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que ce véhicule est un cadeau de la reine Victoria au sultan; un étalon indompté, d'un blanc de neige, mène la voiture, conduit par quatre nègres qui le maintiennent à grand'peine. Enfin derrière le carrosse impérial marchent à pied les membres de la famille du chérif, une quinzaine de jeunes gens qui sont les propres fils de l'empereur, dont le nombre par parenthèse s'élève à près d'un millier d'après les dires du pays; enfin les vizirs, montés sur de très beaux mulets avec selles de soie rouge, vêtus de fins burnous immaculés, aux turbans neigeux, si fins et si serrés sur la tête qu'ils semblent de porcelaine; et les soldats du makhzen ferment la marche, tandis que la musique arabe continue ses accents plaintifs. Le cortège s'est arrêté devant la mosquée : le sultan y entre suivi par les membres de sa famille, les vizirs et la garde nègre.

Nous avions fort peu vu l'empereur pendant le trajet ; mais la prière ne fut pas longue, et bientôt on amenait devant la mosquée un grand cheval éblouissant de blancheur, qui me semblait fort beau sous son harnais de soie verte, mais que les connaissances sportives de Henri lui firent déclarer assez médiocre pour un cheval d'empereur.

Nous avions à peine regagné nos selles un coup de clairon strident retentit, et la garde nègre prit en bon ordre la tête du cortége.

Le maître des cérémonies est cette fois sur son cheval blanc et de chaque côté de lui marche un soldat armé d'une longue lance. L'empereur est monté à cheval dans le vestibule de la mosquée; il en franchit le seuil; un grand nègre à la tunique rouge brodée d'or, déployant au-dessus de sa tête un immense parasol de velours aux larges franges d'or, accompagne le sultan non sans peine, car le cheval caracole et le parasol ne peut le suivre aisément.

Pourtant le coursier se calme, et l'empereur s'avance au petit pas, suivi de toute la cour.

Moûla el H'san est un bel homme, grand et robuste, qui paraît avoir dépassé de peu la quarantaine; la couleur très foncée de sa peau trahit seule le sang mêlé qui coule dans ses veines; ses traits sont bien ceux de la race arabe dans toute sa pureté. Nous saluons avec curiosité ce dernier représentant des califes du Prophète, le dernier sultan digne de ce nom, car les obèses abrutis qui règnent à Constantinople, dégradés par tout ce qu'ils ont pris de vices à la civilisation européenne, ne sont ni de race noble, ni même de race

arabe; et ces Tartares ne sont pas à vrai dire les successeurs du fondateur de l'Islam.

Le descendant des chérifs, vêtu de blanc de la tête aux pieds, portant sur la tête le capuchon de son burnous neigeux, marche entouré d'une vingtaine de gardes à pied, dont une partie tient en main les six chevaux blancs de parade; à ses côtés deux soldats éventent Sa Majesté, armés de chasse-mouches qui ressemblent assez à de grandes serviettes; derrière lui comme à l'arrivée marche la famille impériale, puis les ministres; et la musique, fermant la marche, marque encore le pas dans la vaste cour, tandis que le reste du cortège a déjà pénétré dans le palais, et que l'un après l'autre les vizirs disparaissent sous la haute porte de pierre sculptée.

JIBRAÏL TESSIER.

L'ARMÉNIE ET LES ARMÉNIENS

LES DÉLÉGUÉS ARMÉNIENS A LONDRES

On désigne sous le nom d'Arménie un vaste plateau montagneux situé aux sources de l'Euphrate et du Tigre, dont le point culminant paraît être le mont Ararat. Cette contrée est partagée actuellement entre la Perse, la Turquie et la Russie, mais elle a constitué autrefois un puissant royaume, qui a eu sa période de gloire.

Les villes principales de l'Arménie sont en Turquie, Erzeroum et Van; dans la Russie transcaucasique, Kars et Érivan; et dans l'Arménie persane, Tauris.

Ses rivières principales sont le Tigre, l'Euphrate, la Koura (ancien Cyrus) et l'Aras (Araxes).

Elle comprend dans ses limites les bassins sans écoulement des lacs d'Ourmiah et de Van.

La population est un mélange d'Arméniens, agriculteurs ou commerçants, et de Kurdes, peuple pasteur et pillard. Ce mélange existait dès la plus haute antiquité. Xénophon, dans son Anabasis, nous parle déjà des Carduques et de leurs demeures d'hiver souterraines.

Il est assez difficile de s'entendre sur les limites exactes de cette région. On désigne quelquefois sous le nom de Petite-Arménie la région qui s'étend au sud-ouest de l'Euphrate jusqu'à la Méditerranée (ancienne Cappadoce et ancienne Cilicie).

Les Arméniens sont aujourd'hui une race dispersée. Trois millions habitent leur ancienne patrie, les autres sont un peu partout, mais principalement en Turquie, en Perse et en Russie.

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Soit environ quatre millions.

La dispersion que nous constatons ici avait déjà commencé à une époque relativement reculée. Les empereurs du Bas-Empire, Justin II entre autres, avaient déjà commencé à transplanter par force des Arméniens en Thrace; les souverains modernes de la Perse, Abbas le Grand de la dynastie de Sefewié (Sophis), en ont transplanté à Ispahan (colonie arménienne de Djoulfa). En 1828, les Russes ont conduit en Géorgie une partie de la population chrétienne d'Erzeroum. Un grand nombre d'Arméniens ont en outre abandonné volontairement leur malheureux pays, pour aller chercher ailleurs un peu de sécurité.

Histoire.

D'après leurs traditions nationales recueillies par Moïse de Khorène, les Arméniens auraient eu pour premier roi Haig. Haiasdan, ou terre de Haig, est encore le nom national de l'Arménie. Cette contrée aurait été ensuite vassale de l'Assyrie et de la Perse. Quand Alexandre conquit l'empire des Achéménides, l'Arménie subit le sort commun, et lors du démembrement qui suivit la mort du grand roi de Macédoine, elle échut aux Séleucides. Au deuxième siècle avant notre ère, les Arsacides de la Parthie y implantèrent une de leurs branches qui constitua la dynastie arménienne des Arschagouni. Le plus grand roi de cette dynastie est Dicran II (Tigrane le Grand), l'allié de Mithridate. L'armée que Sylla battit à Orchomène était entièrement composée d'Arméniens.

L'Arménie fut le théâtre de guerres nombreuses entre la Parthie et l'Empire romain; déjà, à cette époque, Carsa, aujourd'hui Kars, joua un grand rôle. Au troisième siècle de notre ère, Ardéchis, fils de Sassan (l'Artaxercès des historiens romains), renversa les Arsacides en Perse, mais les Arsacides d'Arménie repoussèrent victorieusement les attaques des Iraniens,

En 280, le roi Dertad, fils de Kosron, embrassa le christianisme qui fut prêché dans cette contrée par saint Grégoire l'Illuminateur. L'extinction de la dynastie des Arsacides provoqua des guerres cruelles entre la Perse et l'Empire romain d'Orient, et, en 428, l'Arménie fut partagée entre Théodose II et le souverain persan. C'est alors que fut fondée Erzeroum (Arx Romanorum, d'où Erzeroum, ou Théodosiopolis). L'Arménie ne devait plus désormais recouvrer

son existence nationale. En 640, elle fut soumise aux incursions arabes. En 683, Aschod, fils du juif Pacrad, repoussa une invasion khazare et créa une principauté, sinon indépendante, du moins autonome, entre Kars et Érivan, principauté dont la capitale fut Kars. Il fut reconnu gouverneur héréditaire par le kalife et l'empereur grec, et est la tige de la dynastie des Pacradouni (Bagratides). En 859, Aschod II (premier comme roi), fut reconnu par les États voisins comme souverain indépendant, conquit la Géorgie, l'Abasie et prit même le titre de roi des rois.

La dynastie des Bagratides, dynastie purement locale, eut une existence tourmentée. Elle dura deux cent vingt ans, de 859 à 1079, en butte aux attaques arabes. Kars fut ville royale pendant cent trente ans. La capitale fut ensuite transportée à Ani. En 1060, Alp-Arslan, sultan des Turcs seldjoucides, envahit leurs possessions. Romain Diogène, empereur d'Orient, avec l'aide des Arméniens, essaya de résister. Après une lutte héroïque, il fut vaincu à Manzkiert. L'autocrator de Byzance fut retrouvé criblé de blessures sous le cadavre du dixième cheval qu'il avait eu de tué sous lui. L'Arménie avait déjà prodigué son sang pour la défense de l'Euphrate, les armées du protospataire de l'empereur romain Lecapène, du vainqueur des Warègues et des Petchénègues, Digénis Acritors, étaient composées d'Arméniens. La ligne de défense de l'Empire grec était brisée. Alors se fonda l'empire seldjoucide d'Iconium.

En 1080, Roupen souleva les Arméniens du Taurus contre la tyrannie des gouverneurs grecs, et fonda le royaume de PetiteArménie, qui est situé en dehors des régions qu'on désigne ordinairement sous ce nom. En 1098, lors de la première croisade, les Francs s'emparèrent d'Édesse, où un gouvernement arménien reconnaissait la suzeraineté des Commènes.

Le royaume de Petite-Arménie joue un rôle important dans l'histoire des croisades; en 1312, il échut par mariage à la maison des Lusignan de Chypre. En 1376 il fut anéanti par une invasion de Mamelouks d'Égypte, et son dernier roi Léon VI, l'ami de Froissard, mourut à Paris dans la pauvretė. Désormais l'Arménie n'était plus qu'une expression géographique; elle fut partagée entre la Perse et l'Empire ottoman. En 1517, les Turcs, par la prise d'Erzeroum et de Kars, devinrent les maîtres de la plus grande partie du pays.

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