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ques & aux Langues fçavantes. Il lifoit, fans interprêtes, les meilleurs Auteurs d'Athènes & de Rome. Les premieres années de fa vie furent confacrées au Service; il le quitta de bonne heure, pour fe livrer aux plaifirs de la Cour & à ceux de la Philofophie. Paris & une jolie maifon de campagne, aux environs de Poitiers, furent les lieux où il fixa fon féjour. Il mourut dans fa retraite en 1690 dans un âge fort avancé.

Il n'y a eu de l'Académie Françoife qu'un feul Poitevin, Louis de Lavau; encore n'eft-il pas bien fûr qu'il fût né en Poitou. Ses liaifons avec le Maréchal de Vivonne avoient engagé M. Colbert à fe fervir de lui, pour faire réuffir le mariage d'une de fes filles avec le Duc de Mortemar. La récompenfe de ce fervice fut une place à l'Académie. Lavau en

étoit Directeur à la mort de Corneille. Racine fut fait Directeur le lendemain. Ils prétendirent tous deux avoir droit de faire faire le fervice du mort. La difpute fut vive, & Lavau l'emporta: fur quoi Benferade dit : fi quelqu'un pouvoit prétendre à l'honneur d'enterrer Corneille, c'étoit Racine ; cependant il ne l'a pas fait. On ne connoit de Lavau que

quelques Complimens & le difcours qu'il prononça à la réception de M. de Fontenelle à l'Académie Françoife. Ces pièces font fort peu de chofe, & n'ont d'autre mérite que la brièveté. Son grand talent étoit la prononciation, & perfonne ne lifoit avec plus de grace que lui. Auffi Ménage l'appelloit-il Ami Lecteur.

L'Académie des Sciences compte auffi parmi fes membres un Sçavant du Poitou. Gilles Filleau des Billettes y fut reçu en qualité de Penfionnaire: Méchanicien.. Dans fon éloge, écrit par M. de Fontenelle, je trouve une circonstance qui vous apprendra jufqu'où des Billettes portoit l'amour de l'ordre, & fa paffion pour le bien public. Lorsqu'il paffoit fur le PontNeuf, il prenoit toujours les bords des. marches & du Parapet, qui font ordinairement moins battus, afin de conferver le milieu, qui s'ufe beaucoup plus vîte.

L'Académie des Belles Lettres fit auffi Tacquifition d'un Poitevin dans la perfonne de l'Abbé Nadal. L'Auteur traite ce Poëte avec une févérité outrée. L'Abbé Nadal n'étoit pas fans mérite, fans mérite, & il peut tenir une place honorable dans une Bi bliothèque Poitevine.

Je ne vous ai rien dit, Monfieur, des autres écrivains qui ont fleuri dans cette Province pendant les dix ou douze premiers fiècles. C'étoit, pour la plûpart, des Moines obfcurs, dont la vie & les ouvrages ne fourniffent rien qui foit digne de votre attention. M. du Radier a réfervé pour le cinquième Volume, & a réuni fous un feul point de vûe tous les fçavans du nom de Sainte-Marthe.

Il faut avouer, Monfieur, que c'est une chofe bien fingulière que de trouver dans une feule famille de Poitiers quarante-fix Auteurs, qui tous ont porté le même nom. Le monde entier ne fournit point un exemple pareil. Cette famille, où la Nature, par un privilège inoui, a raffemblé tant de fçavans en tous genres, Théologiens, Jurifconfultes, Médecins, Hiftoriens, Poëtes, Orateurs, Antiquaires, Littérateurs, Philo logues, cette illuftre famille fubfifte encore dans quatre perfonnes. Scévole Louis de Sainte-Marthe, Chevalier, Seigneur de Méré, vit à Paris dans un âge fort avancé. Charles-Félix de SainteMarthe eft Capitaine de Cavalerie dans le Régiment de la Vieville. Le ChevaHer de Sainte-Marthe, fon frère, eft ma

rié à Poitiers, & n'a qu'un fils âgé de dix mois: Magnæ fpes unica gentis. « Génie qui préfidez à la gloire de cette » Province (s'écrie poëtiquement M. du Radier) Muses, à qui la maifon de »Sainte-Marthe a rendu depuis trois » fiécles des hommages fi conftans & fi variés, adoptez ce tendre enfant; éle» vez-le dans votre fein; veillez autour » de fon berceau; rendez-le digne de »vos plus faints myftères; que fon » cœur, formé fur les exemples de fes »ayeux, que fon efprit, cultivé par vos » foins, répondent un jour à ce que la République des Lettres & fa Patrie » font en droit d'en attendre. »

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Dans un des ouvrages fortis de cette famille célèbre, notre Bibliothécaire a trouvé une hiftoire, intéreffante pour ceux qui aiment les anecdotes de notre Théâtre. Beauchateau, ancien Comédien de l'Hôtel de Bourgogne, entendant un jour la Messe à Notre-Dame, vit une femme toute en pleurs auprès d'un pilier de l'Eglife. Il lui demanda le fujet de fon chagrin; elle fit d'abord quelque difficulté de lui répondre; mais fur les inftances du Comédien, elle lui apprit qu'elle étoit venue à Paris pour le

jugement d'un procès qui avoit duré beaucoup plus de temps qu'elle ne l'avoit prévû, & que ne pouvant avoir des nouvelles de fon pays, il ne lui reftoit aucune reffource; qu'elle n'ofoit plus retourner dans la chambre qu'elle avoit louée, parce qu'il lui étoit impoffible de payer le terme qu'elle devoit ; & qu'enfin elle étoit déterminee à fe laiffer. mourir de faim auprès de ce pilier. Beau chateau touché de ce récit, la retira dans fa maison, lui donna un lit & fa table. Un pareil traitement engagea cette femme à fe faire connoître de plus en plus à fon bienfaiteur. Elle dit entre autres chofes, qu'elle avoit une fœur qui étoit morte dans un Couvent, où elle avoit expié, par une pénitence austère, le malheur de s'être rendue à la paffion d'un Préfident; qu'elle en avoit eu une fille; mais qu'on ne fçavoit ce que cet -enfant étoit devenu. La femme de Beauchateau, qui étoit préfente, fe fentit toute émue à ce difcours; fes yeux fe remplirent de larmes ; & cédant aux mouvemens de fa tendreffe, elle fe jetta aux pieds de cette perfonne, & l'appella cent fois fa chère Tante. En effet la De

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