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il faut en rechercher la cause principale dans l'orientation de ses plaines et la disposition de ses montagnes.

Pour qu'elle devint le siège de l'Empire, le centre commun de l'Italie et de l'Espagne, il eût fallu qu'elle communiquât librement avec ces deux pays : or, la chaîne des Alpes dont les cols sont en hiver obstrués par la neige la séparent de l'Italie, et la muraille des Pyrénées, inaccessible, sauf aux deux extrémités, l'isole de l'Espagne. Au nord-est au contraire, du côté que menaçaient les Barbares, elle est mal protégée par la nature. Le Rhin n'est pas infranchissable : les grandes plaines qu'il arrose dans son cours inférieur se prolongent avec une horizontalité presque parfaite jusqu'à la Seine et même au delà. Les Ardennes peuvent être aisément tournées. Les Vosges ne sont pas davantage un obstacle, car elles s'abaissent au col de Saverne. Enfin le cours supérieur du Rhin, dans la Suisse actuelle, n'est qu'une rivière ordinaire et la trouée de Belfort est une porte commode pour entrer chez nous.

La Gaule franque.

Les Barbares entrèrent donc et suivirent en sens inverse les chemins que les Romains avaient parcourus avant eux. Suèves, Alains, Vandales, inondant les plaines du nord, de l'ouest, du sud-ouest, allèrent se perdre en Espagne; les Burgondes descendirent dans la vallée de la Saône et du Rhône, les Wisigoths dans le bassin de la Garonne, d'où ils débordèrent sur le littoral de la Méditerranée. Enfin les Francs, qui par une lente infiltration occupaient déjà la rive gauche du Rhin, s'avancèrent jusqu'à l'Escaut, jusqu'à la Somme, jusqu'à la Seine et firent de Paris, l'ancienne Lutèce, la capitale de leur empire. Le bassin dont Paris est le centre 1, on l'a montré depuis longtemps, occupe en France une situation prépondérante. Il est le point de convergence non seulement de vallées rayonnant en tout sens, mais de ces grandes voies naturelles que nous avons indiquées déjà, de ces lignes historiques, comme on les a nommées, que depuis des siècles parcourent les nations, les armées, les voyageurs, les marchandises et à leur suite les idées. La vallée de l'Oise est le chemin de la Belgique; celle de la basse Seine est une grande rue débouchant sur la Manche; celle de la Marne aboutit par Saverne au Rhin; celle de l'Yonne, par la Côte-d'Or, à la Saône et au Rhône; celle de la moyenne Loire, entre Orléans et Tours, continuant le plateau de la Beauce et prolongée par la dépression du Poitou, mène à la Garonne. Ces deux dernières, que raccordent au sud le littoral méditerranéen, enserrent le Plateau central et le bouclent en quelque sorte, comme si elles voulaient l'entraîner et le retenir dans le champ d'attraction et d'action du bassin parisien. Les Romains dont la base d'opérations était en Italie, et qui n'avaient que des avant-postes sur les bords de la Méditerranée n'avaient pu considérer le bassin parisien que comme un objectif ils s'étaient contentés de l'atteindre; cependant l'empereur Julien avait deviné l'importance de Lutèce en s'y installant à demeure. Les Francs

1. Le bassin parisien, dont il est question ici et dans toute l'introduction, est le bassin géologique. Il comprend par conséquent, avec la plus grande partie du bassin hydrographique de la Seine, le plateau de la Beauce et le cours moyen de la Loire.

arrivant par le nord, cherchant en Gaule une patrie nouvelle, eurent une vue plus nette des choses; il semble qu'une des causes essentielles de leur succès fut d'avoir choisi le bassin parisien pour siège principal de leur établissement et Paris pour capitale.

La victoire de Soissons avait ouvert à Clovis la vallée de l'Oise et le chemin de Paris; en remontant l'Yonne, il battit les Burgondes à Dijon; en s'avançant par la Beauce, la Loire et la Vienne, il rencontra les Wisigoths à Vouillé et les mit en fuite. Devenu ainsi le maître des deux lignes historiques du sud-est et du sud-ouest il n'eut pas trop de peine à conquérir le midi. C'est aussi une bataille livrée sur la ligne historique du sud-ouest à Poitiers, qui décida une seconde fois du sort du midi de la France, et l'arracha à la domination des Arabes.

L'Empire arabe.

Les Arabes sont un exemple du peu de solidité des conquêtes que la Géographie n'a point sanctionnées d'avance. Leur patrie, vaste quadrilatère que la mer et les déserts enveloppent de toutes parts, est bien plus insulaire que continentale, elle ne se rattache que faiblement à l'Asie ou à l'Afrique, elle n'a aucun rapport direct avec l'Europe. Point de grand fleuve, point de large bassin, point de lien nécessaire avec les contrées voisines. Une race ardente, vigoureuse, longtemps immobile, a pu y faire explosion tout à coup, en sortir d'un mouvement impétueux et irrésistible, se répandre dans toutes les directions jusqu'à des distances considérables. Après avoir décrit sa courbe elle s'est amortie, elle s'est arrêtée, sans avoir pu rien fonder de durable; elle n'a pu se fixer autour d'aucun centre définitif, la Mecque, Damas ou Bagdad. Des bords de l'Oxus et du pied de l'Himalaya aux rives de la Loire s'étend une suite de contrées disparates que rien ne pouvait rattacher les unes aux autres. Sur cette ligne immense, des coupures étaient inévitables. Voilà comment Bagdad, dans le bassin du Tigre et de l'Euphrate, le Caire, dans le bassin du Nil, Cordoue en Espagne, pour ne parler que des principaux anneaux de la chaîne, devinrent des capitales indépendantes, purent même y réveiller d'anciennes civilisations. Mais l'unité factice des premiers jours était rompue à jamais.

L'Europe chrétienne, au contraire, par deux fois coalisée, au IXe siècle, sous la forte main de Charlemagne, au XIe siècle, lors des croisades, put tenir tête aux Arabes. Elle était d'ailleurs protégée par les Balkans à l'aile gauche, au centre par la Méditerranée, à l'aile droite par le massif pyrénéen. La lutte n'était pas égale. C'est au pied des Pyrénées tout d'abord que se portèrent de part et d'autre les coups les plus rudes. Mais les Arabes étaient au bout de leur élan quand ils arrivèrent dans les plaines de la Garonne d'une part, sur la plage méditerranéenne de l'autre et l'obstacle du Plateau central les obligeait à se diviser. Repoussés d'abord au sud-ouest, puis chassés du midi, Charlemagne les obligea à repasser les portes des Pyrénées occidentales et orientales, et il les ferma derrière eux, en établissant au delà des monts la Marche espagnole. Cette marche elle-même, trop isolée du reste de la France, ne devait pas tarder à lui échapper, pour se joindre aux autres royaumes chrétiens d'Espagne.

Persistance des divisions naturelles du sol français.

A travers toutes les vicissitudes de notre histoire, les contrées naturelles dont la France se compose n'ont cessé d'être reconnaissables. Elles correspondent à peu de chose près aux petites ou grandes patries des peuplades gauloises, assez inégales dans leur extension. Elles devinrent des cités ou des pagi, sous la domination romaine: elles n'ont disparu qu'en faible partie sous le réseau passager des principautés féodales, des circonscriptions monarchiques, des départements, districts, arrondissements, cantons qui prétendaient les supprimer. Leurs noms, ceux des provinces et surtout ceux des pays, ont subsisté dans la mémoire tenace du paysan; elles ont survécu à tout; il faudra peut-être y revenir le jour où l'on voudra remanier rationnellement l'organisation administrative du territoire.

Pour ne citer que quelques exemples, joignez le pays des Unelli (Cotentin), à celui des Abrincati (Avranchin) et vous aurez le département actuel de la Manche. Les Turones ont formé la Touraine (Indre-et-Loire); les Cadurci, le Quercy (Lot); les Petrocorii, le comté de Périgord (Dordogne). Les Volces Tectosages et les Volces Arécomices, englobés par Rome dans la première Narbonnaise, puis morcelés pendant le premier âge féodal, se retrouvent unis dans le Languedoc formé au XIIIe siècle par la monarchie. Pays de Nevirnum, évêché de Nevers, comté de Nevers, Nivernais, département de la Nièvre, c'est tout un. Pays, puis cité de Carcaso, diocèse de Carcassonne, Carcassonnais et arrondissement de Carcassonne, c'est tout un encore. Les Triboci habitaient la Basse-Alsace, département français du Bas-Rhin, aujourd'hui, et sans doute provisoirement, district allemand de Strasbourg. Il n'y aucune différence entre le territoire de l'antique Massilia et l'arrondissement actuel de Marseille. C'est que le relief, la structure, la formation géologique du sol, la direction des vallées, le caractère des productions, imposent des divisions naturelles que la politique et l'administration peuvent méconnaître pour un temps et masquer sous des cadres artificiels, mais qui reparaissent à la longue et jamais ne s'effacent.

Formation de l'unité territoriale.

L'annexion des provinces au domaine royal qui a créé l'unité de la nation française a obéi également à une loi géographique.

La nation capétienne (et ce fut l'origine principale de sa fortune) était établie au centre du bassin parisien; Hugues Capet possédait l'Ile-de-France et l'Orléanais. Ses successeurs immédiats complétèrent au XIe siècle ce noyau de la France future par l'annexion du Vexin français, du Gâtinais et du vicomté de Bourges; puis la marche en avant commença dans les diverses directions des vieilles lignes historiques.

Philippe-Auguste ouvrit la route des plaines du Nord par l'acquisition de l'Amiénois, du Vermandois, de l'Artois, du Boulonnais et du Valois, la route de l'Ouest et de la basse Seine par la confiscation de la Normandie, la route du Sud-Ouest ou de la basse Loire et de la Garonne, en s'emparant du Maine, de l'Anjou, du Poitou et de la Touraine.

Alors la royauté put commencer l'enveloppement du plateau central. Sous Philippe III le Hardi, elle le le tourna et le prit à revers par la réunion du Languedoc qui lui permit de s'établir à la fois sur la Garonne, la Méditerranée et le Rhône. Sous Philippe le Bel, Lyon lui assura un poste capital sur le flanc oriental du plateau. C'était en même temps un premier jalon placé sur la grande route du Sud-Est ou de la Méditerranée. Enfin, sous Louis X le Hutin, l'héritage de la Champagne ouvrit la route de l'Est dans la direction du Rhin, en même temps qu'il complétait l'occupation du bassin parisien.

Ainsi lorsque la terrible guerre de Cent ans commença, le plan de la France future apparaissait déjà un corps massif, pareil à celui d'une pieuvre, moulé sur le creux du bassin parisien, avec des membres, des bras inégaux s'allongeant chacun suivant les pentes ou les dépressions du sol, larges et vigoureux au nord, à l'ouest, et au sud-ouest et au midi, encore à peine ébauchés au sudest et à l'est. Cet organisme naissant s'appliquait, s'adaptait si fortement au relief de la vieille terre de Gaule, qu'il résista aux plus rudes secousses, à toutes les tentatives d'arrachement.

Même sous les Valois et dans les temps de ses plus grands revers, la royauté française ne cessa d'acquérir (le Dauphiné et Montpellier, sous Philippe VI). A partir de l'expulsion des Anglais, rien n'arrête plus le flot toujours montant des acquisitions royales. Il remplit sous Charles VII tout le bassin de l'ancienne Aquitaine. Sous Louis XI, il reprend définitivement possession des villes de la Somme au nord, du Maine et de l'Anjou précédemment perdus, au sud-ouest; il s'avance au sud-est par Auxerre, Dijon, Mâcon et atteint la Provence. Restaient à conquérir le massif isolé de la Bretagne, et le plateau central depuis longtemps cerné de toutes parts. Charles VIII et Louis XII nous donnèrent la Bretagne. François 1er, par la confiscation du Bourbonnais, de la Marche, du Forez et de la Limagne occupa le Plateau central.

Dès lors, la France était faite; à part quelques lacunes, elle formait un tout compact et résistant. Il a fallu pourtant encore arrêter ses contours et fixer ses limites.

Au midi, ce fut aisé, Henri IV réunit à la couronne en 1610, le versant nord de la Navarre à une extrémité des Pyrénées, et à l'autre extrémité, en 1659, Louis XIV acquit la Cerdagne et le Roussillon. Les deux seuls passages naturels qui permettent des empiétements de l'Espagne en France et réciproquement étaient ainsi fermés.

Au sud-est, l'abandon des petites places fortes que la France occupait à la tête de quelques vallées du versant italien, l'annexion de la Savoie et du comté de Nice, d'abord sous la Révolution, puis en 1860, ont régularisé la rontière des Alpes, tout en retranchant de la nation de véritables Français de langue et de race, comme les habitants du Val d'Aoste.

A l'est, Henri IV en acquérant la Bresse, le Bugey, le Valromey et le pays de Gex, nous donna le premier une partie du plateau franc-comtois. Louis XIV reçut la Franche-Comté tout entière au traité d'Aix-la-Chapelle (1668). Notre frontière de ce côté est le Jura. Mais la limite des langues qui englobe le Valais, les cantons de Genève, de Vaud (Lausanne) et de Neufchâtel, rappelle que jadis la Gaule comprenait aussi les Helvètes, ancêtres des Suisses actuels. (A suivre.) P. FONCIN.

MA MISSION

CHEZ LES

TRIBUS INDIENNES DE LA GUYANE ·

A monsieur Ludovic Drapeyron, directeur de la REVUE DE GÉOGRAPHIE.

Tumuc-Humac du Maroni, Haute-Guyane française,
1er septembre 1887.

Mon cher Directeur

Maintenant que me voici arrivé sur le théâtre de mes opérations, permettezmoi de vous esquisser à grands traits, mais d'une façon plus précise que je ne l'ai fait encore, l'œuvre à laquelle je voudrais, en dehors de mes préoccupations scientifiques, consacrer tout ce qui me reste encore de forces disponibles.

Cette œuvre, vous le savez, c'est l'apostolat des tribus indiennes, c'est la catéchèse, au point de vue et au profit de la civilisation, de cette race admirable, dont les descendants directs ou issus de blancs ont donné une couleur ethnique homogène et un développement progressiste si intense à toutes les nations de l'Amérique chaude.

Après avoir revu pendant près de deux mois ce qu'on appelle la Guyane française, c'est-à-dire les bagnes et les placers, son état économique, intellectuel et moral, je trouve mes appréciations passées encore trop optimistes. Le plus charitable est de se taire. Qu'il me soit cependant permis d'affirmer bien haut que la seule chose intéressante qui subsiste encore en Guyane française, ce sont les tribus indiennes de l'intérieur tout le reste est quantité négligeable.

Laissez-moi tout d'abord vous mettre sous les yeux, afin que vous ne m'accusiez pas d'innovation pernicieuse, un projet d'installation chez les tribus indiennes de la Haute-Guyanne française, projet daté de 1814 et signé du nom d'un de mes plus illustres et peut-être du plus illustre de mes prédécesseurs, le médecin botaniste Leblond (1747-1815). Je ne m'étais pas précédemment inspiré de Leblond, puisque, lorsque j'ai écrit ma France équinoxiale, je ne connaissais pas sa brochure contenant son projet de Réductions indiennes en Haute-Guyane.

Et voyez comme à soixante-dix ans de distance, ceux qui connaissent de la Guyane autre chose que la demi-douzaine d'officieux grotesques qu'elle a toujours eus à son service pour la discréditer, autre chose que Cayenne et trois ou quatre points du littoral, et qui aiment ce pays, se rencontrent pour défendre deux thèses identiques.

Le projet d'une nouvelle colonie de Leblond, médecin naturaliste pension

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