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delà des Vosges le corps qui est à Nancy, et je donnerais une bataille ayant pour ligne d'opération Metz.

» 3° Se porter demain sur Joinville et Chaumont, d'où je prendrais ma ligne sur Bar-sur-Aube et Troyes.

» 4° Aller sur Brienne ou Bar-sur-Aube; on passerait par Vassy et l'on serait demain très près de Bar-sur-Aube.

» Le plus raisonnable de ces projets paraît être celui qui s'appuie à Metz et à mes places fortes, et qui approche la guerre des frontières. En effet, de Saint-Dizier à Metz, par Bar-sur-Ornain et Pontà-Mousson, il y a vingt-neuf lieues de poste; à Nancy, par la même route, il y a trente lieues; par la route directe de Saint-Dizier à Nancy, par Toul et Void, il n'y a que vingt-deux lieues. »

En prolongeant son séjour à Saint-Dizier et en hésitant de trop longues heures entre la direction de Metz et celle de Paris (ce qui prouve bien qu'il n'était guère mieux renseigné sur l'ennemi dans les derniers jours de la campagne de France', qu'il ne l'avait été durant toute campagne de Russie), il permit aux alliés de lui « dérober trois marches ». Paris était bien perdu pour lui.

Mais il ne faiblissait pas.

Le 31 mars, jour de l'entrée des souverains à Paris, s'adressant une dernière fois au prince de Wagram, il disait :

Écrivez au préfet d'Orléans pour lui annoncer la malheureuse nouvelle de l'occupation de Paris par l'ennemi, que mon arrivée aurait empêchée si on avait retardé trois heures. Prévenez-le de la réunion qui va avoir lieu à Orléans et recommandez lui de rassembler et de préparer des vivres pour les troupes. Le point de pivot sera Orléans. Le ministère et le gouvernement se réuniront à Orléans. >>

La question de l'évacuation de Paris avait été l'objet, entre l'empereur et le roi Joseph, d'une importante correspondance. Fait à

1. Durant toute la campagne de Franee, il vécut au jour le jour comme informations topographiques, comme le prouve ce billet au maréchal Victor (Correspondance, 26 janvier 1814): « Faites faire un petit croquis de Saint-Dizier selon que vous l'avez reconnu, afin qu'à mon arrivée je puisse voir comment l'attaquer. »

2. Correspondance, 3 avril 1814 « L'ennemi nous a dérobé trois marches; il est entré dans Paris. Le 17 février 1814, il écrivait à Caulaincourt, son ministre des affaires étrangères : « Je vous ai donné carte blanche pour sauver Paris et éviter une bataille qui était la dernière espérance de la nation. La bataille a eu lieu la Provividence a béni nos armes. J'ai fait 30 à 40 000 prisonniers; j'ai pris deux cents pièces de canon, un grand nombre de généraux et détruit plusieurs grandes armées presque sans coup férir. J'ai entamé hier Schwarzenberg, que j'espère détruire avant qu'il ait repassè nos frontières. » En fait, il avait donné à Paris quarante jours de répit. Un répit de quarante a cinquante jours pour Paris: nous définirions ainsi volontiers la campagne de France.

noter c'est le roi Joseph qui, dans cette circonstance, voyait topographiquement le plus juste :

« Les hommes attachés au gouvernement de Votre Majesté, lui mandait-il, craignent que le départ de l'impératrice ne livre le peuple de la capitale au désespoir et ne donne une capitale et un empire aux Bourbons'. »

Après avoir, au mois de février, affirmé que Paris ne serait jamais occupé de son vivant, il ordonnait, au mois de mars, à son frère de l'évacuer dès qu'il serait sérieusement menacé 2.

Depuis que le monde est monde, je n'ai jamais vu qu'un souverain se laissât prendre dans des villes ouvertes. Ce malheureux roi de Saxe eut le tort de se laisser prendre dans Leipzig: il perdit ses États et fut prisonnier3. >

Que Paris n'eût pas été fortifié de manière à pouvoir résister quelques semaines au moins: voilà le grave tort de Napoléon, de Joseph et de Clarke. M. Thiers a fort bien dit, dans son Histoire du Consulat et de l'Empire, tome XVII, page 589:

« Les hauteurs de l'Étoile, de Montmartre, de Saint-Chaumont, de Romainville, étant couvertes de fortes redoutes et d'artillerie, la ville étant barricadée et défendue par la population, l'armée étant distribuée entre les barrières les plus menacées, mais réservée surtout pour occuper le plateau de Romainville, une résistance non pas invincible assurément, mais prolongée quelques jours au moins, pouvait être opposée à la coalition, et donner à Napoléon le temps sur lequel il avait compté, n'imaginant pas que la défense de Paris se réduisit à une journées, c'est-à-dire au nombre d'heures que 25 000 hommes mettraient à se battre en rase campagne contre 200 000 hommes. Mais on n'avait pas songé à faire ces études de terrain. »

Paris et Napoléon lui-même, devenus victimes de la topographie, aussi négligée sur ce point en 1814 qu'elle devait l'être en 1870 dans l'ensemble des premières opérations, voilà ce que nous montre la

1. Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph, publiés, annotés et mis en ordre par M. A. du Casse, t. X, p. 30.

2. Correspondance, 16 mars 1814. « Si l'ennemi avançait avec des forces telles que toute résistance fùt impossible... >>

3. Id., 8 février 1814.

4. Nous renvoyons à M. Thiers historien, géographe et homme d'itat, par L. Drapeyron.

5. Le 7 février 1814, il écrivait à Clarke « Tenez ferme aux barrières de Paris; faites placer deux pièces de canon aux différentes barrières. Que la garde nationale, qui a des fusils de chasse, y ait des postes. >>

terminaison fatale de la campagne de France'. Bien grave enseignement !

Par un singulier revirement de fortune, Napoléon entre sans coup férir, l'année suivante, dans ce Paris, où il ne lui avait pas été donné de revoir sa femme et son fils.

La coalition demeure fermement unie et on peut prévoir que ses armées, dans un laps de temps assez court, enserreront nos frontières, Paris et l'empereur lui-même.

L'empereur attendra-t-il leur arrivée ?

Ce serait contraire à son tempérament et à son génie. Mais on ne saurait lui reprocher d'avoir couru avec décision à l'une des armées de la coalition, car en la détruisant, il aurait précisément tenu en échec cette concentration funeste.

Ce n'est pas la campagne de Belgique qui a été incriminée, mais bien la manière dont elle a été conduite, tant par l'empereur que par ses lieutenants. C'est principalement sur la bataille de Waterloo que le débat a porté.

Avec le colonel Charras, dont le critérium topographique nous semble excellent, il est bon de constater que, le 18 juin 1815, Napoléon était malade. «Souffrant de deux affections, d'une surtout qui lui rendait très pénible les mouvements du cheval, il resta pied à terre presque toute la journée, voyant peu par lui-même ou voyant mal, et obligé surtout de juger de l'état successif des choses sur des rapports qui purent l'induire en erreur plus d'une fois. >

C'est au même auteur que nous emprunterons encore un résumé

1. Charras dira fort bien: « Dans cette campagne de France où l'empereur avait retrouvé souvent les merveilleux élans, la prodigieuse activité, le génie militaire du général de la République, la coalition n'avait dù la victoire décisive qu'à l'incroyable incurie qui avait laissé Paris sans fortifications, sans défense préparée, hors d'état de tenir deux jours. »

2. Charras: listoire de la campagne de 1815, Waterloo, 2 vol. 6° édition, la première publiée en France, avec atlas, 1869, Armand Le Chevalier, éditeur.

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3. Dans sa pénible situation il cherche du moins à être le plus présent » possible, quoique trop éloigné des combattants. Charras lui-même écrit: Après avoir parcouru les lignes de l'armée, Napoléon vint se placer au point le plus élevé des hauteurs de Rossomme, un peu à droite de la ferme de ce nom et de la chaussée de Bruxelles, sur le bord d'un chemin qui conduit au village de Plancenoit. De là il découvrait tout le terrain, jusqu'au joint de l'armée anglo-hollandaise. On lui apporta, de la ferme voisine, une table, une chaise grossière, qui furent placées sur un lit de paille; il descendit de cheval et s'assit, la carte du pays déployée devant lui. »

4. Où le colonel Charras nous semble exagérer, c'est lorsqu'il nous représente Napoléon en pleine décadence physique et intellectuelle. Sa décadence physique s'annonçait, il est vrai, par quelques défaillances que nous avons notées, mais elle ne s'accusa d'une façon continue qu'à Sainte-Hélène, à partir de l'année 1817. Quant à sa décadence intellectuelle, nous n'y croyons pas, et ses défaites elles-mêmes, nous l'avons vu, ne suffisent pas à l'établir.

substantiel, qui n'a peut être qu'un tort, celui d'affecter la forme d'un acte d'accusation.

« Dans cette lamentable journée de Waterloo, les fautes furent assez nombreuses, assez graves pour expliquer la catastrophe, sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir la puissance mystérieuse de la fatalité.

» Ces fautes se résument en quelques mots1:

» La bataille commença quatre heures plus tard qu'elle n'aurait dù commencer;

L'attaque de Goumont, qui ne devait être qu'une diversion, fut conduite comme une attaque principale et absorba, sans compensation suffisante, une masse d'infanterie qui manqua bientôt pour soutenir la cavalerie de réserve;

>> Les dispositions pour cette attaque furent prises sans la moindre prévoyance; et il en fut de même contre la Haic-Sainte, Papelotte et la Haie;

» L'attaque de l'aile gauche de Wellington s'opéra dans un ordre défectueux et sans soutien assez proche de cavalerie; on y renonça, au lieu de la renouveler en y employant les réserves;

>> Au lieu d'occuper les défilés de Lasne, on attendit Bulow en deçà du bois de Paris;

>> L'attaque centrale se fit avant d'avoir été assez préparée par l'artillerie, et la cavalerie qui en fut chargée ne fut pas appuyée par de l'infanterie;

» Cette même attaque fut reprise avec de l'infanterie seulement, la cavalerie qui aurait dû y coopérer se trouvant épuisée par une lutte de près de trois heures;

>> Enfin, on s'exposa à un désastre, on le subit, pour s'être acharné après le succès quand, malgré la bravoure de ses troupes, le succès n'était plus possible, quand il aurait fallu se hater de battre en retraite. »

Ce qui est certain, c'est que Napoléon a cru trop facilement qu'il avait, l'avant-veille, à Ligny, battu d'une façon complète et inutilisé, pour quelques jours au moins, le feld-maréchal prussien Blücher. Or, dit très bien le colonel Charras : « Si on le considère seulement

1. Nous renvoyens à la carte du champ de bataille de Waterloo, dans l'atlas qui accompagne l'ouvrage du colonel Charras.

2. Mémorial, t. I, p. 293: « Le succès à la guerre tient tellement au coup d'œil et au moment, que la bataille d'Austerlitz, gagnée si complètement, eût été perdue si j'eusse attaqué six heures plus tôt. »>

REVUE DE GLOR.

SEPTEMBRE 1887.

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du point de vue où Napoléon le conçut, c'est-à-dire sans tenir compte de la probabilité de l'intervention prussienne, le plan de bataille est très beau, très solide; il révèle le chef habitué à combiner les plus grandes actions de guerre; il défie le critique. Mais, cette intervention se produisant, il est immédiatement ruiné par la base; il n'est plus exécutable. >>

Comme l'a montré le même écrivain, si Napoléon avait eu la crainte, salutaire en ce jour, du général Blücher, il aurait dirigé son attaque principale contre les Anglais sur un autre point'.

A Waterloo, en définitive, qu'est-ce qui l'emporte? La connaissance topographique du champ de bataille 3, et c'est la réflexion que nous faisions nous-même lors de notre visite (1879)3. Wellington avait choisi et reconnu son terrain depuis quelques jours. Contrarié par la pluie battante et surtout par une indisposition momentanée, Napoléon n'avait pu, cette fois, bénéficier de ce regard si pénétrant et si sûr qui lui avait maintes fois donné la victoire.

Grâce à son incomparable organe visuel, à son coup d'œil transcendant, il était devenu le premier général des temps modernes; mais il suffit de circonstances vulgaires qui en paralysèrent l'action, dans un moment décisif, pour le condamner au plus lamentable échec et au plus dommageable pour la France. Et c'est dans la nuit que Napoléon, devenu invisible et impuissant, s'effondra inopinément. Lui-même l'a constaté dans un document célèbre.

«Une terreur panique se répandit tout à la fois sur tout le champ de bataille; on se précipita dans le plus grand désordre sur la ligne

1. A Waterloo, le centre étant la partie la plus forte de la ligne anglo-hollandaise, le but à atteindre était de s'emparer de la route de Bruxelles, de rejeter Wellington sur Braine-l'Alleud et de l'éloigner de Blücher (Charras). De son côté Jomini (Précis de l'art de la guerre, livre I, chap. 111, art. 22, p. 297), dit : « Battu à Ligny et réfugié à Gembloux, puis à Wavre, Blücher n'avait que trois lignes stratégiques à choisir, celle qui menait droit à Maëstricht, celle qui allait plus au nord sur Venloo, ou bien celle qui menait à l'armée anglaise vers Mont-Saint-Jean. Il prit audacieusement la dernière et triompha par l'application des lignes stratégiques intérieures que Napoléon avait négligées pour la première fois peut-être de sa vie. »

2. Jomini. (Précis de l'art de la guerre, t. I, chap. 111, art. 20, p. 221). « Une armée ne saurait occuper sûrement une position stratégique, sans prendre la précaution d'avoir une cu deux positions tactiques connues d'avance, a l'effet d'y réunir l'armée, de recevoir l'ennemi et de le combattre avec toutes les forces dispensables, lorsque ses projets seront bien démasqués. C'est ainsi que Napoléon avait préparé ses champs de bataille de Rivoli et d'Austerlitz, Wellington celui de Waterloo, et l'archiduc Charles celui de Wagram. >>

3. Voir ce que nous en disons dans notre Excursion en Belgique (novembre 1879). 4. Le général Rognat (Considérations sur l'art de la guerre), p. 345, exagère sans doute, quand il écrit: « Le général anglais, sur ce champ de bataille étudié d'avance, avait profité de toutes les hauteurs pour y placer avantageusement son artillerie, et de tous les mouvements de terrain pour dérober son infanterie à ses coups. » 5. Correspondance, Bulletin de l'armée, Laon, 20 juin 1815.

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