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sement la Noël, avec Bell et ses guerriers. La paix était désormais. constituée sur des bases solides1.

La nouvelle de ces heureux événements parvint télégraphiquement å Berlin le 9 janvier 1885 et permit au chancelier de prononcer le lendemain au Reichstag, dans la discussion d'un crédit destiné à construire un aviso et une chaloupe à vapeur pour le gouverneur de Kamerun, un de ces maîtres-discours dont ses admirateurs vantent la franchise et l'habileté, et dont les autres regrettent la mauvaise foi et l'inutile brutalité. Il y résuma les négociations qui pendant les mois de novembre et de décembre 1884 avaient occupé l'Angleterre, tandis que l'escadre allemande se hâtait vers Kamerun, et tonna contre ce Polonais (Rogosinski), qui, de son repaire de Fernando-Po, avait tramé contre l'Allemagne les plus noires machinations. Le crédit fut voté malgré l'opposition, qui chercha à ameuter l'opinion devant le sang des marins allemands répandu pour la première fois pour la politique coloniale, tandis que le D' Nachtigal entrait le 3 janvier à Bimbia, et, parcourant la côte jusqu'au Rio del Rey, annexait, dans le delta du Niger, le petit territoire de Mahini; après une courte visite au gouverneur de Lagos (23-25 janvier), il revint à Kamerun y faire œuvre d'organisateur pacifique.

On pouvait penser que le gouvernement anglais demanderait au gouvernement allemand des explications sur la manière dont il

1. Les événements de Kamerun eurent en Allemagne un grand retentissement. — Les ennemis de la politique coloniale déplorèrent le sang allemand versé pour un égorgement d'êtres inoffensifs. Voici un spécimen de la littérature ainsi éclose :

DER KAMPF IN KAMERUN.

Das sind die ersten Früchte jener Saat,
Der Kampf der sich in Kamerun entsponnen,
Das ist der Fluch von jener raschen That,
Die blut'ge Ernte, die ihr habt gewonnen!
Ist's denn zu wenig, was in Frankreich ruht,

Das ihr nicht kennt die deutschen Knochen» schonen?

Gilt euch zu wenig deutscher Sohne Blut,
Das ihr mit düngt den Boden ferner Zonen!
Die fielen im Kampf für deutsches Recht und Ehr,
Die Hunderttausend die in Frankreich liegen
Denn unser Volk setzt willig sich zur Wehr,
Wenn es nur gilt am Heimatsbord zu siegen.
Nun soll'n wir kæmpfen für den irren Wahn,
Für ein Phantom, was Aberwitz geschaffen,
Mit armen Menschen, die uns Nichts gethan.
0, solch ein Kampf befleckt die deutschen Waffen!

Mais les admirateurs du chancelier ne tarirent point en expressions enthousiastes sur le « brillant fait d'armes » du 20 au 22 décembre. On ouvrait à Stuttgart en décembre 1885 un panorama de Kamerun par le professeur Braun de Munich, assisté du peintre Petersen, qui avait fait pour la circonstance le voyage d'Afrique. On y voyait les combats de Kamerun» (sans doute les deux heures d'hésitation du lieutenant Riedel), et trois petits dioramas: la visite du roi Bell à l'amiral Knorr, l'intérieur d'une factorerie allemande, et le bombardement de Hickory-town.

2. Die deutsche Kolonialpolitik, II, p. 77.

avait fait répondre par l'amiral Knorr, à la note du 10 décembre 1884, dans laquelle lord Granville se déclarait prêt à faire délimiter par une commission anglo-allemande les frontières septentrionales de Kamerun. Ce fut le prince de Bismarck qui, le 5 février1, se plaignit énergiquement de la conduite des agents anglais à Kamerun, notamment du consul Hewett et du capitaine Campbell, et réclama la destitution du vice-consul Buchan. C'était pousser un peu loin la raillerie. Lord Granville (21 février), rappela les faits de novembre et de décembre : « Je remarque, dit-il, que le prince de Bismarck dans sa note du 5, avoue que tout en cherchant à persuader le gouvernement de Sa Majesté de faciliter le voyage du Dr Nachtigal, il croyait nécessaire de n'en point dévoiler le véritable but afin qu'on ne le devancât point. » Il ajoutait que le ministère anglais n'avait reçu aucun renseignement qui lui permît d'accepter sans preuves les plaintes du prince, et que les agents de la reine n'avaient en rien manqué à leur devoir. Il se réservait de réclamer une indemnité pour les factoreries anglaises détruites par l'amiral Knorr à Hickory et Joss-town.

Le 2 mars, un article très violent de la Gazette de l'Allemagne du Nord accusa lord Granville d'avoir transgressé tous les usages diplomatiques, en publiant une conférence secrète que le Chancelier avait eue avec M. Meade, en imprimant au dernier Bluebook une lettre d'un roi de Samoa à l'empereur d'Allemagne, alors que celuici n'en avait jamais eu connaissance, enfin en lisant au Parlement anglais la note du 5 février avant qu'elle fût parvenue à Berlin par voie diplomatique. Le lendemain 3 mars, nouvel article de la feuille officieuse; où l'on disait que la demande d'indemnité était une insolence; l'Allemagne aurait à examiner celle qu'elle réclamerait de l'Angleterre pour les maux que les menées de ses agents avaient produits, et elle saurait se faire payer mieux que l'Europe n'y avait réussi, après ce bombardement d'Alexandrie, où le droit des gens avait été autrement violé qu'à Kamerun. Avec la note non moins anglophobe du 4, ces articles complétaient le discours prononcé le 2 mars par le prince de Bismarck au Reichstag sur une demande de crédits pour les possessions africaines. Ce discours était resté dans les généralités; et la seconde partie était une hautaine raillerie de la politique égyptienne de l'Angleterre.

1. Voy. Charpentier Entwickelungsgeschichte der Kolonialpolitik des deutschen Reichs. Berlin, 1886, p. 30; et Die deutsche Kolonialpolitik, IV, p. 8 et suiv.

Celle-ci se le tint pour dit: le 4 mars, le comte Herbert de Bismarck, envoyé spécialement à Londres, trouva toutes les mains tendues. Le 6, lord Granville expliquait à la Chambre des lords qu'il y avait un malentendu et qu'en Angleterre « toutes les classes de la société voyaient avec joie la situation particulièrement importante que prenait l'Empire récemment uni1». Le 12 mars, M. Gladstone tint le même langage aux Communes, et tout se réduisit à des polémiques de journaux, notamment entre la Pall Mall Gazette et la Norddeutsche Zeitung.

Les négociations entre lord Granville et le comte Herbert furent résumées dans une note du ministre au comte Münster le 29 avril 1885:

«La Grande-Bretagne s'engage à ne faire aucune acquisition, à n'accepter aucun protectorat et à ne point s'opposer au développement de l'influence allemande dans la partie de la côte de Guinée et de l'intérieur située à l'est d'une ligne qui est formée par la rive du Rio del Rey, depuis son embouchure entre 8°42′ et 8°46′ de longitude est de Greenwich jusqu'à sa source, et qui de là se dirige en droite ligne vers la rive gauche du Vieux-Calabar (Cross-River), traverse le fleuve et se termine par environ 9°8′ de longitude est en un point appelé « Rapids » par la carte de l'amirauté anglaise. » L'Allemagne prend le même engagement pour la partie de la côte de la Guinée et de l'intérieur située entre la ligne précédemment déterminée et la colonie anglaise de Lagos. Les deux puissances conviennent de s'abandonner les protectorats qu'elles ont déjà acquis hors de leurs limites ainsi fixées, sauf pour la mission de Victoria dans la baie d'Amba, qui reste possession anglaise. »

L'Allemagne abandonnait ses prétentions dans le Zululand, (baie de Sainte-Lucie). Une seconde note du même jour, par laquelle l'Angleterre se déclarait prête à céder Victoria à l'Allemagne, si celle-ci s'entendait au préalable avec les missionnaire's (l'art. 2 avait enlevé Mahin à l'Empire), fut, comme la précédente, confirmée officiellement par le comte de Münster le 7 mai. Par deux notes des 16 mai et 2 juin suivants, les deux pays se garantirent la liberté commerciale dans leurs possessions de l'Afrique occidentale.

1. Die deutsche Kolonialpolitik, IV, p. 65.

2. C'est là que s'arrêtèrent Bacroft et King, en 1842 le haut fleuve est encore inexploré.

Deux questions restaient encore à régler, celles-ci avec la France: la délimitation des colonies allemandes et françaises aux Popos et sur la côte entre Kamerun et le Gabon. Nous nous trouvions sur ces deux points dans une situation défavorable à Petit-Popo, notre droit était certain, mais non officiellement proclamé; à GrandPopo et à Porto-Seguro, les Allemands avaient détruit notre influence sur les indigènes. Entre Malimba et le Gabon, nous avions des droits également certains, mais le commerce se trouvait aux mains des Allemands et des Anglais. Partout le D' Nachigal s'était donné l'avantage de la position en hissant le drapeau impérial, et notre gouverneur au Gabon faisant ouvertement fi de Petit-Popo et de la côte du Gabon, nous défendait mal contre cet habile adversaire. A la fin de février, le commissaire impérial était revenu au Gabon espérant obtenir du gouverneur une solution définitive, que celuici, faute de pouvoirs, ne fut pas en état de lui donner. Le 3 mars, il continua son voyage vers Lagos, et le 20 avril la fièvre emportait en vue du cap Palmas, cet homme auquel l'Allemagne devait en partie ses colonies nouvelles, et qui ne voyait pas l'achèvement de son

œuvre.

Les négociations entre les deux gouvernements aboutirent où la convention du 24 décembre 1885 rédigée par M. de Courcel et le prince Herbert de Bismarck1.

ARTICLE PREMIER. L'Allemagne renonce en faveur de la France à tous droits de souveraineté sur les territoires situés au sud du fleuve Campo, que des sujets allemands avaient acquis et qui avaient été placés sous le protectorat impérial. Elle prend l'engagement de s'abstenir de toute action politique au sud d'une ligne qui suit ledit fleuve, depuis son embouchure jusqu'à 10° long. ́est (Greenwich), et de ce point suit le parallèle jusqu'à sa jonction avec le 15° long. est Greenwich). La France prend le même engagement pour les territoires au nord de cette ligne. Les deux pays se garantissent la liberté commerciale.

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« ART. 2. Le gouvernement français reconnaît le protectorat allemand sur le pays de Togo, et renonce aux droits que le roi Mnésa lui avait donnés sur Porto-Seguro, ainsi qu'au protectorat de Petit-Popo.

« ART. 3. — L'Allemagne renonce à tous les droits ou prétentions

1. Die deutsche Kolonialpolitik, V, p. 50 et Kol. seit. 1886, p. 102.

qu'elle pouvait élever sur les territoires situés entre le Rio Nuñez et la Mellacorée, particulièrement sur Koba et Kabitai, et y reconnaît la souveraineté de la France1. »

Nous verrons plus loin quel avenir parait réservé aux possessions allemandes de l'Afrique occidentale; rappelons seulement ici que la grande expédition du Benué (mai 1885), subventionnée par l'Empire, a échoué comme celle du commandant Mattéi devant la toute puissante Compagnie anglaise du Niger et que son chef Robert Flegel est mort à la peine le 11 septembre 1886, sans avoir connu la nouvelle délimitation fixée par l'accord du 27 juillet-2 août 1886, entre lord Rosebery et le comte Hatzfeldt. Il prolongeait la frontière septentrionale de la colonie « du point terminal de la ligne primitive sur le vieux Calabar ou Cross-river, en diagonale, jusqu'à la rive droite du Bénué, à l'est d'Yola. En réalité l'Angleterre faisait à l'Allemagne un mince cadeau en lui abandonnant la partie non navigable de ce fleuve, dont R. Flegel avait espéré conquérir le bassin tout entier2.

Pour achever l'histoire, désormais pacifique, de la colonie de Kamerun, il ne nous reste qu'un incident à noter: le 21 février 1886, à la suite de difficultés avec les indigènes, le village de Moneytown (Bimbia) a été bombardé et incendié par les canons du Cyclop sous les ordres du capitaine Stubenrauch3.

(A suivre.)

M. GAUDEFROY-DEMOMBYNES.

1. Après l'échec de Nachtigal, M. Colin était en effet revenu à la charge, à l'instigation du chancelier, et au mois de janvier 1885 la corvette Ariadne avait sanctionné ses acquisitions en y déployant le drapeau impérial.

2. Kol. zeit., 1886, p. 538.

3. Kol. zeit., 1886, p. 259.

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