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et la fierté sont les principaux traits qui caractérisent les nobles polonais. Les bourgeois habitant les villes sont peu considérés et tenus dans un état de médiocrité. Ils ne peuvent avoir de maisons que dans les villes où ils demeurent, et quelques petites terres à une lieue à l'entour. Les paysans sont des hommes grossiers, la plupart serfs des gentilshommes, fort pauvres et misérables. Tout le fruit de leur travail est pour le noble polonois, et on ne leur laisse que le nécessaire pour vivre.

» Les habitants de la Prusse sont un mélange de différentes nations qui conservent leur langue et leurs anciens usages. Il y a d'abord des Prussiens propres, des Lithuaniens, des Polonais et des Allemands, et c'est le plus grand nombre. Il y ensuite des François, des Anglois, des Hollandois, répandus par tout le royaume, et des colonies de Suisses et autres qui habitent un canton particulier. Tous ces peuples sont en général forts et laborieux. La noblesse est composée pour la plus grande partie de familles allemandes. Les sujets des biens nobles sont généralement serfs, mais tous les autres paysans et les colons sont libres.

>> Les Hongrois sont d'un tempérament sanguin et bilieux, inconstants, vindicatifs et cruels. Leur noblesse est très nombreuse et autant civilisée qu'aucune autre de l'Europe. Elle jouit de privilèges considérables.

> Les Croates sont extrêmement hardis, intrépides et même féroces. Ils naissent pour ainsi dire soldats. Dès leur enfance, ils s'exercent aux armes.

>> Les Bohémiens sont de belle taille, robustes, vigoureux, bons soldats, assez spirituels et affables aux étrangers, mais sujets à s'enivrer et adonnés au larcin.

» Les Allemands sont robustes, bons soldats, fidèles à leurs princes, francs, laborieux, fort adroits dans les ouvrages de mécanique, et généralement propres à toutes les sciences. Ils ont dixneuf universités, plusieurs académies, et un très grand nombre d'écoles. Ils aiment naturellement la guerre, tous les exercices du corps, la bonne chère et le vin. Leur noblesse est la plus pure, ne se mésalliant presque jamais; ce qui vient en partie de ce que la plupart des abbayes et autres bénéfices, qui sont électifs, exigent chez eux des preuves d'une ancienne noblesse.

<« Les Portugais sont fiers, graves, assez laborieux, mais grands commerçants, bons soldats et habiles pilotes.

» Les Espagnols ont une gravité naturelle qui les distingue des autres nations. Ils sont spirituels, fermes dans leurs résolutions, et patients dans les maux: mais présomptueux, méfiants et très paresseux. Les femmes y sont peu fécondes, et les ecclésiastiques en très grand nombre, ce qui, joint au bannissement des Maures et au grand nombre d'habitants qui en sont sortis pour les colonies, fait que l'Espagne est aujourd'hui très mal peuplée.

» Les Italiens sont polis, spirituels et très habiles dans les arts et les sciences; mais moins guerriers que la plupart des autres nations de l'Europe. On les accuse d'être jaloux, méfiants et très vindicatifs. Les femmes n'y ont non plus qu'en Espagne et en Portugal la même liberté qu'en France.

» Les Hollandais sont très laborieux, économes, modestes dans leurs habits et leur manière de vivre, peut-être jusqu'à l'excès. Ce sont, sans contredit, les plus habiles commerçants du monde, mais intéressés et avares. L'amour de l'argent est leur passion favorite.

» Les Suisses sont forts, robustes, courageux, francs et fidèles, mais grands buveurs. Leur infanterie passe pour la meilleure et la plus forte de l'Europe, et plusieurs puissances en ont constamment à leur service.

» Les Turcs ont en général le teint basané, le corps robuste et bien fait, beaucoup de gravité, mais peu de goût pour les sciences et les arts. »

Il faut abréger. Quand on a tenu en main les documents que nous venons d'analyser, on arrive tout naturellement à cette conclusion: les Buache ont pu faire des princes qui leur étaient confiés, surtout de l'un d'entre eux, Louis XVI1, des amis de la géographie2; ils n'ont pu en faire des hommes d'État.

C'était beaucoup de leur avoir appris que la France n'était pas le

1. Au Temple, on nous le représente donnant des leçons de géographie au dauphin, un globe terrestre sous les yeux, ce même globe que le moyen âge mettait entre les main de souverains qui étaient sensés le posséder, mais ne le connaissaient guère. 2. Dans son rapport au nom de l'Académie des sciences, sur le globe géographique de Dom Bergevin, actuellement conservé à l'Observatoire de Paris, qu'il a signé avec de la Lande et le marquis de Chabert, Buache II dit avec autorité: « La connaissance particulière que le roi (Louis XVI) a de la géographie, et l'intérêt qu'il prend à son avancement, lui ont fait désirer de voir réunies sur un nouveau globe toutes les richesses qu'elle a acquises jusqu'à ce jour, et M. le comte de Vergennes s'est empressé de faire exécuter celui dont nous allons rendre compte. » Voir dans la Revue scientifique du 7 mai 1887, l'article de M. E. Maindron (Le globe géographique de l'Observatoire de Paris); dom Bergevin s'était conformé au système des bassins : « Les montagnes sont faites au pinceau; elles se distinguent d'une manière frappante, et l'on en voit au premier coup d'œil toute leur continuité ou leur enchainement, que l'auteur a eu soin de représenter. »

monde et que pourtant elle devait, par voie de découvertes et de colonisation, agir sur le monde. Sous ce rapport, il n'est pas jusqu'au comte d'Artois, le futur Charles X, auquel on dut plus tard la conquête d'Alger, qui n'ait profité des leçons que lui avaient données les Buache.

Mais il faut avouer que celui des trois frères royaux qui a ramassé, sinon reconquis, par deux fois sa couronne et a fini son existence sur le trône a dû apprendre beaucoup plus de géographie vraie et de politique avisée dans ses courses forcées à travers l'Europe que dans les entretiens des Buache, lesquels ne lui avaient guère montré la France, l'Europe et le Monde qu'à travers une sorte de brouillard.

Ce qui affligera ceux qui liront d'un bout à l'autre le manuscrit de Monteil, c'est la condition besogneuse à laquelle se trouvait réduit un membre de l'Académie des sciences, premier géographe du roi, chargé de l'éducation géographique des petit-fils de Louis XV. Peu ou point d'appointements réguliers, des gratifications aléatoires, des demandes humbles et fréquentes toujours suivies de promesses et rarement d'effet. Le Pactole était décidément une rivière dont le premier géographe du roi n'avait pas reconnu le

cours.

LUDOVIC DRAPEYRON.

LA NOUVELLE FRONTIÈRE

ENTRE

LA RUSSIE ET L'AFGHANISTAN1

On trouvera plus loin une petite carte de cette frontière, dressée d'après les documents officiels récemment publiés. Au point de vue de la géographie physique, la frontière présente une particularité remarquable et curieuse : elle sépare les steppes nues de la Turkménie russe des pays plus ou moins productifs, souvent très fertiles, attribués à l'Afghanistan. Au point de vue de l'ethnographie, elle partage les tribus turkméniennes en deux groupes: 1° le plus grand, soumis à la Russie et composé des Yamoudes, des Tekkés, des Salors (en partie), des Saryks, des Kara-Turkomans, et, on peut ajouter, des Ersaris, quoique ces derniers soient sujets boukhariens; et 2° le plus petit, formé des Aliélis et d'un certain nombre d'Ersaris, devenus, depuis le 22 juillet, « citoyens » afghans. Peutêtre même, dans ce dernier groupe, trouverait-on quelques fugitifs de la Turkménie russe, aussi bien que dans cette dernière contrée on rencontrerait quelques Turkomans sujets de l'émir de Caboul ou de celui de Boukhara. Le « principe ethnographique » hautement proclamé en 1885 a été évidemment négligé par les commissaires russes et anglais qui, en 1886-1887, ont été chargés de la délimitation; et tout a été sacrifié à la réalisation des projets stratégiques du gouvernement britannique, qui peut à présent se réjouir de son plein succès.

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La longueur totale de la frontière, à partir de Zulfagar, sur le Héri-roude, jusqu'à Khodja-saleh, sur l'Oxus, dépasse 640 kilomètres. Nulle part elle n'est marquée par des accidents naturels de quelque importance: fleuves, lacs, chaînes de montagnes, etc. C'est

:

1. Voir 1° Délimitation afghane, recueil des documents officiels, publié par le ministère des affaires étrangères, à Saint-Pétersbourg, en 1885; 2° Correspondance respecting the affairs of central Asia, publiée en 1887 Blue-Book, n° 5, 114; 3° Notes manuscrites de l'auteur, attaché à l'état-major général russe pour les affaires asiatiques, en 1869-1876; 4° Journaux russes, anglais et anglo-indiens; 5o Correspondance particuliere de l'auteur avec les personnes qui ont pris part aux événements dans l'Asie centrale, depuis 1859 jusqu'à 1887.

REVUE DE GÉOGR. -OCTOBRE 1887.

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à peine si on voit une partie de la ligne frontière passer par les sommets des collines secondaires qui limitent au nord le bassin de la rivière Kaïssor, affluent du Mourghâb. Dans la partie russe du pays partagé, on ne trouve que quatre rivières: le Héri-roude inférieur (Tedjent), presque à sec pendant l'été, le Kouchk, le Kachan et le Mourghâb inférieur, car il ne faut pas compter l'Amou-daria en aval de Khodja-saleh, où les deux rives de ce fleuve appartiennent à l'émir de Boukhara. Dans la partie afghane, entre les méridiens du Zulfagar et de Khodja-saleh, et entre le parallèle de ce dernier point et l'Hindoukouch, nous pouvons, au contraire, compter des rivières par centaines et en trouver de très abondantes en eau, comme le Héri-roude supérieur, le Moghour, le Mourghâb supérieur, le Kaïssor, le Sanglak, avec ses nombreux affluents, et le Sary-poul avec d'autres affluents, encore plus nombreux, enfin l'Oxus en amont de Khodja-saleh. Cette abondance d'irrigation naturelle permettra aux Afghans d'établir de nombreuses colonies, tandis que du côté russe de la frontière, aucune colonisation n'est possible sur toute l'étendue du désert qui sépare le Mourghâb de l'Oxus, c'est-à-dire sur 370 kilomètres, suivant la ligne de démarcation.

Nous n'avons pas besoin d'entrer dans les détails de la délimitation qui sont décrits dans les protocoles officiels, plus ou moins longs, secs et ennuyeux. Il nous suffit de dire que les commissaires russes et anglais ont établi soixante-dix poteaux le long de la frontière, que vingt points astronomiques ont été déterminés, dans les pays délimités, par l'astronome russe Guédéonoff', et qu'une partie considérable du Turkestan afghan a été explorée et représentée sur la carte par les topographes anglais qui n'y laissaient point pénétrer les topographes russes. En outre, les altitudes de nombreuses localités ont été déterminées par les observations barométriques de géodésiens de deux nationalités, qui ont trouvé que le point culminant de la ligne de démarcation atteint à peine 975 mètres au-dessus de la mer. Ce dernier fait prouve que jamais ces collines ne produiront d'arbres; car dans le climat sec de l'Asie centrale, sous le 37° degré de latitude, la région de végétation arborescente ne commence qu'à la hauteur de 1700 mètres et même plus haut, à l'exception des gorges profondes et étroites, au fond desquelles jaillissent des torrents. Comme il n'existe pas de pareils torrents du côté septen

1. En voir la liste dans la Revue de Géographie, 1887, aoùt.

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