résultats immédiats, et que toutes les autres sciences qui y confinent et qui peuvent l'éclairer doivent y concourir pour répandre ensuite ses lumières à la fois dans les degrés inférieurs de l'enseignement, en formant de bons professeurs, et dans la société en général. La géographie se présente encore aujourd'hui à l'état où se trouvaient, au siècle dernier, la chimie telle que nous l'avaient livrée les alchimistes, et l'anatomie des empiriques, sans règles précises ni nomenclature raisonnée, sciences de fait et non d'observation. Grâce à l'étude des faits comparés, la chimie et l'anatomie, sous l'influence du génie des Lavoisier et des Cuvier, sont devenues de nos jours des sciences véritables, permettant d'entrevoir des vérités au delà des faits connus et constatés et de guider les recherches nouvelles; déjà les travaux de géographie comparée de Karl Ritter permettent d'entrevoir un avenir semblable pour la géographie. Dans les écoles spéciales, on doit reprendre en entier l'étude de la géographie, pour constituer ce qu'on nomme la géographie militaire, médicale, économique, etc., alors que rien, ou tout au moins fort peu de chose, n'a été préparé dans l'enseignement pédagogique pour faciliter ces études particulières. Cet enseignement ne peut être réformé que par des hommes ayant acquis de solides connaissances scientifiques et philosophiques. >

Le lauréat du concours, M. Antoine Stauber, du Realgymnasium d'Augsbourg (Bavière), s'exprime ainsi dans son Mémoire: «Il veut, dit M. Wauwermans, que la géographie soit enseignée par des maîtres capables et éprouvés; - que` son enseignement soit considéré comme obligatoire dans les écoles primaires; qu'elle soit rendue attrayante comme les sciences naturelles; enfin, qu'à tous les degrés d'instruction, elle soit étudiée comme une science spéciale, une science existant par elle-même (selbständige Wissenschaft). Il insiste avec force et raison sur la nécessité de ne pas considérer dans l'enseignement moyen la géographie comme une annexe de l'histoire. Elle doit être enseignée,` dit-il, dans toutes les classes des athénées, aussi bien pour la section des humanités que pour la section professionnelle1, par des maîtres spéciaux, ayant donné des preuves de capacité et puisé leur instruction dans des écoles supérieures. Pour rendre cet enseignement attrayant, comme le veut l'auteur et enlever aux faits accumulés leur aridité, il faut, en effet, des professeurs très instruits. »

La conclusion rationnelle de ces vues ne doit-elle pas être l'organisation d'un institut pratique, annexé à la Faculté ou à l'École de géographie ?? Le jury l'a pensé et le rapporteur l'a dit d'une façon catégorique.

Le triomphe en Belgique d'idées si souvent formulées ici ne pouvait nous être indifférent.

Si la marche à suivre dans l'enseignement de la géographie ne se dégage pas avec autant de netteté des travaux des concurrents, les progrès de la méthode

1. On sait qu'en France tout un groupe de pédagogues voudrait réserver la géographie pour le seul enseignement secondaire spécial.

2. Un manuscrit belge, dépassant la mesure, « tendrait, dit le rapporteur, à créer un véritable ministère de l'instruction publique géographique, entrainant à des dépenses énormes et entravant même le progrès par l'action bureaucratique, inévitablement routinière, substituée à l'initiative des particuliers >>.

topographique s'affirment, dans le rapport du général Wauwermans, par des considérations telles que celles-ci : « C'est surtout dans les études locales poursuivies d'une manière attentive, par des observations réitérées, qu'un voyageur belge trouvera moyen de fixer ses idées sur les questions qui auront pour lui le plus d'intérêt. L'Escaut sera pour lui un laboratoire plus sérieux que le Mississipi1, pour étudier les variations incessantes d'un fleuve travailleur, car il pourra suivre, l'histoire à la main, ses transformations d'une façon plus complète qu'il ne lui serait donné de le faire par des relations toujours insuffisantes et même par une exploration rapide du grand fleuve américain. »

Nous n'avons pas le loisir aujourd'hui de comparer les mérites respectifs de la méthode intuitive et de la méthode déductive, de la méthode analytique et de la méthode synthétique en géographie 2. Cela nous conduirait trop loin. Nous disions dans notre étude sur la Géographie et les humanités : « La terre ellemême, quand cela sera possible; la carte, dans tous les autres cas : voilà la règle invariable3. » Nous nous tenons à cette formule.

Rendons grâce à l'initiative du chef d'État qui a soumis cette grande cause méconnue de l'enseignement géographique à une sorte de plébiscite international », et félicitons son digne interprète, M. le général Wauwermans, de ce rapport lumineux et décisif en faveur des solutions que nous poursuivons.

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LUDOVIC DRAPEYRON.

1. M. Wauwermans cite un exemple probant : « Le Rhin, qui est à nos portes, fut la seule << source expérimentale » où Ritter puisa ses principales idées. »>

2. Un des manuscrits, mentionnés honorablement, celui de M. Richard Owen, professeur à New-Harmony (Indiana), distingue aussi la géographie statique, purement descriptive, et la géographie dynamique, qui comprend l'étude des faits physiques tendant à modifier la forme du sol.

3. D'après le rapport, M. Owen dit encore: « L'oeil communique plus d'impressions que l'oreille n'en perçoit. >>

4. Le rapport de M. Wauwermans contient un exposé assez détaillé de la méthode de M. J.-B. Gochet (frère Alexis-Marie).

5. Expression de M. Wauwermans lui-même.

6. Le lauréat du concours,, le professeur M. Stauber, dit expressément : « Au cours universitaire se rattachera une Ecole normale destinée à former des professeurs de géographie, dans laquelle on instituera des conférences et des discussions entre élèves. » Il réclame également en faveur de la topographie à base géographique physique ». N'est-il pas regrettable que notre Congrès de Géographie ait en 1886 manœuvré à contre-sens, se laissant devancer par la Bavière, qui propose, et par la Belgique, qui approuve? Mais ce n'est pas trop compter sur le patriotisme de nos contradicteurs que d'espérer les voir prochainement venir à résipiscence. On trouvera le texte complet du rapport de M. Wauwermans dans le Bulletin de la Société royale de Géographie d'Anvers, t. XI, 4° fascicule, p. 420-464, et dans celui de la Société royale belge de Géographie (Bruxelles), onzième année (1887, n° 3), p. 246-287.

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CORRESPONDANCE ET COMPTES RENDUS CRITIQUES

DES SOCIÉTÉS DE GÉOGRAPHIE ET DES PUBLICATIONS RÉCENTES

A Monsieur Ludovic Drapeyron.

Cayenne, le 1er juillet 1887.

Mon cher Directeur,

Les grandes pluies étant passées, je pars le 19 courant, avec l'aviso l'Oyapock, pour Saint-Laurent du Maroni, où je vais prendre Apatou, le fidèle compagnon de mon regretté prédécesseur le docteur Crevaux. Apatou m'a fait savoir qu'il m'attend pour m'accompagner dans mes pérégrinations. Il reprend la carrière des voyages dans l'espérance que je le ramènerai en France, ma mission terminée. L'accueil qui lui a été fait à la Société de Géographie et ailleurs, lors de ses précédents voyages en France, a fait sur lui la plus profonde impression. Aujourd'hui il rêve de nouveaux lauriers.

Après trente jours de pirogue, j'arriverai chez les Indiens Roucouyennes du versant nord (et incontesté) des Tumuc-Humac, par environ 2° 30′ N. et 56° 0. De chez mes premiers Roucouyennes, j'irai à travers le pays, de village indien en village indien, par les montagnes. Je vous expédierai, à mon arrivée chez les Roucouyennes, par le retour des nègres Bonis qui vont me conduire, un courrier qui sera le dernier avant mai 1888. Vous recevrez ce dernier courrier de l'année courante par le paquebot d'octobre. Une fois au milieu des TumucHumac, je ne pourrai plus correspondre avec la Guyane civilisée. Il est inutile que j'essaie d'écrire avant mon retour à Cayenne, à la fin du prochain hivernage, vers mai 1888, pour me ravitailler.

Jusqu'en octobre, et croyez-moi, mon cher directeur,

Votre tout dévoué,

HENRI COUDREAU.

Rome, ce 25 juin 1887.

Monsieur le Directeur,

Vous vous rappelez, sans doute, que la présidence du comité ordonnateur du troisième Congrès international de Géographie était chargée de prendre les arrangements nécessaires pour la réunion du quatrième Congrès. Évidemment la première condition de tout arrangement était d'être fixé sur l'endroit où le prochain Congrès pourrait se tenir. Notre soin a donc été de faire appel aux personnes compétentes ou qui pouvaient avoir quelque influence en cette

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