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trional de la frontière, les Russes ne trouveront dans le pays récemment annexé ni bois de construction, ni arbres fruitiers; ils n'y trouveront pas même d'herbe en quantité désirable, car les trois quarts du pays en question sont couverts de sable et le restant de rochers plus ou moins dénudés par la sécheresse de l'air, par le pâturage des bestiaux et par les rares pluies torrentielles qui emportent la couche superficielle du sol au lieu de la fertiliser. Les oasis propres à l'agriculture sont situées dans les vallées du Hériroude inférieur, près de Séraks (probablement 20 ou 25 kilomètres carrés), du Kouchk (de 45 à 50 kilomètres carrés), du Mourghåb (de 5 à 4000 kilomètres carrés), où se trouve la plaine fertile de Merw1. La partie productive de la vallée de l'Oxus est de largeur variable, de 2 à 10 kilomètres; mais elle est déjà occupée par les Ouzbegs, les Tadjiks et les Turkomans-Ersaris, sujets de Boukhara. Les Russes n'y sont représentés que par la garnison de la forteresse de Kerki, composée de deux bataillons, d'une batterie et d'un escadron chargé de la défense du pays contre les Afghans, établis à Khodja-saleh ou dans le district de Khamiab.

La pauvreté des résultats acquis par la Russie, après de longues et laborieuses négociations, dans le pays où tout le monde la considérait déjà comme souveraine, nous conduit naturellement à cette question comment cela s'est-il fait ? La réponse est assez instructive. Une fois de plus, il devient évident que les grands mouvements historiques sont souvent subordonnés à des influences à peine. perceptibles, mais puissantes; qu'à côté des grands Léviathans qui s'appellent peuples, des microbes qu'on nomme diplomates et bureaucrates agissent et rongent par-dessous l'édifice que les premiers veulent élever. L'histoire de la « question afghane » n'est pas longue. Il y a à peine quinze ou seize ans que le prince Gortchakoff, alors ministre des affaires étrangères en Russie, se rencontra, par hasard, avec un homme d'État anglais, lord Clarendon ou lord Granville, si la mémoire ne me trahit pas, dans une petite ville d'eaux, en Allemagne. Entre poire et fromage, ils causèrent des progrès de la Russie dans l'Asie centrale, et le ministre anglais insista sur la nécessité de mettre fin à cette marche continue des Russes vers l'Inde. Gortchakoff, en homme affable mais superficiel et

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1. A partir du mois d'août 1887, toutes les terres cultivables et disponibles (non occupées) dans la vallée du Mourghàb sont devenues propriété personnelle de S. M. Alexandre III, empereur de toutes les Russies.

absolument étranger à l'histoire, à l'ethnographie et à la géographie de l'Asie, approuva les idées du ministre anglais, et, au retour des deux interlocuteurs dans leurs pays respectifs, des pourparlers officiels sur le sujet furent engagés. Dans ces pourparlers les diplomates russes se sont distingués par une qualité, que leur attribue sir Ch. Dilkes dans son livre sur l'Europe en 1887, à savoir par l'ignorance complète de ce qui a lieu hors de la Russie, même à ses portes. Les Anglais leur assurèrent que la limite septentrionale de l'Afghanistan sous Dost-Mohamed, qui devait être prise pour la limite définitive de ce pays, passait au nord-ouest du Maïméneh et au nord du Badakchan, et M. Gortchakoff et son alter ego dans la sphère asiatique, Strémooukhoff, s'inclinèrent devant cette interprétation arbitraire et fantastique des faits géographiques. En vain le baren Brunnow, ambassadeur de Russie à Londres, faisait observer en 1873 à son chef hiérarchique que le Maïméneh était, à cette époque, indépendant, et qu'au Badakchan les Afghans n'avaient paru qu'à titre d'adversaires du souverain légitime et également indépendant de ce pays, Jehandar-khan, qui continuait la lutte contre les envahisseurs; on répondit à ses dépêches patriotiques, mais gênantes, par la révocation et la mise à la retraite de leur auteur, qui cependant représentait dignement la Russie depuis vingt-trois ans à Paris et à Londres. Le fameux comte Schouvaloff, tout-puissant chef de la police secrète et homme de talent », fut envoyé à Londres pour régler toutes les affaires asiatiques en suspens entre la Russie et l'Angleterre; mais, dès le début de sa carrière diplomatique (qui a pris fin au congrès de Berlin), ce gendarme-ambassadeur s'est montré bien au-dessous de son rôle, car il ne savait pas que l'Oxus et l'Amou-daria sont deux noms d'un seul et même fleuve. Naturellement, les diplomates anglais se sont empressés d'exploiter une pareille ignorance et ils y ont d'autant mieux réussi que le comte Schouvaloff s'occupait beaucoup moins de la politique russe en Orient que de sa situation auprès des cours de Londres et de Saint-Pétersbourg. La fille unique de l'empereur Alexandre II, Maria, devint duchesse d'Édimbourg juste la même année (1874) que Schouvaloff s'installa définitivement à Londres. Cette princesse

1. Ce qu'il a prouvé, par exemple, en 1873, par ses instructions au général Kaoufman recommandant de ne pas marcher par Kachgar en allant de Tachkent à Khiwa ». เ 2. Cette interprétation était tellement fausse en 1872-73, que deux ans plus tard le gouverneur général de l'Inde s'est fait un malin plaisir d'informer le gou vernemen russe « qu'enfin en cette année (1875) le Maïméneh avait été conquis par les Afghans ».

fut mal reçue par la reine Victoria, car elle n'avait pas voulu, dans un cortège officiel, céder le pas à la marquise de Lorne; Schouvaloff s'immisça dans cette affaire de famille et chercha à rétablir les bonnes relations entre la duchesse et sa belle-mère, pour se faire ainsi persona grata à Londres et à Saint-Pétersbourg, surtout dans cette dernière capitale, où il voulait revenir pour remplacer Gortchakoff. Pour plaire à la duchessse, à son mari et aux membres de la famille royale de la Grande-Bretagne, le représentant de la Russie faisait toutes sortes de concessions aux ministres britanniques1. Peu à peu les Russes perdirent presque tous les avantages moraux que leur avaient apportés la conquête du Khiwa et l'installation des postes russes dans le pays des Turkomans transcaspiens. Les Anglais, au contraire, firent de sérieux progrès dans l'Asie centrale, notamment dans les pays au nord du Khorassan, de Hérat et de l'Hindoukouch. Leurs agents, Baker, Napier, O'Donovan, Stewart, Mac-Gregor, etc., parcoururent les parties méridionales de la Turkménie, inspirant aux Asiatiques l'idée de l'omnipotence anglaise et de la faiblesse russe. Les subventions anglaises, en or et en armes, permirent à l'émir de Caboul de se fortifier au nord de l'Hindoukouch, de s'emparer de Maïméneh, de Badakchan, du Wakhan, d'atteindre enfin l'Oxus et même les hauteurs du Pamir... Les Russes, à vrai dire, se sont un peu vengés en 1878 en provoquant la guerre entre l'Angleterre et l'Afghanistan; mais comme ils n'ont pas tenu les promesses qu'avait faites à l'émir Schir-Ali leur fameux ambassadeur Stolétoff, bientôt ils perdirent tout crédit à Caboul. L'émir actuel, Abderrahman-Khan, n'hésitait pas un instant à prendre parti contre eux, malgré les subsides que lui avait attibués le gouvernement russe pendant son long séjour à Samarcande et les 100 000 roubles qu'il avait reçus au moment du départ pour l'Afghanistan. L'installation des Russes à Askhabad d'abord, à Merw ensuite, fit éclater l'impatience de l'émir de se voir garantir les droits souverains sur le pays au nord de l'Hindoukouch et sur le Hérat; il poussait les Anglais à faire les démarches nécessaires à Saint-Pétersbourg, où il ne pouvait pas s'adresser personnellement. Ces démarches furent faites, et la convention actuelle (du 22 juillet 1887) met fin à de longues concessions sur

1. I paralysait, par exemple, tous les projets du gouvernement russe d'aller s'installer dans l'oasis d'Akhal-Tekkés, qui ne fut conquise par Scobéleff que deux ans après le rappel de Schouvaloff, mais que les Russes auraient pu, sans trop de peine, occuper depuis 1871.

la frontière à établir entre le grand empire du nord et l'état moins que secondaire du midi.

Sir West Ridjeway, principal commissaire britannique dans l'affaire de délimitation afghano-russe, promet de nous donner l'histoire de ces négociations avec les plénipotentiaires russes, dans le pays même et à Saint-Pétersbourg. Ce sera un récit certainement plein d'intérêt; mais nous n'avons pas besoin d'attendre l'apparition de cet ouvrage du colonel anglais. Rappelons à nos lecteurs que les deux recueils principaux contenant les documents concernant la délimitation afghano-russe se trouvent déjà dans le commerce; nous les avons cités au bas de la première page de ce mémoire. Qu'ils y aient recours, s'ils désirent compléter leurs connaissances sur le sujet.

Il nous reste à ajouter que l'humiliation infligée par la convention du 22 juillet au peuple russe a déjà produit son effet moral sur les esprits des peuples asiatiques. D'après les informations anglaises, l'émir de Boukhara à écrit à son voisin de Caboul une lettre contenant la proposition de s'allier contre les Russes afin de les chasser de l'Asie centrale. Cette lettre, toujours d'après les journaux de Londres, est tombée entre les mains de l'administration russe... Il faut donc s'attendre à quelques événements importants dans la contrée qui avoisine la nouvelle frontière. Le caractère probable de ces événements est déjà prévu d'avance par le commandant en chef de l'armée britannique aux Indes, car le général Roberts a dit tout récemment : « Nous avons enfin une place d'armes au delà de l'Hindoukouch et nous sommes sûrs de battre, au Turkestan même, les Russes qui voudraient attaquer les Afghans. »

M. VENUKOFF.

LA

DÉCOUVERTE DU CANADA

PAR LES FRANÇAIS

VERRAZANO, JACQUES CARTIER, ROBERVAL

(FIN)

VI

Cartier allait à son tour disparaitre de l'histoire. Il paraît que le roi l'aurait récompensé de ses services en lui conférant la noblesse. Il est en effet qualifié seigneur de Limoilou dans un acte du chapitre de Saint-Malo, la fondation d'un obit, en date du 29 septembre 1549. Dans un autre acte du 5 février 1550 on le désigne sous le nom de noble homme, qualification qu'on ne donnait en effet qu'à ceux qui avaient été annoblis. Cette seigneurie de Limoilou était située près de Saint-Malo, à la limite des paroisses de Paramé et de Saint- Coulomb, à environ 1000 mètres de la côte. Le manoir de l'homme qui avait donné un royaume à la France a subsisté presque entier jusqu'en 1865. Les bâtiments étaient disposés des deux côtés d'une cour carrée, fermée par de grands murs à ses deux autres extrémités. Ils n'avaient qu'un étage sur rez-de-chaussée. Une tourelle ronde, en saillie sur la cour, contenait l'escalier. On entrait dans la cour par une grande porte charretière, ornée d'un écusson avec armes parlantes, un franc quartier sur le champ de l'écusson. Ce manoir et ses dépendances étaient en mauvais matériaux, le capitaine ayant gagné plus de renom que d'argent à ses expéditions. Il ont disparu en 1865 pour faire place à une maison de ferme, mais les habitants ont conservé le souvenir du grand navigateur, car le canton porte encore le nom de Portes Cartier.

On ignore la date précise de la mort de Jacques Cartier. Un érudit contemporain, M. Arthur de la Borderie, a publié en novembre 1880, dans la Revue de Bretagne et de Vendée, trois curieux documents, des arrêts du parlement de Bretagne, dont les deux premiers sont relatifs à ses compagnons et le troisième à lui-même. Ce document prouve que notre capitaine vivait encore en septembre 1555, mais

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