Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

d'exécution. Le ministère de la guerre livre maintenant au commerce plus de 600 000 cartes par an; il est devenu le plus grand éditeur qui soit en France. C'est toutefois un éditeur qui fait un singulier commerce, puisque, payant sa fabrication, sans encaisser la recette de ses ventes, il s'appauvrit par son succès même. Aux publications de l'ancien dépôt de la guerre qui reste, par le 80000*, l'unique source originale de la topographie de la France et dont, par conséquent, relèvent toutes les autres cartes, générales ou particulières, il faut ajouter le 500 000 du dépôt des fortifications, qui est aussi dans son genre une œuvre d'érudition consciencieuse; le 100 000° du ministère de l'intérieur (service vicinal), qui a acquis rapidement une popularité méritée; le 200 000* des travaux publics qui est conçu principalement en vue des ingénieurs. Ce dernier ministère publie aussi l'Album de statistique graphique, qu'a créé M. Cheysson, et qui a rendu populaires les résultats de la statistique des voies de communication. D'autres ministères, tels que l'instruction publique, les finances, la justice, le commerce, l'agriculture, ont publié ou préparent des cartes destinées à représenter les principaux faits de statistique qui sont de leur ressort.

Il s'est donc produit depuis dix-sept ans dans les faits comme dans l'opinion un changement favorable à la géographie. J'ai parlé des programmes de l'enseignement, des Sociétés de géographie et des publications officielles. J'aurais pu citer aussi les travaux particuliers: j'y trouverais encore des preuves incontestables du progrès accompli.

Je sais qu'il reste beaucoup à faire, que tous les efforts n'ont pas été également bien dirigés et suffisamment coordonnés, qu'ils n'ont pas toujours abouti. Il y a des semences qui n'ont pas fructifié. C'est le sort de toutes les entreprises humaines. Mais il serait injuste de dire qu'il n'y ait pas eu de lacunes comblées, parce qu'on aperçoit encore des vides.

Vous avez pour votre part contribué à ce mouvement et vous vous en glorifiez. Continuez votre œuvre. A l'exemple d'un philosophe de l'antiquité, prouvez en marchant que le mouvement existe.

Vous êtes réunis cette année dans une ville dont le commerce est l'âme. Eh bien! messieurs, que les travaux du Congrès témoignent de l'utilité pratique de nos études, et fassent comprendre que la science, dans quelque direction qu'elle pousse ses investigations, contribue au développement de la vie économique d'une nation. Le Havre a besoin d'agrandir son port et surtout d'en garantir l'entrée contre les atterrissements de la Seine: c'est la science des ingénieurs qui trace le plan. Les armateurs du Havre doivent à la science qui a transformé la coupe des navires et les appareils moteurs l'abaissement du prix du frêt qui, malgré quelques mécontentements, profite aux échanges. Les négociants du Havre exploitent les ressources de contrées lointaines; il n'en est pour ainsi dire pas une où des explorateurs ne leur aient frayé les voies, et pas une où l'étude raisonnée et comparative des ressources économiques ne puisse ajouter quelque chose à l'expérience du commerçant. Plus une nation possède de forces intellectuelles et morales, plus elle vaut dans la concurrence générale du monde. La science géographique est une de ces forces. Vous le savez travaillez, et durant cette session vous répandrez autour de vous, au profit de vos sociétés et à l'avantage général de votre pays, la conviction qui vous anime.

CORRESPONDANCE ET COMPTES RENDUS CRITIQUES

DES SOCIÉTÉS DE GÉOGRAPHIE ET DES PUBLICATIONS RÉCENTES

VŒUX ÉMIS PAR LE CONGRÈS GÉOGRAPHIQUE DU HÂVRE (AOÛT 1887).

Que la convention franco-anglaise de 1861 relative à l'émigration hindoue soit revisée dans un sens conforme à la dignité de la France, et que les colonies aient de préférence recours à l'émigration africaine;

Que le gouvernement fournisse au public français des renseignements précis sur les conditions géographiques et économiques de l'État du Congo français; Estimant que les questions d'autonomie et d'assimilation des colonies françaises et, en général, les principes de l'administration coloniale demandent à être mûrement étudiés et longuement débattus pour arriver à une solution, remet au prochain congrès la discussion des vœux émis dans ce sens par la Société bretonne de géographie;

Que toutes nos possessions et tous nos protectorats de l'Indo-Chine soient réunis sous la direction d'un même gouvernement général, ayant sous ses ordres une administration spéciale pour chacun de ces pays;

Que les sociétés de géographie étudient le dépeuplement de leurs territoires respectif, et les moyens d'y remédier;

Que des cours de topographie soient institués par les soins des sociétés de géographie;

Qu'il soit accordé dans notre enseignement géographique une plus grande élasticité aux programmes, une plus grande initiative aux professeurs et une plus grande attention au matériel (accessoires, atlas, sphères, reliefs, et surtout cartes murales);

Que l'étude des meilleurs moyens à employer par les sociétés françaises de géographie pour étendre leur influence et rendre leur action plus efficace soit l'objet, d'ici au congrès de 1888, de l'examen des sociétés de géographie, afin que le congrès, sur le rapport des délégués de chaque société, puisse prendre, à cet égard, des résolutions définitives.

Le prochain congrès aura lieu à Bourg (Ain).

GUERRES, TRAITÉS, ANNEXIONS.

L'Empire colonial britannique. Une conférence coloniale, présidée par M. Henry Holland, vient de se tenir à Londres. L'Australie, le Canada, TerreNeuve et le Cap s'y étaient donné rendez-vous. Dans son discours aux Chambres, le 16 septembre, la reine Victoria s'est exprimée à ce sujet de la façon qui suit : « C'est avec une satisfaction particulière que je fais mention REVUE DE GÉOGR. OCTOBRE 1887. 20

de la réunion de la première conférence des représentants de nos colonies, qui ait jamais été tenue dans ma capitale. Les délibérations, consacrées à de nombreuses questions d'un profond intérêt pratique pour leurs peuples respectifs, et conduites dans un esprit de coopération cordiale, ajouteront, j'en suis sure, la puissance à l'affection par laquelle sont unies les différentes parties de mon empire. La reine annonce également que « les vœux qu'elle avait formés pour la pacification générale de la Birmanie, pendant l'année courante, ont été pleinement exaucés et qu'un gouvernement stable s'établit graduellement, même dans les districts les plus éloignés ».

[ocr errors]
[ocr errors]

Irlande. - L'Irlande reste toujours à l'état de point noir. Dans le journal le Temps, nous signalerons une étude très précise de la question agricole irlandaise, sous ce titre Physiologie rurale ». Nous en extrayons un passage : « On a passé en revue quelques symptômes du mal d'Irlande, pris au hasard dans une promenade à travers un comté du Sud-Ouest. Ces symptômes se retrouvent partout dans l'île. Pour en apprécier la valeur et même pour les comprendre, il est essentiel de connaître au moins dans ses grandes lignes la physiologie de la propriété foncière, en ce pays tout agricole. Vastes domaines et culture parcellaire, ainsi se résume cette physiologie. A la base, le tenancier, ordinairement catholique et de race indigène, occupant et bêchant à sa manière la millième ou la dix-millième partie d'une terre de dix à cent mille hectares. Au sommet, le landlord, presque toujours de souche anglaise et protestante, régnant par droit de primogéniture sur cette immense étendue. Ce droit repose-t-il à l'origine sur une confiscation et sur un dol, comme l'affirment les Irlandais? Peu importe au point de vue légal, la prescription ayant couvert le dol par une durée de deux à huit siècles. Il importe beaucoup au point de vue moral, parce que ce grief, fondé ou non, sert de clou à toutes les rancunes agraires. Dans trois cas sur cinq — ainsi l'a établi une statistique récente le landlord est un absentee, c'est-à-dire qu'il ne réside pas sur son domaine, ni même dans son royaume, et dépense au dehors les revenus qu'il tire de sa terre. Ces revenus proviennent exclusivement des fermages. Ils sont parfois énormes deux cent cinquante mille francs par an (lord Greville; dans le Westmeath, — lord Carrisford, dans le Wicklow, - M. Wandesforde, dans le Kilkenny, M. King, dans le Longford, lord Enchiquin, dans le Clare); quatre cent mille francs par an (lord Clermont, dans le Louth, M. Naper, dans le Meath, lord Leconfield, dans le Clare, lord Ventry, dans le Kerry); sept et huit cent mille francs par an (duc d'Abercorn, dans le Tyrone, marquis de Clanricarde, dans le Galway, lord Kenmare, dans le Kerry); un, deux, et jusqu'à trois millions par an (M. Mac Donnell, dans le Kildare, le marquis Conyngham, dans le Cavan, dans le Clare et dans le Donegal, le marquis de Londonderry, dans le Down, le marquis de Downshire, etc., etc.). Les revenus de cinquante, soixante-quinze, cent mille francs ne se comptent pas. Or, les trois cinquièmes au moins de cet argent sont perdus chaque année pour l'Irlande, puisqu'ils en sortent et ne s'y transforment ni en capitaux productifs, sous forme d'outillage agricole et d'amendements pour les terres, ni même en torrent circulatoire pour le commerce local. Conséquence: le sol est mal cultivé, mal fumé, insuffisamment pourvu de bétail. Il s'épuise depuis des siècles, sans renouveler son énergie. »

[ocr errors]

[ocr errors]

EXPLORATIONS ET MISSIONS.

M. le Dr Junker en Afrique. En 1875, j'entrepris mon premier voyage. dans les provinces équatoriales de l'Égypte, d'où je retournai en Europe après un séjour de trois ans. En 1879, je débarquai de nouveau pour mon dernier grand voyage dans les régions équatoriales. Parti du Caire, je traversai le continent africain du nord au sud, et c'est après des pérégrinations de sept années dans la zone torride, que je regagnai la côte de Zanzibar au mois de décembre dernier. Par suite d'un concours de circonstances défavorables, l'étendue et la durée de ce voyage depassèrent de beaucoup le but que je m'étais proposé.

En raison des guerres et des désordres du Soudan égyptien, les Provinces équatoriales se sont trouvées, pendant les dernières années, hors de toute communication avec les pays du Nord. Les événements du Soudan arabe nous sont demeurés tout aussi inconnus et étrangers que l'état des Provinces équatoriales l'a été pour vous jusqu'à ce jour. Je pense ne pas me tromper en essayant de vous intéresser aux événements politiques de ces contrées isolées, surtout de celle où Émin Pacha, à la tête d'un petit nombre de soldats et de fonctionnaires égyptiens, attend toujours courageusement sa délivrance.

Mon voyage me conduisit de Suez à Souakin, et par Berber à Khartoum, où je parvins au commencement du mois de janvier 1880. Mes compagnons étaient un préparateur naturaliste et un jeune nègre que j'avais amené en Europe lors de mon voyage. Mon but était d'explorer les contrées arrosées par le Oellé-Makua en tours circulaires, et de suivre le cours de ce fleuve aussi loin que possible vers l'ouest. J'espérais par là trouver la solution définitive d'un problème important, à savoir: si ce cours d'eau, que le Dr Schweinfurth a vu le premier, était un affluent du Congo, ou bien le Schari, le fleuve qui se déverse dans le lac de Tsad.

Le mois suivant, je parvins à Mechra-el-Reg, point de départ pour le voyage par terre dans le territoire gouvernemental, qui était sous les ordres de SessiPacha, théâtre des guerres sanglantes à peine terminées contre Soliman-Bey, fils de Kibehr-Pacha.

Le voyage par terre de Mechra-el-Reg me conduisit dans la direction sud par les tribus Dinka à Djur-Ghattas. Je partis de là vers l'ouest, par les stations des Waou et Ganda, pour Dem-Soliman ou Dem-Sibehr, chef-lieu de la province de Bahr-el-Ghasal, et je parvins à Dem-Bekir.

Jusqu'à ce point le pays est assez connu. Ma tâche ne commença qu'à DemBekir. Il s'agissait avant tout d'aller voir le puissant prince Ndoruma, des NiamNiam, qui avait à peine cessé de guerroyer contre les gens de la station gouvernementale du Bahr-el-Ghasal; il interdisait le passage aux caravanes d'ivoire, et ne souffrait aucun établissement dans ses domaines. Comme toujours, je commençai par envoyer à Ndoruma des messagers, afin de le renseigner sur ma personne, et surtout pour lui faire entendre que je voyageais sans escorte militaire. Je n'ai jamais mis le pied sur les terres d'aucun chef

1. Communication faite par lui à la Société de géographie.

nègre sans avoir attendu le retour de mes gens. Ceux-ci, par de petits cadeaux. gagnaient la faveur des indigènes et ramenaient toujours les messagers du roi.

Dans la province du Bahr-el-Ghasal, j'avais engagé quelques garçons et des servantes nègres pour la préparation de la farine. A part quelques petits changements, ces mêmes domestiques, sans nulle autre escorte, m'accompagnèrent dans tous mes voyages. Au mois de mai, je pus enfin partir de DemBékir avec deux cent cinquante porteurs, et je gagnai les cabanes du prince Ndoruma, après une marche de quinze jours.

Avant d'entrer dans le pays des Niam-Niam proprement dit, nous parcourùmes les régions qui sont peuplées par les tribus dispersées des Golo, Sséré et Bongo. Dans les premiers jours, nous eùmes à traverser plusieurs rivières qui, étant tributaires du Nil, coulent vers le nord-est. Mais bientôt ces cours d'eau firent place à d'autres qui se dirigent vers l'ouest. Tributaires du fleuve Mbomu, ils le sont aussi probablement du Congo, d'après les découvertes les plus récentes. Une végétation touffue et variée couvre les bords de ces artères, tandis qu'à l'est il faut avancer plus vers le sud pour en rencontrer une semblable.

Mon établissement chez Ndoruma achevé, mes gens avaient leur existence assurée. Mes bagages aussi se trouvaient suffisamment abrités. Quant à moi, je ne pouvais rester que quelques jours dans cet abri tranquille, créé par mes soins. Une vie calme et sédentaire n'était point dans mon programme. Je voulais aller reconnaître toutes ces régions dans des explorations successives, tandis que mon compagnon demeurerait à la station où il travaillerait à enrichir notre collection zoologique.

Je partis donc au mois d'août, accompagné d'une vingtaine de porteurs, muni de l'équipement indispensable ainsi que de petits cadeaux pour les roitelets du pays.

A ma première tournée, je vis et je traversai déjà le Uellé. Après m'être rendu à Mangbattou, je retournai du côté est, puis, repassant le fleuve et parcourant les possessions de plusieurs princes Niam-Niam, je regagnai Ndoruma après une absence de quatre mois, en décembre de la même année. Entrer dans les détails serait sortir du cadre de ce résumé. Sur le Ouellé, je fus engagé dans les hostilités entre les Mangballé et les A-Barmbo. Ce n'est qu'après un échange de coups de fusil que je pus empêcher la guerre d'éclater ouverte

tement.

Je passe outre à mon séjour forcé chez le prince Mambanga des Mambattou et à l'expédition militaire de Ndoruma contre Binsa, chef des Niam-Niam, expédition entreprise sous le prétexte de me délivrer, le bruit de mon emprisonnement s'étant répandu. Cette fois aussi, je ne réussis qu'à grand' peine à empêcher le choc sanglant des deux adversaires.

Je profitai, au mois de janvier 1881, d'une occasion favorable pour me rendre avec toute ma suite auprès du puissant prince des Niam-Niam, Bakangai. Me tenant plus à l'ouest que lors de mon premier voyage, je parvins au pays des A-Madi, traversai le Quellé, mais ne pus avancer, car il me fut impossible de trouver des porteurs chez les A-Barmbo, les mêmes qui me dérobèrent dans la suite une bonne partie de mes effets. Ne trouvant pas de gens non

« VorigeDoorgaan »