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moin, l'éloigna pour toujours de cette maifon.

Cependant il falloit à fon cœur un point d'appui; & quoique la maffe du fexe eût en général peu de droits fur fon eftime, il ne laiffa pas de s'engager de nouveau. Il fut attaqué à la fois par trois femmes de condition. La première avoit une uniformité de ton & de maintien, qui lui faifoit fuppofer une nullité de sentiment & de caractère. La feconde ayant été délaiffée de fes amans, avoit choisi notre Mylord pour la remettre fur le trotoir. La troisième ne s'attacha à lui, que parce qu'elle crut qu'il lui feroit goûter des plaifirs plus folides que ceux du fentiment. Après les avoir jouées toutes les trois pendant quelque temps, il leur envoya à chacune une lettre de congé.

Mais toutes ces galanteries paffagères n'étoient pas ce point d'appui qu'il falloit au cœur du Mylord; l'image de Lydia lui revenoit fans ceffe à l'efprit ; & il réfolut de ne rien épargner pour découvrir le lieu de fa demeure. Il en fut inftruit au moment qu'il s'y attendoit le moins. Il avoit été entraîné dans un Bal par un ami; parmi les femmes qu'il y vit il y en eut une masquée qui attira

toute fon attention. Elle avoit les charmes, les attraits, qui, fans être précisément la beauté, en étoient l'esprit & l'ame: c'étoit Lydia. La reconnoiffance ne se fit cependant point au Bal, parce qu'on ne fe demafqua pas, mais chez la mère de cette aimable perfonne, où Mylord avoit été introduit fans la connoître. Il apprit que le père de Lydia voulant la marier à un vieux Seigneur, la mère, qui n'approuvoit pas ce mariage, avoit fait difparoître fa fille. Ce Seigneur contracta d'autres engagemens; on appaifa le père, & Lydia revint à Londres. C'étoit pour éviter ce mariage qu'elle fe tenoit cachée dans la cabane où Mylord en avoit fait la connoiffance. C'est ici, Monfieur, que finit la troisième Partie de ce Roman qui n'eft point achevé. La fuite pourra devenir intéreffante, fi l'Auteur a l'attention de ne pas interrompre trop fouvent le récit de fes avantures par de longues réfléxions; fi.... fi.... fi...

Je fuis, &c.

LETTRE VI.

Les Troyennes.

Quoique la Tragédie des Troyen

nes ne foit pas encore imprimée, je fuis en état, Monfieur, de vous en rendre un compte détaillé, l'Auteur ayant bien voulu me communiquer fon Manufcrit. Illy a dans cette Pièce une multiplicité d'événemens, qui femble, au premier coup d'œil, contredire le grand principe d'unité d'action ; & c'eft pour cela que plufieurs perfonnes ont appellé cet ouvrage une Tragédie Epifodique, une Tragédie à tiroirs. Mais comme l'unité de lieu n'eft point bleffée en plaçant la Scène dans un Palais, & même dans une Ville entière, ne peuton pas auffi prendre pour fujet d'un tableau tragique les revers de toute une famille? C'eft ce qu'a fait l'Auteur des Troyennes. Il s'eft propofé de repréfenter les fuites funeftes de la prise de Troie, la barbarie des vainqueurs les infortunes de là race de Priam. Si la Critique lui reprochoit d'avoir embraffé

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trop

trop de matière, il pourroit fe juftifier par l'exemple d'Euripide & de Sénèque ; il a fondu dans fa Pièce les Troyennes de l'un & la Troade de l'autre, en s'attachant néanmoins beaucoup plus au premier qu'au fecond, unanimement reconnu pour un mauvais modèle, & qui ne peut fournir que quelques fituations heureufes, quelques belles tirades, quelques penfées fublimes. Le Poëte François, ainfi que le Poëte Grec, a eu l'art de lier avec habileté tant de parties différentes, pour n'en former qu'un tout. Les malheurs de la Maifon de Priam se raffemblent fur Hécube fa Veuve; c'eft en quelque forte à ce centre que vienment aboutir toutes les horreurs de la Victoire; c'eft, pour ainfi dire, à ce feul but que frappe coup fur coup l'in

humanité des Grecs. Cette mère infortunée réunit par-là tous les événemens & un point de vue qui fixe le fpectateur. - J'ofe même dire que dans la Pièce Françoise l'enchaînement des difgraces est plus naturel, la gradation mieux entendue que dans la Tragédie Grecque. Dans celle-ci, la mort de Polixène eft le premier effai de la rage des Vainqueurs. Cette affreufe nouvelle épuife d'abord

la fenfibilité d'Hécubé fa mère, & le dé part d'Andromaque & de Caffandre qu'on emmène en fervitude, doit la toucher foiblement en comparaifon. Il est vrai que la mort d'Aftyanax, dont on apporte à fes yeux le corps brifé fur le bouclier d'Hector, déchire de nouveau ce cœur maternel,& met le comble à sa dou❤ leur. Malgré cela, il me femble qu'il étoit plus fimple & plus raifonnable de commencer par les accidens les moins funeftes, pour arriver par degrés à la plus terrible catastrophe, comme a fait notre Auteur.

L'expofition de fa Tragédie m'a paru très-bien faite. Theftor, Grand Prêtre des Troyens, attaché à la famille de Priam, fait une peinture touchante de Troie embrafée, & redoute les malheurs réfervés aux reftes précieux du fang de fes Rois. Il ignore ce que les Grecs ordonneront de ces triftes victimes. Hécube avec fes filles Caffandre, Polixène, Andromaque, accompagnée de fon fils Aftyanax encore enfant, vient chercher quelque confolation auprès du Pontife, Elle s'accufe elle-même du renversement de fa Patrie, de la défolation de fes fujets & de fes enfans, pour s'être prêtée

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