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reufement perdus pour leurs fucceffeurs. Quel avantage ne feroit-ce pas pour 1 nous, fi l'on avoit pu trouver l'art de fixer, de conferver la nobleffe & la vérité de leur déclamation, comme on a inventé celui de multiplier & de perpétuer les productions du génie & du fçavoir ?

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Ce fouhait m'eft échappé plus d'une fois, Meffieurs, à l'occafion du Comédien célèbre * dont j'occupe la place, & que je dois vous faire regretter de plus en plus. Que n'ai-je été du moins à portée de l'entendre, de le goûter d'étudier fon genre & fa manière ? Que n'ai-je pu lui dérober quelques traits de ce naturel heureux, de cette naïveté piquante, de ce comique vraiment original, qui, durant trente années, ont fait vos plaifirs?

Mais cependant ne me trompai-je point, Meffieurs, quand je donne à entendre que nous manquons de préceptes & d'exemples? Eh, que deviendroit no

* François-Arnould Poiffen, mort à Paris le 24 Août de l'année dernière, âgé de cinquante-neuf ans environ. Il étoit fils de Paul Piffon, aufli Comédien, & petit fils de Raimond Poiffon, Auteur & Comédien, qui le premier introduifit l'ufage des Bottines dans les rôles de Crispin,

tre Art, s'il étoit abandonné à nous-mêmes, fi chacun de nous, fans règles & fans principes, fe faifoit un jeu dramatique au gré de fon caprice? Non, non: l'Ecole, à laquelle fe font formés ceux qui nous ont devancés, fubfifte encore ; le modèle qu'ils ont fuivi, nous l'avons fous nos yeux: c'est la Nature; & vous en êtes, Meffieurs, les organes éloquens, les fidèles interprètes. Vous faififfez avec la même fineffe d'intelligence un geste faux comme une penfée dépourvûe de vérité, un ton familier & bas comme une expreffion profaïque & rampante, un éclat de voix emphatique comme un vers ampoulé. Vous formez également & l'Auteur & le Comédien.

Daignez donc nous guider dans la carrière nouvelle qui s'ouvre fous nos pas. Nous avons befoin fans doute de votre indulgence, & nous la réclamons. Mais puiffions-nous ne pas l'éprouver, s'il arrive que nous en abufions pour négliger vos amusemens & nos devoirs, pour languir dans une honteuse médiocrité, pour défigurer à vos yeux les chefs d'œuvres qui nous font confiés, pour dégrader la Scène Françoife, devenue par vos lumières & par votre goût le Théâtre

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de la Nation, ou, pour mieux dire, le
Théâtre de l'Europe.
Je fuis, &c.

A Paris ce 25 Avril 1754.

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Hiftoire Naturelle de l'Iflande, du
Groenland, &c.

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I le Nord n'eft pas le théâtre le plus brillant des opérations de la Nature, c'est peut-être le moins connu. Ainfi 1 je ne doute pas que vous ne preniez, Monfieur, quelque intérêt à un ouvrage en deux Volumes, qui fe vend chez Lambert, Libraire, rue & à côté de la Comédie Françoife. C'est l'Hiftoire Naturelle de l'iflande, du Groenland, du Détroit de Davis, & d'autres pays fitués fous le Nord, traduite de l'Allemand de M. Anderson, de l'Académie Impériale, Bourgmestre en chef de la Ville de Hambourg, par M.... de l'Académie Impériale & de la Société Royale de Londres.

L'Ifle d'Iflande fituée dans la Mer du

xante & dix lieues de long fur quarante de large. Elle appartient au Roi de Dannemarc, & l'on n'y profeffe que la Religion Luthérienne. La rigueur exceffive du froid, de fréquens tremblemens de terre, & de dangereux volcans empêchent que cette Ifle ne foit fort peuplée. Ajoutez à cela qu'elle ne produit ni fruits ni bled, & que les habitans ne mangent que du pain de poiffon. Ce pain fe fait de la manière fuivante : ils coupent les poiffons par petits morceaux, & les pilent comme de la farine. Ils les mêlent enfuite, en font des espèces de gateaux qu'on fait fécher au Soleil, & s'en nourriffent eux & leurs bef tiaux pendant toute l'année.

On ne trouve dans l'Iflande ni gibier ni bêtes féroces, parce qu'elle eft fort éloignée du Continent. Quelquefois cependant on y voit arriver des Ours fur de gros glaçons, pouffés par le vent du côté de l'Ifle; mais comme on fçait le temps où ils viennent, on établit des gardes fur les Côtes. Dès qu'on en apperçoit un feul, tout le monde accourt, & on ne le quitte pas qu'on ne l'ait tué.

Il y a dans l'Ifle une quantité prodigieufe de Moutons qui reftent toujours

en.

en pleine campagne. Lorfqu'ils font furpris par la neige, ils fe joignent en troupes, mettent leurs têtes enfemble, & abandonnent le dos à la neige fans fe remuer. Ils en font bientôt tout couverts; & le froid les faifit tellement qu'ils ne peuvent plus fe féparer. La faim les oblige alors à fe ronger mutuellement la laine pour fe foutenir, jufqu'à ce que l'on vienne à leur fecours. Comme ils font entièrement couverts de neige, il feroit difficile de les voir, fans une espèce de fumée qui s'élève du milieu de la troupe. La chaleur concentrée fe fait une ouverture dans la neige, & elle fort comme d'un tuyau de cheminée.

apperce

L'Islande eft remplie de Faucons, qui paffent pour les meilleurs & les plus adroits de l'Europe. On les prend par le moyen de certains oifeaux dreffés exprès pour cette chaffe. Ils voyent le Faucon à des diftances incroyables dans l'air. A l'inftant qu'ils l'apperçoivent ils font un cri qui avertit leur maître. Celui-ci qui fe tient caché dans une petite tent> couverte de verdure, lâche un Pigeon attaché à une ficelle. Le Faucon vient fe jetter deffus; mais dès qu'il touche à

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