Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

celle des Orcades, situées bien plus au nord, est de +5, et celle des Shetland de +6. La chaleur semble donc croître dans les mers voisines de l'Angleterre à mesure qu'on s'élève vers le nord; toutes ces terres profondément découpées, ces petites îles multipliées sont enveloppées d'une atmosphère tiède. Sans cette circulation océanique, sans la tiède barrière qu'elle oppose aux vents froids du nord, les glaces flottantes arriveraient sur les côtes d'Angleterre; elle a son atmosphère spéciale qui attiédit les lourds vents d'ouest, roulant à sa surface jusque sur les côtes d'Europe; elle les charge de sa vapeur d'eau et cette vapeur se réduit en brouillards épais qui sont un obstacle à la navigation, mais qui conservent la chaleur.

La température qui baigne l'Islande est de +8° en été et de + 2o en hiver. Reykjawick a une moyenne de + 1° en hiver, quand sous la même latitude, dans le canal de Davis, Gotthaab a -8°. Le docteur Henderson rapporte qu'il s'était effrayé de passer un hiver en Islande son étonnement fut grand de trouver que, non seulement la température y était plus élevée qu'en Danemark, mais encore que l'hiver islandais ne le cédait en rien aux plus doux hivers de Suède. Les lacs près de Reykjawick ne gèlent que sur une faible épaisseur; le plus grand froid qu'on ait observé pendant une période de treize ans est de 14°, ce qui est inférieur à certains hivers en France.

Ce phénomène d'une température beaucoup plus élevée que ne le comporte la latitude est dû au courant chaud qui aborde les côtes d'Islande, courant très sensible à partir du 40° degré de latitude. Cependant des branches plus chaudes encore remontent jusqu'aux latitudes les plus élevées en fròlant la côte de Norwège. Pendant que l'hiver sévit dans les montagnes Kjölen, le littoral est plongé dans une atmosphère douce. La navigation reste ouverte toute l'année le long de la côte jusqu'au cap Nord; l'isotherme 0° se prolonge depuis le Danemark jusqu'à ce point extrème. A la latitude correspondante de Throndjem, au fond du golfe de Bothnie, la mer est gelée une partie de l'hiver; la Baltique est même. couverte de glaces dans le bassin méridional. Tandis que les fjords de la côte restent ouverts, il faut briser la glace dans la passe de Dröbak pour débloquer le port de Christiania.

L'existence des courants est affirmée par le charriage de bois d'essences tropicales, qui proviennent du golfe du Mexique et finissent, après avoir traversé l'Atlantique, par s'échouer dans les fjords,

sous la latitude d'Hammerfest. On y a aussi rencontré des bouteilles jetées à la mer près des côtes d'Amérique, pour l'étude des

courants.

La végétation profite de ce climat spécial: tandis qu'en Sibérie toute trace de culture cesse au 60° degré, en Norvège, l'orge pousse sous le 69 et l'avoine jusqu'au 70 degré. Ce développement de la végétation est aussi dù à la continuité des jours d'été ; pendant juin et juillet la nuit est nulle.

Une des branches les plus chaudes du fleuve marin qui traverse l'Atlantique remonte jusque sur la côte ouest du Spitzberg. Le capitaine Sörensen (1885) a constaté qu'au nord du Spitzberg la moyenne de l'été est plus élevée que dans le golfe de Bothnie. Dans certains endroits l'eau tiède occupe non seulement les régions inférieures ou moyennes de la mer, mais elle s'étend aussi à la surface, au milieu des champs de glace. Pendant l'été, la température superficielle s'élève jusqu'à +5o lorsque celle de l'air est de 0o.

Une autre branche, quelquefois désignée sous le nom de courant du cap Nord, se prolonge dans la mer de Barentz, jusqu'à la côte occidentale de la Nouvelle-Zemble; aussi cette mer est sillonnée tous les étés par les pêcheurs de phoques. Les navigateurs qui ont cherché à atteindre le pòle ont essayé de forcer la banquise du nordest du Spitzberg, mais l'influence des courants semble s'arrêter dans la mer de Barentz. Jusqu'à l'endroit atteint par Parry (80° 15') et la terre François-Joseph, découverte par Payer et Weyprecht, la température de l'eau oscille légèrement auprès de 0°, ce qui indique un afflux d'eau tiède se dirigeant vers le Nord et passant peut-être sous les banquises.

Dans les parages du Groenland le contraire se produit. A partir du 75 degré de latitude, tout le long de la côte, règne un courant froid qui a une longueur de 65 lieues et une vitesse de 10 milles par jour. Dans toute son étendue il est couvert d'une épaisse couche de glace, compacte et dure, dont la majeure partie provient sans aucun doute de l'intérieur inconnu du bassin polaire. Si on déduit environ un tiers de sa vaste surface, pour les places libres et les canaux, il n'en porte pas moins tous les ans une masse considérable. Ce courant peut donc être considéré comme le vrai canal de décharge des régions polaires, comme le régulateur de l'état des glaces. Il n'est pas seul; d'autres courants semblables existent dans le bassin arctique; leur puissance se manifeste partout où des saillies du sol,

au-dessus ou au-dessous des eaux, leur opposent des obstacles. En résumé, pour chaque goutte d'eau qui s'échappe du bassin arctique, il doit en affluer une autre; le courant froid du Groenland compense l'extension du gulf-stream qui se prolonge jusqu'au Spitzberg'.

(A suivre.)

JULES GIRARD,

Secrétaire adjoint de la Société de Géographie.

1. BIBLIOGRAPHIE.

Wyville Thompson, The Depths of the sea, 1873.

Mosby, Notes by a naturalist of the Challenger ».

Weyprecht, Rapp. à l'Académie des sciences de Vienne, 1873.

Mittheilungen von A. Petermann, 1869-1873.

W. Carpenter, Expedition of the « Porcupine», 1870.

Id., Memoire sur la thermodynamie et la circulation océanique, 1871.
Masqueray, Le Gulf-Stream, in Bull. de la Soc. de Géogr., octobre 1872.

Ch. Grad, Température de l'océan Glacial, in Bull. de la Soc. de géogr., octobre 1873.

W. Carpenter, Température de l'océan Atlantique nord. Expédition du Valorous. 1875.

LES COLONIES ALLEMANDES

DANS L'AFRIQUE OCCIDENTALE

Dernière venue dans la politique coloniale, l'Allemagne, en cherchant des terres sans maître où elle pût planter son drapeau, devait logiquement diriger ses efforts vers ce noir continent d'Afrique, en partie mystérieux encore. Ses commerçants, soutenus par ses diplomates et ses soldats, l'ont attaqué sur trois points principaux sur la côte occidentale, à Togo et à Kamerun, sur la côte sud-occidentale à Angra-Pequeña, enfin vers l'Orient à Zanzibar. C'est une étude rapide des colonies occidentales que nous tentons aujourd'hui.

[ocr errors]
[ocr errors][merged small]

Déjà à la fin du XVIIe siècle et au commencement du xvi le Brandebourg et la Bavière avaient créé sur les côtes guinéennes des colonies qui, un instant prospères, ne purent résister à la concurrence hollandaise et anglaise, et pendant plus d'un siècle le commerce de l'Allemagne avec la côte occidentale d'Afrique resta sans importance. Il y a une trentaine d'années, de nouvelles tentatives d'expansion commerciale furent faites vers les mêmes points, et ce n'est qu'en 1862 que les maisons Goedelt et Wormann de Hambourg fondèrent à Sierra-Leone, sur la Côte-d'Or, au Gabon, leurs premiers comptoirs. Les dix années qui suivirent, et pendant lesquelles l'Allemagne grandit sans cesse jusqu'à trouver enfin son unité dans notre défaite et dans la prépondérance de la Prusse, furent aussi en Afrique une époque de travail et d'extension, et le commerce hanséatique y devint en 1874 une puissance dont il fut désormais

1. Voy. Die deutsche Kolonialpolitik. Recueil de documents officiels. Leipzig, 1886. Gebhardt et Wilisch. Kolonialzeitung, organe de l'association coloniale (Kolonialverein), présidée par le prince de Hohenlohe-Langenburg, années 1884 à 1887. D Charpentier, Entwickelungs-Geschichte der Kolonialpolitik des deutschen Reichs. Berlin, 1886, chez Bahr. Carl Hager, Kamerun. Leipzig, 1885, chez Schlamp.

[ocr errors]

nécessaire de tenir compte. Cette année-là, deux agents de la maison Wormann, MM. Jantzen et Thormählen, fondent leurs premières stations; nous les trouvons aujourd'hui à Grand-Batanga, à Éloby, au fleuve Campo, au Gabon ; en 1879, ce sont deux autres employés des Wormann, MM. Wölber et Brohms, qui s'établissent à Grand et Petit Popo, à Lomé, à Bagida; les Woermann, qui ont ouvert la voie en 1862, font des progrès constants, et en 1884 ils ont le service postal de Hambourg à la côte occidentale d'Afrique, avec soixante postes, depuis Libéria jusqu'au Congo. Nommons seulement les maisons Gaiser, Goedelt, Voigt de Hambourg, et les Brêmois Bode, Victor, et enfin Lüderitz, qui devait en 1884 donner à l'Allemagne une colonie nouvelle, Angra-Pequeña (Lüderitzland).

L'Allemagne avait donc en Afrique de puissants éclaireurs, le jour où le prince de Bismarck, entraîné par ce mouvement général qui venait de lancer l'Italie sur les traces de l'Angleterre et de la France, se décida, malgré l'opposition souvent inintelligente du Reichstag, à faire lui aussi de la politique coloniale. Ce fut sur eux qu'il s'appuya pour faire ses premiers pas dans cette voie nouvelle, qu'il prétendait suivre pacifiquement et sans rien demander au, budget impérial, et prenant prétexte d'une convention du 28 juin 1883, par laquelle l'Angleterre et la France garantissaient réciproquement des droits égaux à leurs commerçants dans leurs possessions africaines, le chancelier fit remettre par le comte de Hatzfeldt, aux magistrats des villes hanséatiques, une note les invitant à donner leur avis sur les mesures qu'il importait de prendre pour favoriser l'extension du commerce allemand sur la côte occidentale d'Afrique. Le sénat de Brême recommanda la formation d'une escadre chargée de visiter régulièrement les comptoirs allemands, et la chambre de commerce de Hambourg, présidée par M. Wormann, rédigea un intéressant rapport, où elle rappelait l'importance des stations alle. mandes de Guinée et de la baie de Biafra, les difficultés incessantes des négociants avec les autorités anglaises, même dans la république indépendante de Libéria, où les agents de la reine sont tout-puissants, les efforts de M. de Brazza sur l'Ogoué et les entraves mises également au commerce étranger par les Français, qui venaient notamment au Gabon d'interdire le commerce des armes et de la poudre, enfin le peu de sûreté des relations avec les chefs indigènes; elle concluait à l'exécution d'un programme comprenant : la signature de traités de protectorat ou d'alliance avec les nègres, sous la

« VorigeDoorgaan »