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para ir contra los habitantes de las Indias de S. M. Ce fut sans doute à cette occasion que Charles-Quint envoya dans les parages de Terre-Neuve une caravelle commandée par Ares de Sea, afin de saber lo que havia hecho por alla un capitan frances que se dice Jacques Cartier, et qu'il proposa à Jean III de Portugal une expédition combinée à Terre-Neuve; mais Ares de Sea, parti de Bayona de Galice, le 25 juillet 1541, était de retour le 17 novembre de la même année. Il n'avait rien remarqué de suspect. Il avait profité de son voyage pour explorer les côtes et les îles, et rapportait de précieux renseignements géographiques. C'est en effet à partir de 1542 que les cosmographes espagnols paraissent avoir des données précises sur la topographie canadienne. Quant au roi de Portugal, qui avait déjà perdu plusieurs navires dans ces parages et redoutait les pirateries françaises, il déclina l'offre de son puissant voisin. Cartier et Roberval eurent donc le champ libre pour tenter leur grande exploration. Cinq navires, et non pas huit ou neuf comme l'avaient écrit les espions de l'Espagne, avaient été rassemblés à Saint-Malo pour conduire les explorateurs et leurs auxiliaires. Cartier se rendit tout de suite dans sa ville natale pour activer les préparatifs, et en effet, quand Roberval vint l'y rejoindre, presque tout était achevé. L'artillerie seule faisait défaut, ainsi que les munitions nécessaires. Roberval, qui croyait l'abondance nécessaire à sa dignité, prit le parti d'attendre quelques pièces de canon qu'il faisait venir de Normandie et de Champagne, et d'équiper deux autres navires à Honfleur. Sur ces entrefaites, il reçut à Saint-Malo des lettres du roi qui lui enjoignaient de mettre à la voile dès leur réception sous peine d'encourir son déplaisir. Roberval, qui ne pouvait se résoudre à laisser derrière lui son artillerie, se détermina à faire partir à l'avance Jacques Cartier en lui déléguant à titre provisoire toute son autorité. Cartier se trouvait de la sorte pour quelque temps chef suprême de l'expédition. Comme le vent était favorable il mit à la voile avec ses cinq navires le 23 mai 1541. Roberval devait le suivre de près et reprendre alors ses fonctions de vice-roi.

Le voyage fut long et difficile, car les vents changèrent presque au sortir du port et restèrent contraires. La traversée dura trois mois, et encore les navires furent-ils séparés les uns des autres, à l'exception de deux qui voguèrent toujours de conserve, celui que montait Cartier, et un autre où se trouvait le vicomte de Beaupré. La longueur du voyage amena une disette d'eau douce, et Cartier

qui conduisait au Canada des animaux domestiques se vit contraint, pour les conserver, de leur faire donner du cidre et autres breuvages.

On prit terre au havre de Carpont, dans l'ile de Terre-Neuve, où on renouvela l'eau et les vivres frais. Comme Roberval n'était pas encore arrivé, Cartier mit de nouveau à la voile, et le 23 août arrivait au havre de Sainte-Croix, où, cinq ans auparavant, il avait séjourné près de huit mois. Les sauvages, reconnaissant le pavillon français, s'empressèrent de venir à bord dans plusieurs canots, dont l'un portait Agonna, le successeur intérimaire de Donnaconna. Comme il demandait des nouvelles de ce dernier, Cartier répondit qu'il était mort en France, mais il n'osa pas lui apprendre le décès des autres Canadiens, et se contenta de lui dire qu'ils étaient restés en France, où ils vivaient en grands seigneurs, et ne voulaient pas revenir. Agonna ne parut pas très affligé de ces nouvelles, car il demeurait par là le chef et seigneur de tout le pays. Il fit à Cartier de grandes démonstrations d'amitié, et lui donna le bonnet de peau qui lui tenait lieu de couronne. Cartier le lui rendit, distribua quelques présents à ses femmes, puis, levant l'ancre, alla visiter, à quatre lieues de Sainte-Croix, une petite rivière et un port qu'il trouva plus commode pour ses vaisseaux que le précédent. Dès le lendemain il déchargea ses vivres et autres provisions, garda trois navires et renvoya les deux autres en France avec Marc Jalabert son beau-frère et Étienne Noël son neveu, tous deux habiles pilotes, qui devaient annoncer au roi l'arrivée de la flotte au Canada, et en même temps lui apprendre que Roberval n'était pas encore arrivé.

Le premier soin de Cartier fut de mettre à l'abri les provisions et les marchandises qu'il avait rapportées de France. Il fit donc remonter la rivière à ses trois navires, et en défendit l'entrée par un fort qu'il nomma Charlesbourg-Royal, sans doute en l'honneur de Charles d'Orléans, fils du roi. Comme ce fort était dominé par une ⚫ montagne, il fit construire sur cette hauteur, auprès d'une belle fontaine, un second fort qui couvrit ainsi le premier et commanda la rivière. Enfin, comme il avait dessein d'établir une colonie, conformément aux ordres du roi, et que, sans parler des animaux domestiques, il était pourvu de diverses espèces de semences, il voulut faire un premier essai de culture et employa à préparer la terre vingt de ses travailleurs. Dans une seule journée ils labourèrent un arpent et demi, et semèrent des choux, des navets et des

laitues, qui, en huit jours, sortirent de terre. Aussi bien le pays paraissait très fertile et fort agréable. Nous lisons dans la traduction de l'Anglais Hackluyt, qui inséra dans le troisième volume de sa Collection la relation aujourd'hui perdue de Cartier : « Des deux côtés de la rivière, il y a de fort bonnes et belles terres, pleines d'aussi beaux et puissants arbres que l'on puisse voir au monde, et de diverses sortes, qui ont plus de dix brasses plus haut que les autres... De plus il y a grande quantité de chênes, les plus beaux que j'aie vus de ma vie, lesquels étaient tellement chargés de glands, qu'il semblait qu'ils s'allaient rompre. En outre il y a de plus beaux érables, cèdres, bouleaux et autres sortes d'arbres, que l'on n'en voit en France. Et proche de cette forêt, sur le côté sud, la terre est toute couverte de vignes que nous trouvâmes chargées de grappes aussi noires que ronces, mais non pas aussi agréables que celles de France, par la raison qu'elles ne sont pas cultivées et parce qu'elles croissent naturellement sauvages. De plus il y a quantité d'aubépines blanches qui ont les feuilles aussi larges que celles du chêne, et dont le fruit ressemble à celui du néflier. »

Un examen superficiel prouva également à Cartier l'existence de diverses mines et carrières : en premier lieu de l'ardoise noire et épaisse, de l'ocre jaune, quelques feuilles d'or minces et légères et du fer.« De l'autre côté de la montagne, lisons-nous dans la relation, se trouve une belle mine du meilleur fer qui soit au monde, et le sable sur lequel nous marchions est terre de mine parfaite, prête à mettre au fourneau. » Et plus loin: « Nous avons trouvé des pierres comme diamants, les plus beaux, polis, et aussi merveilleusement taillés qu'il soit possible à homme de voir, et lorsque le soleil jette ses rayons sur ceux-ci, ils luisent comme si c'était étincelles de feu. » Il semble pourtant que l'imagination de Cartier l'ait entraîné un peu loin, car on n'a jamais trouvé de diamants au Canada; on n'y rencontre que des agates, du jaspe, des labradorites, des hyacinthes, des améthystes, du jais et aussi quelques graines de rubis.

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Heureux de ces découvertes d'un si bon augure pour le reste du voyage, Cartier voulut, en attendant Roberval, explorer le pays. fit apprêter deux barques, prit avec lui Martin de Paimpont avec d'autres gentilshommes et partit le 7 septembre. Il laissait en son absence la garde du fort et le commandement au vicomte de Beanpré. Son dessein, en remontant le fleuve, était de prendre connaisREVUE DE GÉOGR. AOUT 1887.

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sance des sauts qu'il faut franchir au-dessus de Hochelaga, et d'être de la sorte plus à même de pousser en avant, quand le printemps serait venu. Chemin faisant il s'arrêta au village de Hochelai, dont le cacique, lors du second voyage, lui avait témoigné de l'intérêt et donné d'utiles avis. Voulant lui faire comprendre qu'il comptait toujours sur son amitié, Cartier lui laissa deux jeunes Français pour qu'ils apprissent la langue du pays, et lui fit présent d'un manteau de drap écarlate, tout garni de boutons jaunes et de petites clochettes. Cartier continua ensuite sa route, mais avec un vent si favorable que le 11 septembre il arrivait au premier saut du fleuve, au rapide qui paraît correspondre à ce qu'on nomme aujourd'hui le courant Sainte-Marie.

Il résolut donc de remonter le courant aussi loin que possible, mais ne prit avec lui qu'une seule barque, avec un nombre de rameurs double du nombre ordinaire. Le fond du fleuve était rempli de gros rochers et le courant si impétueux qu'il leur fut impossible de passer outre sur quoi Cartier fut d'avis d'aller par terre pour reconnaître l'étendue de la cascade. Bien accueilli par les Canadiens, il fut accompagné par eux jusqu'à une deuxième cascade, celle qu'on nomme aujourd'hui les rapides de la Chine. Fort étonné de l'impétuosité du courant et de la fréquence des chutes, Cartier demanda aux Canadiens s'il avait encore d'autres cascades à franchir avant d'arriver à Saguenay. Ceux-ci lui répondirent qu'il y avait un troisième saut à franchir. Pour se faire comprendre, ils plaçaient de petits bâtons par terre, qui indiquaient les rives du fleuve, et d'autres en travers pour représenter les sauts. Comme la journée était fort avancée, et que Cartier et les siens n'avaient pas pris de nourriture, ils retournèrent à leurs barques, et furent étonnés de les voir entourées par plusieurs centaines d'indigènes, qui les accueillirent il est vrai par des acclamations de joie, mais qui en réalité, comme on le sut plus tard, ne cherchaient déjà qu'une occasion pour les massacrer.

Le premier symptôme de cette désaffection des indigènes fut donné par le cacique de Hochelai, qui jusqu'alors avait si bien reçu nos compatriotes. Au lieu d'attendre Cartier, comme ille lui avait promis, il s'était rendu secrètement à Stadaconé pour délibérer avec le chef de cette bourgade sur ce qu'ils pourraient entreprendre contre les étrangers. Cartier, fort inquiet de son absence et commençant à comprendre leurs secrets desseins, renonça à visiter Hochelaga et

précipita sa marche vers Charlesbourg-Royal. Depuis quelques jours, les sauvages ne passaient plus aux environs du fort pour vendre du poisson et du gibier, et à Stadaconé se formait une véritable armée de Canadiens. Cartier fit aussitôt mettre les deux forts en état de défense et attendit les événements.

Que s'était-il donc passé depuis le débarquement des Français et pourquoi les Canadiens, d'abord si empressés, si prévenants, devenaient-ils du jour au lendemain nos ennemis? L'enlèvement de Donnaconna les avait déjà fort excités la nouvelle de sa mort et l'absence de ses compagnons les remplit de défiance, car tous les chefs redoutaient d'être enlevés à leur tour pour être transportés en France. Aussi résolurent-ils de profiter du petit nombre des étrangers pour les jeter à la mer. Par malheur la relation de Cartier se trouve ici interrompue. Nous ignorons les détails qu'il donnait sur le reste de son séjour depuis la fin de septembre 1540 jusqu'au commencement de mai 1542. Il est probable qu'il y eut entre nos compatriotes et nos Canadiens de nombreuses escarmouches, et que le nombre finit par l'emporter sur la vaillance, car Cartier se décida à revenir en France, abandonnnant et Charlesbourg-Royal et la petite colonie française. Pourtant nous n'avançons ici qu'une hypothèse que rien autre ne justifie que le caractère bien connu de Cartier, sa vaillance, sa fermeté et l'amour-propre bien naturel à un chef d'expédition et à un fondateur de colonie, qui lui impose comme un devoir de rester jusqu'à la dernière extrémité au poste qu'on lui a confié. Si donc Cartier renonça à se maintenir au Canada, il est bien probable que ce ne fut que contraint et forcé. PAUL GAFFAREL.

(A suivre.)

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