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reflux se fait veoir, soyent ou plus enfonsez ou plus eslevez ou esgaux, n'estant aisé de descouvrir qu'elle cause si puissante puist forcer ceste grande abisme d'eaus tantost à monter contre la nature de tout chose pesante et de toute eaue en particulier, tantost à retourner ès lieux bas dont elles sont venues, suyvant leur naturel, pour incontinent les en déjecter de nouveau, et puis les y ramener sans fin ni repos, tempre, tard, de nuict, de jour, avec le vent, contre vent, estant par avanture davantage à admirer qu'une cause si puissante puist estre si long temps cachée. Car Lucain confesse ouvertement qu'il ne la cognoit pas, et les opinions des philosophes et du vulgaire sont si diverses sur ce fait, que ou bien peu l'ont peu comprendre, ou pour le moins ne l'ont sceu bonnement déclairer. Suyvant quoy Solin escrit Plura pro ingeniis disserentium, quàm pro veritatis fide expressa. Lucain' escrit en ces termes, en allégant quelques unes, mais sur lesquelles il ne s'ose arrester :

:

Quàque jacet littus dubium, quod terra fretumque
Vindicat alternis vicibus, cùm funditur ingens
Oceanus, vel cùm refugis se fluctibus aufert
Ventus ab extremo pelagus sic axe volutet,
Destituatque ferens, an sidere mota secundo,
Thetyos unda vage lunaribus æstuet horis
Flammiger an Titan, ut alentes hauriat undas
Erigat Oceanum, fluctusque ad sydera tollat
Quærite, quos agitat mundi labor : at mihi semper,
Tu, quæcumque moves tam crebros, causa, meatus,
Ut Superi voluêre, lates.

1 Luca. Lib. 1o de bello civili.

Plutarque, auteur incomparable aussi bien en philosophie naturelle que morale', n'est pas plus hardy, se contentant aussi d'alléguer diverses opinions de philosophes sans mettre la sienne en avant. Il escrit qu'Aristote et Héraclite rapportent la cause au soleil, d'autant que c'est celuy qui excite et mène quant et luy la plupart des vents, lesquels venans à donner dedans la mer Océane, enflent la mer Atlantiqué et ainsi font le flux. Et puis, quant ils viennent à faillir, la mer estant retirée, baisse, et ainsi cause le reflux, ou l'ève. Il escrit que Pytheas de Marseille tient que la pleine lune est celle qui fait le flux, et le decours le reflux. Il escript que Platon l'attribue à un soufflement des eaux, disant qu'il se fait un souflement qui, à travers la bouche d'un pertuis, porte çà et là le flux et le reflux, par le moyen duquel les mers sont oppositement tourmentées. Il escrit que Timéus en donne la cause aux rivières, qui entrent dedans la mer Atlantique, tombans des montaignes des Gaules, qui par leurs irruptions et entrées violentes, en poussant les eaues de la mer, font le flux, et, en se retirant par intervals, quant ils cessent, causent le reflux. Il escript que Seleucus, le mathématicien, qui fait aussi la terre mobile, dit que le mouvement d'icelle est contraire et opposite à celui de la lune, et que le vent estant tiré çà et là à l'opposite par ces deux contraires révolutions, venant à donner dedans l'Océan Atlantique, brouille ainsi la mer à mesure qu'il se remue.

Pomponius Mela, confessant la chose, samble aussi en vouloir ignorer la cause, quant il escript: Oceanus ingens et infinitum Pelagus et magnis æstibus concitum, ità enim motus ejus appellant, modo inundat campos, modo latè nudat et re

Plut. liv. 3, c. 17 des opinions des philosophes.

fugit, nunc alios aliosque invicem, neque alternis accessibus, nunc in hos nunc in illos impetu versum. Sed ubi in omnia littora, quamvis diversa terrarum insularumque, ex medio pariter effusum est, rursus ab illis colligitur in medium, et in semetipsum redit, tantâ vi semper immissum, ut vasta etiam flumina retro agat, et out terrestria deprehendat animalia, aut marina destituat. Neque adhuc satis cognitum est, halitu ne suo id mundus efficiat retractamque cum spiritu regerat undam undique, si, ut doctoribus placet, unum est animal an sint depressi aliqui specus quo reciproca maria residunt, atque inde se rursus exuberantia attollant : an luna causas tantis meatibus præbeat. Ad ortus certè ejus occasusque variantur, neque eodem assiduè tempore, sed ut illa surgit ac demergitur ità recedere et adventare comperimus.

Appollonius Tyaneus, mis en avant par Philostrate, en attribue la cause aux esprits ', respirations et vents cachez dessoubz les ondes. Macrobius estime : Quod sinus Oceani orientales et occidentales mutuo concursu sese feriunt impetuque immaniore misceantur, ex quorum collisione nascatur famosa illa Oceani accessio pariter et recessio.

2

Par avanture, comme Possidonius ose escrire que le soleil se plonge entre l'Espagne et l'Océan, et qu'un si grand feu tombant en luy ne peut se passer sans le faire bouillir estrangement, il pouldra sambler à quelcun que le flux et reflux soit causé par cest accident.

Autres attribuent la chose à la pente de la terre sur le midy,

1 Liv. 3.

2 In sonium Scipionis.

autres à ce graud flux de l'Océan en Occident, ou soubs le pole Antarctique, chose incogneue aux philosophes, et descouverte il n'y a pas long temps par ces illustres nautonniers, qui ont joinct l'Orient à l'Occident, comme si la mer ainsi engoulphée par infinis grands canaux pouvoit aussi tost remplir la mer orientale ou la septentrionalle, que l'une et l'autre coule roidement en Occident. Sylius, autant bon philosophe que bon poète, donne ceste puissance à la lune, escrivant :

Cymotheos ea regna vaga pelagique labores
Luna movet, luna immissis per cærula bigis,
Fertque refertque fretum, sequiturque reciproca Tethis.

Pline asseure le soleil et la lune en estre la cause, et déclaire la la chose particulièrement lors qu'il escrit: Estus maris acedere et reciprocare maximè mirum, pluribus quidem modis, verùm causa in sole lunâque. Bis inter duos exortus lunæ affluunt, bisque remeant, vicenis quaternisque semper horis, Et primùm attollente se cum eâ mundo intumescentes, mox à meridiano cæli fastigio vergente, in occasum residentes; rursusque ab occasu subter cæli ima, et meridiano contraria accedente, inundantes; hinc, donec iterum exoriatur, se resor bentes; nec umquàm eodem tempore, quo pridie, reflui, ut ancillante sydere, avido, trahenteque secum haustu maria, et assiduè aliunde quàm pridie exoriente: Paribus tamen intervallis receproci, senisque semper horis, non cujusque diei aut noctis aut loci, sed æquinoctialibus. La commune opinion des plus doctes, soit qu'ils ayent devancé, soit qu'ils ayent suyvi ceux que dessus, s'arrestent aussi pour la résolution de ce grand miracle de nature, sur la considération de la lune,

sur la conjonction d'icelle avec le soleil, sur son accroissement, son regard, ses cornes et autres passions d'icelle. En quoy resteroit à demander pourquoy ne voions semblables mouvemens ès lacqs et palus, et, qui est plus à considérer, en la mer Méditerrannée et mesme au milieu de l'Océan; car les maistres, pilotes dient qu'on ne s'y en apperçoit guère, si Pline curieux recercheur des œuvres de nature, et auteur propre pour les faire admirer, n'y avoit satisfait, escrivant en ces termes 1: Omnes æstus in Oceano majora integunt spatia, inundantque quàm in reliquo mari: sive quia totum in universitate animosius est, quàm in parte: sive quia magnitudo aperta syderis vim laxè grassantis efficaciùs sentit, eamdem angustiis arcentibus; quá de causâ nec lacus nec amnes similiter moventur. Et plus bas Circà littora autem magis quàm in alto deprehenduntur hi motus, quoniam et in corpore extrema pulsum venarum, id est spiritûs magis sentiunt.

:

Si est-ce que par advanture la cause entière du mouvement de telle estendue d'eaue n'est pas encoire assez claire et descouverte, et qu'il est besoin de recognoistre icy tout ouvertement la puissance infinie de ce grand Dieu, et de dire avec le poète, recognoissant en luy un enthousiasme et fureur poétique, qui lui faisoit dire plus qu'il ne comprenoit :

Lucentemque globum lunce Titaniaque astra
Spiritus intus alit, totamque infusa per artus
Mens agitat molem, et magno se corpore miscet.

1 Pl. Hist. nat.

2 Virg, Æneid. 6.

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