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le prince de Condé alla tenir les Etats en Bourgogne, je le chargeai de reconnoître ce qui se pourroit faire dans la Franche-Comté.

RÉVOLUTION DE PORTUGAL.

J'avois depuis peu conclu un nouveau traité avec le roi de Portugal, par lequel il s'obligeoit à ne faire ni paix ni trève, sans mon exprès consentement, et je lui promettois aussi de ne me point accommoder avec l'Espagne, sans lui faire accorder le titre de roi, qu'on lui avoit jusque-là refusé. Mais vers la fin de cette année, il arriva une révolution dans cet Etat, qui rompit absolument mes mesures; car le roi qui, de sa personne, étoit fort incommodé, s'étant rendu plus insupportable encore par ses mœurs, fut dépossédé et fait prisonnier dans son propre palais, sans que, de tout ce qu'il avoit de sujets ou de domestiques, aucun se mît en devoir d'empêcher un si détestable attentat; aventure tellement singulière, que l'histoire des siècles passés ne nous peut fournir rien de pareil (1).

Mais tandis que le reste des hommes se con

1) Dans la cinquième partie de cette collection, on trouvera des détails et des pièces concernant cette révolution singulière.

tente d'admirer cet événement, il est bon que vous tâchiez d'en profiter, en observant quelles en ont été les causes.

Il faut assurément demeurer d'accord que, quelque mauvais que puisse être un prince, la révolte de ses sujets est toujours infiniment criminelle. Celui qui a donné des rois aux hommes, a voulu qu'on les respectât comme ses lieutenans, se réservant à lui seul le droit d'examiner leur conduite. Sa volonté est que, quiconque est né sujet, obéisse sans discernement; et cette loi, si expresse et si universelle, n'est pas faite en faveur des princes seuls, mais est salutaire aux peuples mêmes auxquels elle est imposée, et qui ne la peuvent jamais violer sans s'exposer à des maux beaucoup plus terribles, que ceux dont ils prétendent se garantir.

Il n'est point de maxime plus établie par le christianisme, que cette humble soumission des sujets envers ceux qui leur sont préposés; et en effet, ceux qui jetteront la vue sur les temps passés, reconnoîtront aisément combien ont été rares, depuis la venue de JésusChrist, ces funestes révolutions d'Etats, qui arrivoient si souvent durant le paganisme,

Mais il n'est pas juste que les souverains, qui font profession de cette sainte doctrine,

se fondent sur l'innocence qu'elle inspire à leurs peuples, pour vivre, de leur part, avec plus de déréglement; il faut qu'ils soutiennent, par leurs propres exemples, la religion dont ils veulent être appuyés, et qu'ils considèrent que, leurs sujets les voyant plongés dans le vice et dans le sang, ne peuvent presque rendre à leur personne le respect dû à leur dignité, ni les reconnoître pour les vivantes images de celui qui est tout saint, aussi bien que tout-puissant.

Je sais bien que ceux qui sont nés, comme vous, avec des inclinations vertueuses, s'emportent jamais à ces scandaleuses extrémités, qui blessent ouvertement la vue des peuples; mais il est bon pourtant que vous sachiez que, dans le haut rang que nous tenons, les moindres fautes ont toujours de fâcheuses suites. Celui qui les fait, a ce malheur, qu'il n'en connoît jamais la conséquence que quand il n'est plus temps d'y remédier. L'habitude qu'il prend au mal, le lui fait voir de jour en jour plus excusable et moins connu, tandis qu'il paroît, aux yeux du public, plus honteux et plus manifeste; car c'est une des plus grandes erreurs où puisse tomber un prince, de penser que ses défauts demeurent cachés, ni qu'on se porte à les excuser.

UV. DE LOUIS XIV. TOME II.

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Les rois, qui sont les arbitres souverains de la fortune et de la conduite des hommes, sont toujours eux-mêmes les plus sévèrement jugés, et les plus curieusement observés. Dans le grand nombre de gens qui les environnent, ce qui échappe aux yeux de l'un, est presque toujours découvert par un autre. Le moindre soupçon que l'on conçoit d'eux, passe aussitôt d'oreille en oreille, comme une nouvelle agréable à débiter; celui qui parle, faisant toujours vanité de savoir plus que les autres, augmente les choses au lieu de les affoiblir; et celui qui entend, prenant un plaisir malin à voir abaisser ce qu'il croit trop au-dessus de lui, apporte toute la facilité possible à se persuader de ce qu'on lui dit.

Plus le prince dont on s'entretient, a d'ailleurs de mérite et de vertu, plus l'envie prend à tâche d'en obscurcir l'éclat; en sorte que, bien loin de dissimuler ses fautes, on lui en suppose même quelquefois dont il est absolument innocent d'où vous devez conclure, mon fils, qu'un souverain ne sauroit mener une vie trop sage et trop innocente; que, pour régner heureusement et glorieusement, ce n'est pas assez de donner ordre aux affaires générales, si nous ne réglons aussi nos propres mœurs; et que le seul moyen d'être vrai

ment indépendant et au-dessus du reste des hommes, c'est de ne rien faire, ni en public ni en secret, qu'ils puissent légitimement censurer (1).

Variante qui se rapporte à la page 276.

« Ce fut dans ce même esprit que, prenant sujet des diverses augmentations que j'avois faites dans les compagnies de mes Gardes-du- corps, j'y créai de nouvelles charges de lieutenans, d'enseignes et d'exempts, en faveur de plusieurs hommes de mérite, lesquels je crus ne pouvoir mieux gratifier qu'en les approchant plus près de moi.

>> Tous ceux que je pris pour lieutenans avoient été longtemps capitaines de Chevaux -légers, et avoient même commandé divers corps dans lesquels ils s'étoient fait remarquer par des actions fort singulières; comme Chaseron, à la défense d'Ypres et au siége d'Arras; Lançon, à.

Visé, au siége de Barcelonne, où il avoit

(1) Ici se termine tout ce qu'on a pu recueillir des Mémoires sur l'année 1667. On trouve la raison de leur briéveté, dans ce paragraphe détaché que nous fournissent les brouillons; il semble fait pour servir de transition à une suite d'articles sur les événemens et l'administration de l'intérieur. « L'application que j'ai eue durant cette cam→ >pagne, à m'acquitter d'un emploi qui m'étoit nouveau, >> et le grand nombre d'affaires différentes que j'ai trou» vées à mon retour, m'ont ôté le loisir de rapporter ici >> les circonstances particulières que j'avois coutume de » vous expliquer ».

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