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les dunes, les chaines de ghourds ont une assez grande fixité; des dunes comme celle d'El Katif, sur la route de Tailbet à El Oued, qui a été vue par M. Duveyrier, il y a vingt-sept ans, persistent toujours. Du reste, l'ordre des dunes n'est pas quelconque, et près de Bereços, on remarque de grandes plaines orientées du nord-nord-ouest au sud-sud-est, le Sohan el-Kalb et le Sohan Razel, qui sont bordées de part et d'autre par des hautes dunes, mais dont le sol est dégagé de sable. M. Teisserenc de Bort a fait un nivellement barométrique qui forme deux sections de l'Erg, orientées du sud-ouest au nord-est et distantes de 150 kilomètres environ, en ayant soin de noter la pression barométrique dans cinq points où on trouvait le sol résistant et sur le terrain des dunes. Ces nivellements font voir que les points sont situés dans des vallées véritables et que l'Erg, qui parait, à première vue, être une sorte de plaine recouverte de veines de dunes, a une orographie véritable. Entre Tailbet et El Oued, on trouve un seuil de 130 mètres, dominant ainsi de 50 mètres la vallée du Souf.

Il est probable que, dans la plupart des cas, les grandes dunes ont une ossature assez résistante et que le sable se dépose sur des accidents du sol. Près de Laghouat, l'auteur a vu des collines de 200 mètres d'altitude relative qui se recouvrent de sable et qui finissent par former une grande dune.

Le seul moyen d'arrêter l'envahissement des sables serait de développer la végétation trop clairsemée qui existe dans les dunes.

Ce travail a une grande utilité pratique dans le voisinage des oasis et il a été tenté avec succès aux environs d'Ouargla. M. Teisserenc de Bort insiste particulièrement sur l'influence que les sables exercent sur le régime des eaux. La présence de dunes sur le sol retient la pluie comme ferait une éponge, elle suinte lentement jusqu'au sol ferme lorsque le sable est tout à fait imbibé, ce qui arrive après les fortes pluies.

Dans tous les cas, l'évaporation est très active à la surface des sables, qui restent humides à une faible profondeur.

Il y a ainsi un peu d'humidité partout, ce qui permet à une végétation spéciale de s'établir; mais les thalwegs des vallées ne recoivent presque plus d'eau. C'est en grande partie à cette cause que l'on doit la disparition de l'Oued Sout, qui coulait à ciel ouvert, il y a quelques centaines d'années, comme l'a établi M. Duveyrier. Il faut tenir compte des effets de ce genre lorsqu'on veut apprécier dans quelle mesure le climat du Sahara a pu changer.

M. Bouquet de la Grye remarque qu'en France les sables jouent un rôle différent, en empêchant l'eau de se répandre à la surface, la laissant suinter jusque dans les parties basses d'où elle retourne aux cours d'eau; il est pro bable que l'effet est différent en Afrique, à cause de la haute température.

M. Teisserenc de Bort répond qu'en France la hauteur de la pluie tombée est supérieure de beaucoup à la quantité d'eau enlevée par évaporation, comme le montrent les nombreux fleuves qui emportent l'excédent à la mer; dans le Sahara, au contraire, la pluie est si peu abondante que, lorsqu'elle est arrêté: par les sables et retardée dans sa marche par les bas-fonds, elle s'évapore presque complètement. La faible quantité d'eau qui a réussi à suinter à travers les dunes est retournée dans les puits de l'Erg, qui sont très fréquentés, mais fournissent si peu d'eau qu'une caravane un peu nombreuse les a tout de suite épuisés pour plusieurs heures.

M. Schrader fait part de ses observations sur une dune voisine d'Arcachon qui s'est exhaussée de 10 à 12 mètres dans les dernières années.

M. Thoulet insiste sur l'action érosive du sable en mouvement sur des roches même très dures.

M. Schrader expose l'ensemble de ses levés faits sur le terrain dans les Pyrénées espagnoles, levés pour la première partie desquels le Congrès des sociétés savantes en 1879 lui avait décerné une de ses médailles d'or. Depuis cette époque, le travail a grandi tellement que M. Schrader est sur le point d'arriver à la mer Méditerranée. La carte qu'il expose s'étend sur une longueur de 275 kilomètres environ, c'est-à-dire les trois quarts de la longueur de la chaîne. Il donne quelques détails sur les modifications profondes que son étude apporte dans la contexture des Pyrénées et présente un relief dressé d'après les courbes de niveau des feuilles parues de sa carte au 100 000. Ce relief offre des formes d'une simplicité et d'une ordonnance générale qui frappent dès le premier coup d'œil, et qui modifient l'idée qu'on se faisait de la contexture géographique des chaînes de montagnes. M. Schrader rapproche les faits géographiques des faits géologiques qu'il a pu observer au cours de ses voyages, et en déduit des conclusions toutes nouvelles sur la géologie des Pyrénées. Il espère pouvoir d'ici deux ans achever son travail jusqu'aux rives de la Méditerranée.

EXPLORATIONS RÉCENTES.

Ce qui a surtout marqué au Congrès de cette année, c'est la présence d'explorateurs plus nombreux et plus fraîchement débarqués à Paris. MM. Duveyrier et Decazes ont fait à nouveau leurs intéressants exposés sur le Rif (Maroc) et sur l'Ouest africain, dont la Société de géographie de Paris avait eu la primeur. M. Bour, ancien commandant de Cercle, de la Société de Topographie de France, n'a pu, à cause d'un deuil de famille, faire sa conférence annoncée sur les grandes routes futures de l'ouest de l'Afrique. Il s'est excusé par lettre. M. J. Martin donne un aperçu ethnographique de quelques-unes des populations de la Sibérie orientale, qu'il a visitées au cours de ses voyages. Ce sont les Yakoutes, les Bouriates, les Tongouses, les Tchouktchis, les Ossiaks, les Goldes, les Ghiliaks, les Maniègres, etc. Pour la plupart, les Yakoutes sont sédentaires et habitent la région de la Léna inférieure; ils sont laborieux et intelligents. Les Tongouses sont principalement répandus dans les monts Stanovoï et sur les frontières de la Mongolie. Ils sont tous nomades, et, suivant la latitude de leur habitat, ils se servent du cheval ou du renne comme bêtes de transport. Les Bouriates, cantonnés entre Irkoustk et la Léna, notamment dans la Transbaïkalie, sont devenus presque tous sédentaires comme les Yakoutes. Les Tchouktchis habitent la partie extrême de la Sibérie baignée par l'Océan glacial, au nord du Kamtchatka; ils vivent de la pêche. Les Goldes, nomades, se trouvent dans les montagnes de l'Oussouri; les Ghiliaks, occupent le bas Amour, entre l'Oussouri et la mer d'Okhotsk.

EXPLORATIONS ANCIENNES.

M. Castonnet des Fosses, délégué de la Société de géographie commerciale, analyse un manuscrit du père Raphaël du Mans, de l'ordre des capucins. Ce

manuscrit, qui se trouve à la Bibliothèque nationale, a trait à la Perse, dont il donne une description des plus complètes.

Le père Raphaël n'a rien oublié, il connaît à fond le pays et nous donne les renseignements les plus variés sur sa population, ses productions, sa situation sociale et politique. Les routes commerciales sont nettement indiquées, et la Perse est désignée comme le chemin le plus direct pour se rendre aux Indes. Le père Raphaël faisait partie de ces nombreux capucins que le fameux père Joseph, l'Éminence grise, envoya dans l'Asie pour nous frayer la route de l'Inde. Des couvents étaient fondés à Alep, à Mossoul, à Bagdad, à Bassorah, à Ispahan; c'étaient autant de postes, de stations, destinés à établir des communications régulières; des communications s'échangeaient entre ces stations. Lorsqu'on étudie ce qu'ont fait les ordres religieux pour propager notre influence en extrême Orient, il faut en attribuer une large part aux capucins.

Le père Raphaël résida quarante ans en Perse, de 1630 à 1670. Quand la compagnie des Indes envoya, une ambassade à Ispahan, ce fut lui qui négocia un traité avec la cour et aplanit les difficultés soulevées par l'inhabilité de La Boullaye Le Gouz. C'est l'une des figures les plus intéressantes parmi celles des anciens voyageurs en Asie. Cependant son nom est peu connu : il y a là un oubli à réparer et il est à souhaiter que le manuscrit du père Raphaël du Mans soit publié. La ville du Mans peut être fière d'avoir donné le jour au père Raphaël.

Le général Perrier, de l'Institut, directeur du service géographique, demande à M. Castonnet des Fosses si le père Raphaël, dans son manuscrit, paraît préoccupé de la question des routes de l'extrême Orient.

M. Castonnet des Fosses répond qu'à cette époque les voyageurs s'embarquaient à Bender-Abbas. Tout l'Afghanistan était dangereux à parcourir. On traversait la Perse pour gagner de là Surate; c'est le chemin qu'a pris le père Raphaël. Il a visité le Khoraçan et séjourné quelque temps à Hérat.

M. Castonnet des Fosses parle ensuite des communications à établir entre le Thibet, la Chine, la Birmanie et les pays de protectorat français. Le Thibet est un pays pauvre qui ne peut nous offrir de débouchés. La voie de communication entre le Thibet et la Chine est le fleuve Bleu; jamais il ne pourra être établi de véritables routes de communication entre le Thibet, la Birmanie et le Tonkin. Les caravanes introduisent dans le Thibet des marchandises russes, en passant par la Mongolie. Le royaume de Cachemire communique avec le Thibet par des caravanes; une route de caravanes existe. Cette route est fort ancienne. Le voyageur français Bernier, qui visita le Cachemire il y a plus de deux siècles, a signalé cette route. L'opinion de Bernier est précieuse, et aujourd'hui c'est par là que l'influence anglaise commence à pénétrer dans la région thibétaine.

GÉOGRAPHIE ANCIENNE.

M. L. Maxe-Werly soumet à la section quelques rectifications à faire à la table de Peutinger.

Dans son examen des voies romaines, après avoir consulté, pour la partie du nord-est, l'itinéraire d'Antonin et la table de Peutinger, l'ancienne commission de la topographie des Gaules a dù, lorsque ces documents présentaient entre

eux des variantes plus ou moins considérables, s'arrêter à l'un des deux cas indiqués, celui qui lui paraissait devoir être accepté de préférence.

Ne considérant pas comme parfaitement établies certaines positions qui lui auraient été signalées, ne leur reconnaissant pas les conditions d'une identification indiscutable, bien souvent la commission a fait suivre d'un point d'interrogation certains noms modernes, qui paraissaient désigner l'emplacement de stations antiques, quand la distance qui les sépare d'une station voisine ne lui a pas paru en rapport avec l'indication fournie par les documents anciens, ou lorsqu'elle a eu à douter de l'exactitude du chiffre lui-même, qui, par suite de copies successives des manuscrits de l'Itinéraire ou de la table de Peutinger, avait pu subir une altération. Le travail de la commission n'était donc point définitif; bien des points étaient encore à l'étude, et, en publiant en 1864 le résultat de ses recherches, elle ne prétendait pas que son œuvre fût indiscutable.

Ayant eu, dit M. Maxe-Werly, à m'occuper tout particulièrement de la partie de la voie romaine de Reims à Toul qui traverse le sud du Barrois, c'està-dire du tracé compris entre Ariola et Fines, j'ai pu établir avec toute la certitude désirable que la station d'Ariola était bien située au passage de la Chée, dans le Val des Noyers, sur l'emplacement qu'occupe aujourd'hui la Maison-du-Val; que Caturiges devait être identifiée avec Bar-la-ville, faubourg de Bar-le-Duc1, et qu'enfin le chiffre de IX lieues gauloises, indiqué par l'itinéraire d'Antonin, trouvait sa justification dans celui de 19 890 mètres que mesure la voie antique entre ces deux stations, sur le tracé que j'avais relevé avec exactitude.

Entre Caturiges et Nasium, le même chiffre IX, indiqué à la fois par l'itinéraire d'Antonin et par la table de Peutinger, n'a soulevé aucune objection. Les auteurs du dernier siècle et la Commission de topographie des Gaules ellemême l'ont accepté en raison sans doute de la concordance que présentent les deux documents que nous a laissés l'antiquité; personne ne paraît avoir conçu le moindre doute sur l'exactitude de ce chiffre IX; aussi la correction que j'avais indiquée en 1869 à la commission est-elle passée inaperçue.

Et cependant, continue M. Maxe-Werly, l'erreur que je signalais, il y a dixhuit ans, est manifeste; qu'on accepte le tracé proposé par la commission et qui s'écarte de la ligne des tronçons matériellement reconnus, ou qu'on adopte celui que j'ai établi dans la seconde partie de mon étude 2, il est impossible de faire concorder le chiffre de IX lieues gauloises avec la distance effective en kilomètres qui sépare le village de Naix du faubourg de Bar-laVille d'une part on obtient 23 kilomètres 300 mètres, soit dix lieues et demie ; de l'autre, la distance ne saurait-être moindre de 24 kilomètres, soit 10 lieues 8/10.

11 y a là évidemment erreur de la part du rédacteur des deux documents officiels ou des copistes qui les ont reproduits. L'emplacement de Çaturiges échappant désormais à la discussion, et la distance qui sépare cette station de Nasium étant à vol d'oiseau de 22 kilomètres 500 mètres, c'est-à-dire un peu

1. Étude du tracé de la chaussée romaine entre Ariola et Fines (Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts, de Bar-le-Duc, 1885).

2. Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc, 1886

plus de dix lieues gauloises, on peut, en admettant quelques détours sur une ligne que la configuration du sol rend presque directe, trouver les 24 430 mètres correspondant au chiffre XI, que je propose de substituer désormais à celui de IX par une simple inversion. Cette rectification pourra être utilement employée soit dans une réédition de la table de Peutinger ou de l'Itinéraire, soit dans la rédaction de la carte que prépare le comité des travaux historiques.

M. de Vautheleret, ingénieur, vice-président de la Société de Topographie de France, fait une communication sur les anciennes voies romaines, principalement celles de la mer Tyrrhénienne et leur corrélation avec nos grandes Ignes ferrées actuelles.

De 1860 à 1870, il était délégué aux travaux de la ligne ferrée du littoral méditerranéen (construction: Toulon, Nice, frontière italienne).

Parmi les nombreux sujets d'étude qui se présentaient à lui, une corrélation entre les anciens sentiers créés par les peuples primitifs et les grandes lignes ferrées actuelles, attira son attention.

Ce fut surtout la grande et belle voie Aurelia, du littoral, qu'il put retracer de Monaco à Vintimiglia et Turbia.

Deux bornes miliaires furent retrouvées par lui, assez bien conservées, puisque sur l'une se lit distinctement le nom d'Augustus Octavius, neveu de Jules César?

Avant la voie Aurelia, Appius Claudius avait fait construire la voie Appienne qui reliait Rome à Capoue.

Puis, sous Agrippa, l'on construisit les premières grandes voies des Gaules. Il conclut en démontrant que la via Aurelia est devenue la grande ligne ferrée Marseille-Gênes, après avoir été la grande route de la Corniche. La via Postumia est devenue la ligne ferrée Gênes-Turin;

La via Emilia-Scaura, la ligne ferrée de Turin-Savone;

La via Emilia-Lepida, la ligne ferrée du Grand Saint-Bernard;
La via Heraclea, la ligne ferrée Gênes-Milan-Aoste;

La via Domitia, la ligne Mont-Blanc-Genève-Paris;

La via Monea, la ligne Cuneo-Vintimiglia, etc., etc.

On pourrait citer à l'infini, mais ces quelques exemples suffisent à démontrer la corrélation qui existe entre le sentier primitif, iter, qui devient actus ou chemin, puis route ou via, enfin grande ligne de fer internationale.

M. Alexandre Bertrand, de l'Institut, fait observer, au sujet d'une assertion de M. Vautheleret, que la route du littoral via Domitia n'a pas été construite par les Romains contre les Phocéens, c'est-à-dire contre les Marseillais, qui s'étaient toujours considérés et conduits comme des alliés de Rome depuis Tarquin l'Ancien. C'est même à leur appel qu'on été faites les premières expéditions des Romains, dont le résultat a été la conquête des contrées qui devinrent la Provence.

D'une rectification insérée à l'Officiel, il résulte que M. de Vautheleret avait dit que la grande voie Aurelia (et non Domitia) avait été construite par les Romains, non seulement pour le passage de leurs agents et de leurs courriers, mais pour guerroyer contre les Ligures (et non contre les Phocéens). M. Bertrand aurait donc mal saisi cette partie de son intéressant exposé.

M. le docteur Rouire, délégué de la Société de géographie de Tours, annonce

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