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Son cœur n'hésite point, il vole sur sa bouche; Chaque réponse eft fimple, & nous charme & nous touche;

Son maintien, son air feul peint l'ingénuité ;
Avant qu'il la prononce, il dit la vérité.

Le Poëte, par contraste, fait un portrait de la Cour:

Quelle foule brillante, empreffée, inquiette;
Sous ces Lambris dorés en tumulte se jette!
Je reconnois la Cour, ce Dédale éclatant ;
La feinte au double front marche en ferpen-
y

tant.

Ceft-là que tout eft fard, illufion, furface,
Que l'Amitié trahit, & que la Haine embraffes
C'eft-là que l'Orgueil rampe, & qu'aux dégui
femens

La folle Ambition vend tous les fentimens.
Tu parus cependant fous ce Ciel infidelle,
Rare SINCERITE'; tu n'y fus que plus belle:
Tu guidas Philoxène à la Cour de Denys,
A la Cour de nos Rois les Mornays, les Sullys.

Que vois-je aux Champs d'Ivry! Vaincu par foibleffe,

fa

Cet immortel Henri s'endort dans la molleffe; Le Héros cède à l'Homme, & le Roi n'eft qu'A

mant:

Quel écueil imprévû ! Quel dangereux moment!
Sully parle : à la voix son Prince, avec surprise,
S'éveille, voit les fers, en rougit, & les brife.

C'eft toi, SINCERITE', que l'on vit quelquefois,
Sévère & courageufe, ofer parler aux Rois,
Ou pour la Vérité contre la Flatterie,

Ou pour l'Humanité contre la Tyrannic.
би

Ainfi, des Conquérans le plus ambitieux,
Veut-il, fils d'un Mortel, paffer pour fils des

Dieux ?

A cette facrilège & vaine Apothéose
Le fage Callisthène eft le feul qui s'oppose:
Ainfi, le jour qu'Augufte, abufant de fon rang,
Alloit changer le Trône en Tribunal de fang,
Mécène fçut fauver [ zèle inoui peut être !]
La vie aux Accufés, & la gloire à fon Maître.

Je fuis, &c.

A Paris ce 12 Mai

1754.

LETTRE XIV.

Cours de Belles- Lettres.

A nouvelle édition du Cours de

La nouvelle du cours de

Belles-Lettres, ou Principes de la

donne lieu de vous entretenir de ce Li vre déja ancien pour le fond, mais nou vellement augmenté de la valeur d'un Volume. Il parut d'abord fous le titre des Beaux Arts réduits à un même principe, & l'on n'y traitoit que de la Poëfie, de la Peinture, de la Mufique & de la Danse. L'Auteur embraffa depuis tous les genres de Littérature, & donna un fecond Traité, intitulé Cours de Belles-Lettres. Le Public ayant porté un jugement favorable fur ces deux Ouvrages, M. l'Abbé Batteux a cru devoir les réunir & n'en former qu'un feul Livre, qu'il a divifé en trois Parties. Dans la première il établit le principe fondamental des Beaux Arts; il fait, dans la feconde, l'application de ce principe aux différentes espèces de Poëfie; dans la troisième, il rappelle à ce même principe tous les autres genres de Littéra

ture.

Tous les Arts fe réuniffent à un centre commun; c'est l'imitaion de la Nature. Il faut diftinguer deux fortes d'imitations dans les Ouvrages Littéraires l'une eft un portrait qui repréfente la Nature telle qu'elle eft; c'est l'objet de l'Eloquence, en comprenant fous

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fous elle l'Oraison, l'Histoire, le genre Epiftolaire. L'autre eft un tableau qui représente la Nature telle qu'elle peut être; c'eft la Poëfie avec toutes fes efpèces. L'Eloquence rend la vérité trait pour trait, & va à l'utile. La Poëfie peint le vraisemblable, & fon objet eft de plaire. De-là naiffent les propriétés & les règles générales de chaque efpèce d'Ouvrages, foit en vers foit en profe. Quand l'Eloquence peint, d'après la vérité, les faits & leurs caufes, c'eft l'Hiftoire : les raisonnemens & les fentimens, c'est l'Oraifon : la fituation & les penfées de celui qui écrit, c'eft le genre Epiftolaire. Quand la Poëfie raconte, d'après le vraisemblable, les avantures des hommes & des Dieux, c'eft la Poëfie narrative. Quand elle fait parler les Héros eux-mêmes, ou les Dieux qu'elle introduit, c'eft la Poëfie dramatique. Quand elle exprime les fentimens & l'yvreffe du cœur, c'eft la Poëfie lyrique. La Poëfie & l'Eloquence ont toutes deux les mêmes fonctions; c'est de peindre; les mêmes couleurs pour peindre, ce font les mots; le même objet à peindre, c'eft la Nature. Mais l'une travaille en efclave pour le fervice & le

befoin; l'autre en fouveraine qui ne s'occupe que de fêtes & d'amufemens. Toutes leurs opérations font fubordonnées à leurs points de vûe. De-là vient dans l'une, la Poëfie des chofes, la Poëfie du ftyle, l'harmonie artificielle, le luxe & l'éclat. Dans l'autre, la vérité des chofes, la fimplicité & la modestie de l'expreffion. C'est donc à l'imitation de la Nature que fe rapportent ces deux Arts, & il n'eft aucune branche dans l'un & dans l'autre qui ne tienne à cette tige commune. Voilà, Monsieur, l'idée générale, & comme l'arbre généalogique de tout l'Ouvrage.

L'Auteur commence par la Poëfie de récit, qu'il divife en trois fortes, l'Apologue, l'Eclogue & l'Epopée. La Nature, les règles, l'origine de ces différentes espèces de Poëfies, les ornemens dont elles font fufceptibles, les défauts qui les déparent, le caractère des plus célèbres Auteurs qui ont écrit dans ces trois genres, l'analyse de leurs Ouvrages, accompagnée d'un examen raisonné & d'une critique judicieufe; tout cela, Monfieur, eft préfenté avec une clarté & une précision admirables.

M. l'Abbé Batteux fuit la même

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